Thierry Frémaux l’a annoncé ce matin: Spike Lee sera le président du jury pour l’édition 2020 du Festival de Cannes qui se tiendra du 12 au 23 mai prochain. Absent des projecteurs depuis 27 ans, le réalisateur, scénariste et producteur a beaucoup fait parlé de lui ces deux dernières années avec le poignant Blackkklansman. Qui est Spike Lee et pourquoi sa nomination produit un tel impact ? Voici quelques éléments de réponse.
1. Shelton Jackson Lee, dit Spike Lee, est né à Atlanta (Géorgie, USA), le 20 mars 1957. Il fut élevé à Fort Greene dans l’arrondissement de Brooklyn à New York.
2. Spike Lee est le premier président noir du jury cannois et plus généralement d’un grand festival de cinéma. D’autres personnalités de la diaspora africaine ont déjà été membres de ce même jury comme l’acteur Will Smith en 2017. C’est la première fois, cependant, qu’il sera présidé par un représentant de la communauté noire.
3. Son premier long métrage Nola Darling n’en fait qu’à sa tête (She’s Gotta Have It) fut présenté à la Quinzaine des réalisateurs de 1986. Il raconte une portion de la vie d’une jeune femme et de ses relations amoureuses (mais pas que) desquelles elle parle librement et notamment de son hésitation entre trois amants. Il sera adapté en série, trente ans plus tard, par Netflix notamment en raison de son rôle de précurseur auprès de la cause féministe.
4. Spike a présenté 7 de ses films au Festival de Cannes dans diverses catégories. Do the Right Thing (1989), Jungle Fever (1991), Girl 6 (1996), Summer of Sam (1999) et Ten Minutes Older (2002) et reçoit en 2018 le Grand Prix pour Blackkklansman.
5. Il a explosé au début des années 90 avec Do The Right Thing. Le film porte à l’écran une journée dans le célèbre quartier de Brooklyn (NY, USA) mais surtout casse avec beaucoup d’humour et de bon sens les préjugés du racisme ordinaire. Ce sera la première fois qu’une émeute à caractère racial est montrée sur grand écran.
6. Spike Lee c’est un cinéma engagé et surtout frontal comme son réalisateur qui n’hésite pas à faire savoir son avis de manière claire. Sa tentative de sortie remarquée du Dolby Theatre après la victoire pour l’Oscar 2019 du meilleur film par Green Book en est un exemple. Lee est connu pour ses clashs violents. Il a notamment épinglé Q.Tarantino pour sa représentation de la culture noire et son utilisation trop fréquente du terme “nègre”. Il a notamment déclaré ne pas vouloir voir Django Unchained (2013) en ce qu’il est un “manque de respect pour (ses) ancêtres” car “l’esclavage américain n’était pas un western spaghetti de Sergio Leone. C’était un holocauste.”
7. Le réalisateur revendique son droit de travailler librement et va, pour ce faire, fonder sa propre entreprise de production en 1978. 40 Acres and a Mule Filmworks se nomme ainsi en référence au Special Field Order 15 lequel promettait d’offrir des terres aux ex esclaves au moment du passage du 13e amendement en 1865. Terre qui fut rendue à ses précédents propriétaires à la mort de Lincoln. L’entreprise est toujours en activité.
8. Spike Lee était très ami avec le musicien Prince. Il s’est d’ailleurs rendu à la cérémonie des Oscars 2019 tout de violet vêtu en hommage à la superstar disparue en 2016. La BO de Blackkkansman contient d’ailleurs un titre unreleased du chanteur.
9. Il est admiratif du travail de Michael Jackson et il est le réalisateur du clip de They Don’t Care About Us (1996).
10. Grand fan des Knicks de New York, il participe au scénario du jeu vidéo NBA 2k16 sorti le 29 septembre 2015 sur consoles, PC, iOS et Androïd.
Spike Lee c’est une énergie folle ! Beaucoup de colère, bien sûr, mais aussi beaucoup d’humour. C’est d’ailleurs ce savant mélange de fervent militantisme et de punchlines toujours justes qui font de ses oeuvres tellement plus que de simple pamphlets militants. Black Panthers(2018), Get out (2017), US (Jordan Peele, 2020)… autant de productions qui ont pu voir le jour (ou plutôt les projecteurs) grâce au travail de Spike Lee. Le cinéma noir par les noirs fait, en effet, de plus en plus parler de lui. Des oeuvres moins polémiques, certes, mais qui ont vocation à s’étendre à tous les publics. On murmure, d’ailleurs, que Lee aurait un projet en cours avec Chadewick Boseman, l’acteur principal de Black Panthers (2018). Ce printemps, Spike Lee et son jury désigneront le successeur de Parasite (Boog Joon ho, 2019) pour la Palme d’or. Nul doute qu’il s’agit de la promesse de moments forts pour le cinéma tant artistiquement que politiquement.