Ah ! L’enfance ! Il s’agit là d’une belle période d’insouciance, de jeux, de découvertes mais aussi… de peurs et de monstres sous le lit.
L’âge tendre, comme dirait l’autre, c’est le début d’une toute nouvelle aventure. Il faut tout apprendre de ce monde si vaste et mystérieux. Le développement de l’imaginaire individuel enveloppe alors toutes ces choses que l’on ne comprend pas. L’inconnu fait peur à tout âge. L’enfant à cela de particulier qu’il ne peut reposer ses interactions avec l’extérieur sur un empirisme (lequel reste encore minime). Il n’a pas encore intégré les codes sociaux et scientifiques qui régissent son environnement. Tout est en proie à une imagination bouillonnante.
La narration permet alors de mettre des mots sur ces concepts et émotions parfois difficiles à appréhender. Les contes de fées et désormais les dessins animés et autres films enfance deviennent ainsi les garants d’une parabole pédagogique. Laquelle n’est pas sans utilité également pour les plus grands.
Faire face à ses peurs en personne
L’enfant est une toile vierge. Il observe. Il mime ses parents. Il pose tout un tas de questions auxquelles ont parfois bien de mal à répondre les grandes personnes qui l’entoure. L’enfant fait face à une quantité impressionnante de stimulis sensoriels et émotionnels chaque jour.
Il ne s’explique pas non plus toutes ces émotions qui lui arrivent tel un torrent incontrôlé. Pourquoi je dois partager mes jouets ? Pourquoi je ne peux pas avoir ça ou ça ? Pourquoi maman ne s’occupe pas de moi tout le temps ? Pourquoi je dois aller à la crèche ?
Le film va alors prendre le relais. Il va alors mettre en scène ses concepts et ressentis les plus abstraits. Il va surtout à l’enfant, dont l’imagination déborde d’explications magiques, de pouvoir s’identifier aux héros de l’histoire et d’envisager ses angoisses sous un nouveau jour.
“Pour qu’une histoire accroche vraiment l’attention de l’enfant, il faut qu’elle le divertisse et qu’elle éveille sa curiosité. Mais pour enrichir sa vie, il faut en outre qu’elle stimule son intelligence et à voir clair dans ses émotions; qu’elle soit accordée à ses angoisses et à ses aspirations; qu’elle lui fasse prendre conscience de ses difficultés, tout en lui suggérant des solutions aux problèmes qui le trouble”, explique Bruno Bettelheim in Psychanalyse des contes de fées.
Le monstre devient donc l’allégorie de ces angoisses. Il personnifie ainsi ces angoisses qui taraude l’enfant à chacune des étapes de son développement. Le héros triomphant le rassure alors quant à la possibilité de victoire. La peur de l’abandon, des catastrophes naturelles voire des angoisses sociales sont alors traitées sous l’aspect de créatures monstrueuses voire simplement de péripéties qui rassurent alors l’enfant. Un procédé qui n’est pas sans rappeler le formidable pouvoir pédagogique du cinéma en général…
Accepter la différence
La figure du monstre c’est aussi la possibilité de mettre l’enfant face à ce(ux) qui est différent de lui. La créature prend alors ses traits originel d’ “être extrême et difforme” en opposition à ce qu’il considère comme la norme, sa propre individualité. Les péripéties montrent alors à ce citoyen en devenir que ce qui est différent n’est pas forcément mauvais.
Le cas de Monstres & Cie (Pete Docter, 2002) est ainsi particulièrement intéressant en ce qu’il retourne habilement la situation. Cette fois, c’est toute une ville de monstres qui est terrorisée par… une toute petite fille. Le film montre ainsi que finalement tout est une question de point de vue et que l’autre ne doit pas être traité sur la base de la peur qu’il inspire au premier abord.
Extrait Monstres & Cie (Pete Doctor, 2002)
L’enfant n’est pas le seul pour qui la mise en parabole et surtout la personnification de la peur peut être cathartique voire thérapeutique. L’adulte aussi peut avoir besoin dans son parcours de revenir à l’explication simple de la narration. Les étapes importantes de la vie ne s’arrêtent pas une fois passé l’âge des couches. L’éducation est l’affaire de toute une vie qu’il s’agisse de jeunes parents, d’un étudiant perdu face à son avenir flou, du jeune actif face à son premier emploi voire même réminiscences de temps plus insouciants et tant d’autres étapes cruciales.