Peux-tu te présenter brièvement ?
Je m’appelle Stéphane Orosco, je travaille dans le réseau culturel français à l’étranger depuis 4 ans. Avant ça, j’ai travaillé dans différentes structures culturelles en France comme des opéras, des associations ou encore des fondations privées, tout ça dans différents domaines : médiation culturelle, accueil des publics, communication…
Quel est ton parcours (expérience pro, études…) ?
J’ai commencé avec une licence en histoire, suivie par un master de recherche en histoire médiévale et après j’ai suivi une reconversion en master de gestion de projets culturels orienté vers l’international.,
Pourquoi cette reconversion ?
En fait, j’ai toujours été frustré d’étudier des cultures « mortes », dans le sens où bien souvent ce sont des cultures qui n’existent plus vraiment. Donc j’avais envie d’en découvrir d’autres qui existent toujours mais aussi d’explorer la mienne, de la défendre et de la promouvoir.
Peux-tu nous décrire alors ta dernière mission en quelques phrases ?
Je travaillais comme coordinateur culturel et communication pour les Alliances Françaises de Johannesburg et Soweto en Afrique du Sud. Les missions consistent alors à promouvoir la culture française auprès des sud-africains et de créer des liens entre la culture française et sud-africaine. Et la mission « en extra » c’est aussi de faire connaitre la culture sud-africaine en France en partenariat avec des institutions sud-africaines et françaises.
Impressions
Qu’est-ce que tu préfères dans ton job ?
Le premier point est surtout le fait de pouvoir découvrir de nouvelles cultures, de nouvelles visions et de nouvelles façons d’expérimenter la culture par différents formats artistiques. Ce qui est aussi très intéressant et ce que j’ai pu voir en Afrique du Sud notamment, c’est la débrouillardise et l’ingéniosité des artistes. En effet, ils n’ont pas, pour la plupart, le confort de création qu’on peut trouver en France et pourtant, ils arrivent à créer des choses extraordinaires même avec un manque de supports et de structures évident.
Dans quelle mission t’es-tu le plus amusé, épanoui ?
De manière générale toutes mes expériences professionnelles m’ont permis de m’épanouir de différentes façons. Celle qui m’a le plus marqué en revanche a sans doute été ma toute première expérience professionnelle. C’était un service civique dans une association qui intervenait dans le milieu hospitalier et plus particulièrement dans le milieu psychiatrique. Cette expérience m’a beaucoup touché et elle a même presque été un choc, en termes d’apprentissage. Mais encore une fois, chacune de mes expériences à l’étranger m’ont permis de me confronter à différentes visions du monde, et donc m’ont beaucoup apporté personnellement et professionnellement.
Pourquoi ce choix pour ton dernier poste en Afrique du Sud ?
Alors en fait il se trouve que c’était un poste qui été complémentaire au poste que j’occupais juste avant. En effet, je travaillais à l’Ambassade de France en Albanie en tant qu’institution étrangère qui est donc, beaucoup centrée sur du partenariat de soutien à la création, de soutien aux structures. Mais l’Ambassade ne disposant pas de structures elle-même, cela m’a un peu frustré de voir qu’on pouvait faire pas mal de choses mais chez les autres. Alors qu’en Afrique du Sud c’était l’opposé, on parle ici de gestion d’une structure et de sa programmation propre, de faire des choses in situ et soi-même.
Quel est ton meilleur souvenir à ce poste ?
Mon meilleur souvenir je pense a été un évènement qu’on a appelé « Disco soupe », qui se déroulait à Soweto. C’était un événement qu’on a fait en partenariat avec des ONGs locales (qui s’occupent d’orphelinats, ou des associations de quartier) au cours duquel on a cuisiné des aliments retirés de la consommation (car pas assez beaux pour la vente, ou la date de consommation était passée). On a donc cuisiné tous ensemble avec un chef de l’île de la Réunion, puis on a distribué la nourriture à ces ONGs ; ce qui a permis de nourrir entre 300-400 personnes ! Le fait de pouvoir organiser un événement culturel et d’être utile en même temps, ça a été un super moment. Quand on travaille dans la culture, on travaille dans des projets qu’on ne voit pas toujours aboutir ou on peut avoir le sentiment que ça n’apporte pas forcément des choses aux gens et là, voir des sourires sur les visages de tous les participants, c’était une belle expérience.
Quelle est ta plus grande fierté professionnelle ?
Une de mes fiertés c’est d’avoir toujours pu travailler pour des structures qui avaient aussi une mission sociale et un rapport très proche avec les populations qu’elles côtoient. En clair : d’être aussi un peu, à mon niveau, au service des populations locales.
Quelle a été ta plus grosse galère ?
Je ne peux pas être trop spécifique pour cette question… Mais disons que dans certains pays c’est compliqué notamment car on est confronté à une culture du travail qui peut s’avérer être très différente de la sienne mais aussi et surtout on est confronté de plein fouet au manque de moyens structurel de certains pays.
Quel profil faut-il avoir selon toi pour ce genre de poste ? Y a-t-il des qualités à avoir absolument ?
Oh oui : il faut tout d’abord avoir une grande ouverture d’esprit, savoir être adaptable, indépendant car tu es bien souvent dans un milieu complétement différent, et laissé par toi-même ; il faut donc savoir se débrouiller. Et enfin et surtout, il faut être curieux.
Quelles sont les évolutions possibles de ce genre de poste ? Et as-tu ressenti les possibilités de cette évolution dans ton ancienne structure ?
Il faut savoir qu’il n’y a pas vraiment de possibilité d’évolution. Pour être honnête je veux prévenir tous ceux qui veulent faire carrière dans la culture et d’autant plus à l’international. C’est un milieu très compliqué, il faut vraiment le noter. La porte d’entrée la plus simple ce sont les stages, les services civiques puis les volontariats internationaux. Après ces postes, ceux qui sont disponibles, ce sont ceux de direction donc des postes que tu ne peux pas avoir à moins d’avoir déjà 5 à 10 ans d’expérience. En fait, il n’y a pas de postes intermédiaires. C’est le milieu qui est vraiment particulier. Ceux qui souhaitent y entrer doivent vraiment bien réfléchir. De plus, c’est un secteur avec de moins en moins de moyens. Le gouvernement français serre la vis par rapport aux emplois, ce qui veut dire : peu de remplacements, moins de places pour les expatriés et plus de places pour les locaux. On dit souvent que la culture c’est bouché mais la culture à l’international c’est bouché de chez bouché, encore plus bouché que la culture en France. Il faut donc bien y réfléchir quand on se lance, ce n’est pas simple et de toute manière il faut retourner en France à un moment ou à un autre pour espérer retrouver un jour du travail en métropole. C’est un beau métier mais encore une fois réfléchissez bien !
Actualités
Comment la situation actuelle affecte-t-elle ton quotidien professionnel ?
Du point de vue des structures, les Alliances Françaises qui dépendent des ventes de leurs cours ont beaucoup été touchées par le COVID-19 (évidemment ça dépend du pays dans lesquels elles se situent mais en général c’est assez dur, beaucoup d’Alliances Françaises ont perdu une part significative de leurs revenus.) Heureusement elles ont pu compter sur le soutien de la France et de ses opérateurs comme les Ambassades, les Instituts Français. Mais elles restent fragilisées. Beaucoup ont tout de même réussi avec succès, comme à l’Alliance de Johannesburg, à proposer une reconversion digitale avec des programmations culturelles en ligne, des cours en ligne.
De mon côté, pour permettre à l’Alliance de voir un peu plus loin dans l’avenir et étant bien conscient que l’organisation d’événements en présentiel allait être impossible pour un long moment, j’ai préféré quitter mes fonctions plutôt qu’être une charge financière pour l’Alliance.
Avec quel œil vois-tu l’avenir (un renouveau, un manque de visibilité, méfiance, découragement …) ?
Par rapport à la culture, l’avenir m’apparaît en demi-teinte. La situation actuelle va être vraiment difficile avec notamment la limitation des spectacles avec public. Mais je pense avec optimisme pour les artistes. Cette crise est une nouvelle source d’inspiration qui leur permet de tester de nouveaux formats, de nouvelles façons d’appréhender leur médium. J’ai d’ailleurs hâte de pouvoir professionnellement les aider à mettre en place ces nouveaux formats et ces nouvelles visions.
Quels sont tes projets futurs (au vu de la situation mais aussi dans l’absolu) ?
Je suis rentré en France aujourd’hui et je souhaite y travailler pour me réactualiser avec la création française et me rapprocher de la création artistique française. Dans le but de pouvoir repartir plus tard et aider ces artistes à exporter leurs nouvelles démarches, leurs nouvelles créations et leurs nouveaux moyens de création.
Question bonus : Quelle est l’œuvre culturelle/artistique qui t’a le plus marqué ? As-tu une œuvre (film, musique, spectacle divers) qui t’a vraiment touché et de laquelle tu te sens proche ?
Je pense à un artiste d’art brut, un des premiers artistes avec lequel j’ai pu travailler, par ailleurs, c’est André Robillard. Ces créations sont faites de matériaux de récup’, il crée notamment des fusils. Il a grandi pendant la 2nde guerre mondial donc maintenant il a 88 ans ! C’est vraiment un artiste qui m’inspire. C’est-à-dire aussi qu’il a été reconnu comme artiste par les autres. Lui se considère comme un bricoleur, il est d’une naïveté c’est magnifique, il représente pour moi la quintessence de l’artiste, la plus belle et la plus pure forme de création. Il ne crée pas pour se faire de l’argent ou pour délivrer un message politique etc. c’est sa façon de communiquer, il en a juste besoin. Après j’aime aussi beaucoup Pollock. J’adore également tout ce qui est Orientalisme. Et je suis un très grand fan de danse, c’est vraiment un de mes mediums préférés.
Lien vers l’Alliance Française :
https://www.instagram.com/alliancefrancaise_soweto/
https://www.facebook.com/afsoweto/