Le cinéma est créateur de désirs et vecteur de stéréotypes. Jusque là, on ne vous apprend rien. Parmi eux, un standard en particulier est en ligne de mire ces derniers temps : la place de la femme et de l’homme. Alors, certes, le temps des ménagères romantiques et du macho men milliardaire est (presque) révolu. Beaucoup de préjugés restent toutefois encore bien ancrés. Dans un contexte de prise de conscience des minorités, comment le grand écran s’implique dans la transition sociétale ?
“La place de la femme, c’est dans la cuisine”
La fameuse vidéo du prêtre porte aujourd’hui plus à rire qu’autre chose. Tiktok en a fait d’ailleurs un de ses classiques.
La place de la femme et son image tendent petit à petit à petit à s’améliorer. Les mouvements Me too et Balance ton porc ont, en effet, permis de mettre en lumière l’in-équité encore trop présente dans l’industrie des projecteurs. Les réalisatrices se voient accorder petit à petit un peu plus de visibilité et les actrices osent. A l’écran, les personnages féminins se complexifient. Le changement (très) progressif de point de vue reste cependant encore long et difficile. On n’arrête pas des siècles de privilèges masculins comme ça ! Certains comportements sexistes sont encore bien trop banalisés. Un homme protège une femme, c’est ok. Un femme qui protège un homme perd sa féminité.
Un double standard qui est malheureusement encore bien enraciné. A tel point que la misogynie intégrée est au moins autant étendue que le sexisme.
De nombreux projets voient cependant le jour avec le désir de casser ces icônes du “bon goût et de la raison” : la femme fatale, l’hystérique, la potiche, la coincée…
Le film Forte, par exemple, déconstruit deux standards en même temps à savoir, l’idée de la beauté et l’image de la danseuse de pole dance.
Et pour vous monsieur, ce sera ?
De son côté, l’homme subit aussi un bon ravalement de façade. La montée en puissance de la communauté LGBTQ+ questionne le genre et petit à petit les codes de la sainte virilité s’effritent. Les films Billy Elliot ou le plus récent Les garçons et Guillaume à table démontent ainsi les clichés de l’indéboulonnable homme fort. Oui, un homme peut aimer la danse classique et ne pas être gay. Non, un homme qui n’apprécie pas le sport n’est pas forcément une femme trans. Non, un homme n’est pas un simplet avec un pénis à la place du cerveau ou un geek puceau.
Des clichés qui peuvent paraître risibles sur le papier mais qui sont encore bien présents dans nos représentations sur grand écran. La masculinité positive (de même que son pendant, la féminité positive), par exemple, ou valorisation des comportements assignés au genre dans lequel l’individu en question excelle participe également de l’entretien de ces stéréotypes.
Les codes bougent. Le cinéma se fait petit à petit iconoclaste. La révolution est lente mais s’avance sûrement. Le changement progressif de paradigme à l’écran accompagné des mouvements militants hors champ permettent d’espérer une image plus inclusive du spectre genré. Espérons qu’il en sera de même pour l’intégralité du spectre des représentations non binaires et gender fluid inclus.
Billy Elliot, Stephen Daldry, 2000
Tomboy, Céline Sciamma, 2011
Les garçons et guillaume à table, Guillaume Gallienne, 2013
De l’histoire des coups d’Etat, le Paris is burning de Jennie Livingstone a mérité sa place. Sorti en 1991, le film est un documentaire autour de la scène ballroom de New York à la fin des années 1980. Le monde est alors en pleine épidémie de sida et la communauté queer est extrêmement stigmatisée. Plus encore, le racisme est très présent au sein même de la communauté. Latinos et afro-américains sont souvent mis sur le banc de touche et ripostent en crééant les balls, des concours de beauté au sein desquels les houses défilent et vogue pour obtenir le premier prix.
Une communauté encore très peu connue à l’époque de la sortie du film et qui ne fera que gagner en lumière dès lors.
Un film culte
Paris is burning a donc permis de mettre sur le devant de la scène une communauté qui était encore très méconnue. Le New York des années post-Stonewall est, certes, de plus en plus tolérant mais beaucoup de chemin reste encore à parcourir. Des dizaines de jeunes gens se retrouvent à la rue suite à la révélation de leur différence. Ils dansent voire se prostituent en échange de quoi manger. Central Park est d’ailleurs devenu un haut lieu de rassemblement de cette jeunesse brisée. Les communautés noires et latino, en particulier, subissent la violence du racisme en plus de l’homophobie. Les houses (fr “maisons”) vont alors voir le jour et permettre à ces jeunes de retrouver un toit et une éducation.
Paris is burning, c’est donc un film sur la communauté dans la communauté. Sous toutes ces paillettes et étoffes, c’est la violence du rejet et de l’ignorance qui est racontée. Le film fera l’effet d’une petite révolution dans une société encore terrifiée par le “cancer gay”. Il remporte un certain nombre de prix dont le Grand Prix du Jury documentaire au Festival du Film de Sundance en 1991. Il permet surtout de populariser une culture qui s’est désormais étendue à l’ensemble de la communauté LGBTQI+.
Une communauté qui s’organise
Ce que montre le film, c’est surtout une communauté qui se reconnaît, qui se codifie. Il s’agit là d’un vrai monde de la nuit, souterrain où règne étoiles filantes et prédateurs.
On ne parle pas encore de communauté LGBT mais de communauté gay. On ne parle pas de transgenre et encore moins de bisexualité ou même de non-binaire. La notion de changement de sexe est cependant déjà abordée. L’un des protagonistes déclare rêver d’être une “vraie femme”. Une notion de “faire vrai” qui jure avec le fantasme des ballrooms malgré qu’elle se retrouve dans les catégories “realness”. De l’importance de ce paraître vrai suinte le désir d’intégration dans une société qui les voient, au mieux, comme des bêtes de foire. Il s’y traduit également et surtout l’envie de coller au maximum à la personne que l’on souhaite devenir.
Les paillettes et le glamour dissimulent donc avec un peu de peine le malaise d’une communauté qui commence tout juste à sortir de la nuit.
Controverse ou le complexe du documentariste
Paris is burning, malgré son succès auprès de la communauté queer comme mainstream, n’est pas tout à fait blanc de tout débat. La réalisatrice a notamment été accusée d’avoir payé de façon inégale les participants et surtout d’avoir profité de la renommée du film. Ce qui d’ailleurs n’est pas tout à fait vrai lorsque l’on voit la carrière de Jose Xtravaganza qui devint l’un des danseurs de Madonna et l’initia au voguing.
Le principal conflit repose en ce que Jennie Livingstone ne faisait pas partie de la scène ballroom. Elle était, certes queer mais ne participait pas aux balls, était blanche et allait à l’université. Il s’agit là de la problématique récurrente, si ce n’est constante, à laquelle se heurte les documentaristes. Doit-on avoir vécu pour témoigner ? Si je suis extérieur, suis-je réellement objectif ?
Des questions sans réponses mais qui alimentent encore de nombreuses tables rondes.
Paris is burning est sans conteste l’un des piliers de la culture queer. Malgré la controverse, Jennie Livingstone a tout de même permis de mettre en lumière une communauté brisée par le sida et la violence. Une communauté qui a ainsi pu trouver une existence et une légitimité.
Le mouvement Me too a mis un grand coup d’accélérateur sur le sort des minorités au cinéma. La communauté LGBTQI+ profite également de ce coup de projecteur ces dernières années. Longtemps parent pauvre du mouvement, les transgenres bénéficient petit à petit de belles occasions de faire leur place sur nos écrans.
But first, un petit lexique s’impose :
Transgenre : individu dont l’identité et l’expression de genre diffère du sexe assigné à la naissance
Drag queen: individu qui se construit une identité du sexe opposé basé volontairement sur des archétypes le temps d’une performance
Cisgenre: individu dont l’identité de genre correspond à son genre de naissance
Réassignation de genre : ensemble d’opérations chirurgicales permettant de modifier les caractéristiques sexuelles initiales d’un individu
Mégenrer : ne pas respecter le pronom correspondant à l’identité de genre ressentie par une personne
Deadname: nom de naissance d’une personne transgenre
Transition: désigne le chemin d’une personne trans. Celui-ci est personnel et multiple. Certains choisissent les hormones, de la chirurgie ou simplement joue avec les codes.
Un peu d’histoire …
Avant les années 2000, très peu de films grand public montre à l’écran des personnages transsexuels. Ces derniers sont d’ailleurs très souvent extrêmement archétypales. Ils sont, en effet, le plus souvent associé au monde de la nuit, à la drogue, à la prostitution voire carrément à la folie et à la violence. Tout le monde se souvient du personnage du Silence des Agneaux (Johnathan Demme, 1991) qui développe un intérêt tout particulier pour la peau des femmes.
Le cinéma underground, quant à lui, leur offre une plus grande plateforme d’expression (toute proportion gardée). Le cas de la transidentité y est exploré avec plus de profondeur avec par exemple Glen ou Glenda (Ed Wood, 1953) ou l’année des treize lunes (Rainer Werner Fassbinder, 1978).
Le tournant du nouveau millénaire voit les personnages transsexuels apparaître plus souvent dans les salles obscures. Si ces apparitions se diversifient et se complexifient, la transidentité est encore souvent un prétexte comique ou tragique. Le nombre de films qui traitent du sujet augmente cependant et notamment depuis les années 2010. La communauté LGBT, en effet, bénéficie petit à petit d’une plus large représentation ce qui a pour répercussion une compréhension plus complexe et surtout plus diverse de la transidentité par le public.
Stéréotype mon amour
La transidentité, comme la plupart des minorités, fait face à de nombreux préjugés. Ceux-ci ont été malheureusement largement diffusés par le cinéma, médium des masses par excellence. Si on ajoute à cela la petite dimension de représentation, l’image des transsexuels a été plutôt malmenée.
Le personnage trans c’est d’abord un prétexte, on rit du travestissement d’un homme en femme ou vice versa source de quiproquos en tout genre. La Cage aux folles (Edouard Molinaro, 1978) ou encore Chouchou (Merzak Allouache, 2003) ont, certes participé à la visibilité de la communauté mais sont également remplis de ces fameux clichés comiques.
La transidentité c’est aussi le moyen de pointer d’amener (voire d’incarner carrément) la déchéance et la folie. Les transsexuels vendent leurs corps, sont vulgaires, se droguent et parfois même tuent. Une très belle image du cercle vicieux de la transphobie entre ignorance et rejet.
“Le trans” est bien souvent un personnage secondaire, haut en couleurs. Lorsqu’il se trouve cependant poussé au premier plan, ce n’est que pour commenter sa transition. La majeure partie des intrigues qui impliquent un personnage transgenre repose souvent sur le problème du réassignement physique à l’aide des fameux tournants scénaristiques bien connus: la révélation “choc” du sexe de naissance, une longue histoire tragique autour de “l’opération”.
Si le rôle des transsexuels à l’écran prend en profondeur, un point important est également à noter : une grande partie des rôles transgenres sont encore joués par des acteurs cis. Une affirmation qui n’est pas notable dans l’autre sens.
Doucement mais surement
Une vision plus nuancée toutefois fait son entrée par le petit écran. Pose, Orange is the new black ou encore Euphoria abordent, en effet, le sujet de la transidentité avec plus de délicatesse. Les personnages sont complexes et puissants à l’image d’Elektra (Dominique Jackson) dans Pose ou encore Sophia (Laverne Cox) dans Orange is the new black.
En salle, la révolution arrive plus lentement mais sûrement par le cinéma d’auteur principalement avec des films (encore peu nombreux) tels que Port authority (Danielle Lessovitz, 2019) ou Tangerine (Sean S.Baker, 2015) qui comporte non seulement des rôles transgenres au premier plan mais surtout joués par des acteurs transgenres eux-mêmes.
Gaspar Noé pour Climax (2018), fait rarissime, engage également une actrice trans pour jouer un rôle cis. Le film Port Authority, dont l’intrigue tourne autour de la transidentité, a d’ailleurs été présenté au festival de Cannes en 2019 avec une montée des marches des plus flamboyantes.
La révolution ce n’est pas vraiment pour tout de suite mais elle se prépare face caméra. On peut également souhaiter pour l’avenir l’apparition de plus de femmes et d’hommes transgenres à des postes clés tels que les réalisatrices Lilly et Lana Wachowski.
La visibilité de la transidentité ne fait qu’accroître. Ses représentations se complexifient, de même que la vision du public. Face et derrière la caméra, le changement se donne à voir. Reste à faire de même pour l’ensemble du spectre de genre dont le manque de visibilité et de nuance est encore grandement à déplorer.
Venez à la (re)découverte d’une formation qui vient de loin, ou plutôt de très très loin. En effet, Da Genius est une formation à géométrie mouvante composée pour l’occasion de Gamil Dagenius Abdou Kamal-Dine et Yax et nous vient des Comores ; un archipel à plus de 7000 km de la France. J’ai eu la chance de les rencontrer et d’assister à l’une de leur performance scénique au Cameroun.
Yax et Gamil ont, en effet, été invités à participer à un moment créatif, pendant une semaine dans un petit coin de paradis, appelé Souza, à 45 minutes de Douala. Cet endroit magique en pleine nature a accueilli des artistes et des auteurs plus ou moins expérimentés, originaires du continent africain en résidence afin de (re)trouver l’inspiration et se former en compagnie de grands noms de l’écriture tels que Hemley Boum ou encore Anne-Sophie Stefanini et le slameur Capitaine Alexandre.
Ce dernier a d’ailleurs partagé l’affiche du groupe lors du concert organisé à l’Institut Français du Cameroun de Douala. Les deux formations sont habitués à travailler tous ensemble depuis un certain temps. Ils collaborent notamment dans le collectif appelé “On a slamé sur la lune”.
Mais parlons-en alors des concerts !
A Douala, Yax et Gamil sont accompagnés de Marsi et de Serge Epah au cajon (une percussion en forme de boîte, originaire du Pérou), et Capitaine Alexandre en guest. Alors qu’ils n’ont pas eu tant de temps que ça pour tous se coordonner, on ressent une belle complicité dès les premiers instants. Les textes sont bien écrits, dénoncent, nous questionnent, nous touchent et on voyage encore plus lorsque Gamil et Yax nous proposent des morceaux en comorien.
En résumé, un très bon feeling, des instrus entraînantes que je retrouve à Yaoundé le vendredi suivant, cette fois-ci sans Capitaine Alexandre ni Serge Epoh. Le début manque un peu de calage mais rapidement, ils reprennent la main et le public se réveille pour les accompagner et demander même une petite prolongation.
En bref, n’hésitez pas à aller les soutenir notamment en écoutant l’album MSAFARA « voyage poétique », en streaming, et si l’opportunité se présente, assister à un de leur show.
“On ne peut pas se faire 500 millions d’amis sans se faire quelques ennemis”, comme dirait très justement le Mark Zuckerberg. Le monde des start up, licornes et autres multinationales n’est effectivement pas un fleuve si tranquille que cela. Si la vie de ces presque demi-dieux fait rêver à base de jets privés, de soirées et de villas, elle vient aussi avec des contrepartie beaucoup moins sympas. La solitude, la fatigue et parfois quelques bouts de santé mentale jonchent les bords du chemin. Le marché du travail et encore plus dans ses hautes sphères n’est pas connu pour être le plus safe avec ces humiliations, horaires à rallonge, sexisme ou abus de pouvoir. L’arrivée en masse des start ups et la crise de 2008 ont notamment permis l’essor de ces success stories à l’écran parfois pas (que) très glam …
L’escroc
Figure emblématique des films sur l’entreprise et le pouvoir, l’escroc reste une valeur sûre. Il permet, en effet, de traiter des faiblesses du système qui le laisse s’intégrer jusqu’à son Olympe sans tout à fait remplir toutes les cases. L’escroc est aussi un bon moyen de se réaliser une parabole plutôt mignonne, à défaut d’être originale, autour de l’idée du “hard work always pay”. Une façon détournée de vanter les mérites d’une détermination sans faille.
La figure de l’escroc nous livre également (et surtout) un bon prétexte pour des aventures et des courses poursuites bien prenantes.
Le loup de Wall street
Arrête moi si tu peux
Le désabusé
Ce n’est un secret pour personne, le monde du travail peut être aliénant. La rentabilité est le mal de l’homme moderne comme la quête de sens celle de l’individu post moderne. L’argent mais aussi le pouvoir sont devenu un but en soi. Tout ceci végète et sous tend une société régie par le paraître et le vendre. Un bon concentré de good vibes non ?
Côté hollywoodien, cet aspect est assez peu montré. Si il est présenté, ce n’est souvent qu’une péripétie dans le parcours du personnage qui en ressortira grandi. On peut citer à ce titre la plupart des biopics musicaux et notamment le récent Rocketman lequel se focalise sur la lente descente aux enfers d’Elton John avant de terminer sur un message d’espoir et de paillettes.
L’adaptation du roman de Beigbeder figure cependant l’un des seuls long métrages qui appuie le malaise et la dépendance créées par le besoin constant de la performance.
99 francs
Le dictateur
Classique parmi les classiques, le business c’est aussi pas mal d’exploitation et d’abus de pouvoir. Comme les ouvriers d’hier, les employés sont souvent interchangeables et subissent les humeurs et décisions de leurs patrons.
Un aspect un peu moins démontré au cinéma désormais à l’exception, encore une fois, d’une courte péripétie dans le voyage d’un Hercule vers le nouvel Olympe. Andrea Sachs (Anne Hathaway) dans le Diable s’habille en Prada, par exemple, subit les envies de Miranda Priesley mais c’est pour mieux se découvrir.
Un autre concept peu développé également à l’écran mise à part quelques jolies paraboles du papillon et de la chenille figure le travail lui-même comme le patron le plus exigeant.