La religion et la superstition ont une influence indéniable sur les arts. Les représentations religieuses diffèrent d’une ethnie à une autre (l’islam réprouvant la représentation humaine ou animale par exemple, l’art peul se concentrant surtout sur les objets et les vêtements).
La sculpture tient aussi compte de ces religions et de ces croyances et, des Bétis-Fangs aux Bamilékés, les formes changent, comme les sujets. Les Bamilékés notamment ont une personnalité artistique bien affirmée, avec la sculpture des formes, du mobilier, des objets d’art ou du quotidien. Le Cameroun est un pays très traditionnel où chaque peuple, chaque groupe ethnique possède sa propre expression artistique. C’est pour cette raison que le fond culturel camerounais, par son ampleur et sa diversité, intéresse de nombreux anthropologues et de nombreux chercheurs à travers le monde. Réalisant l’importance de son patrimoine, la politique camerounaise cherche à le protéger depuis 1974, année de lancement du festival national des Arts et de la Culture, aujourd’hui malheureusement moribond.
Un conseil : on vous fera croire que la pièce que vous voulez acheter sur le marché est originale et ancienne, ce qui, bien sûr, augmentera considérablement sa valeur… Il faut savoir que des pièces originales, il n’y a en a plus en circulation, considérez que si cela vous plaît, cela peut justifier les quelques francs que vous dépenserez.😏
L’un des premiers arts que nous pouvons citer ici est celui des masques camerounais. Les masques sont toujours façonnés dans du bois. Ils sont sculptés dans tout le pays avec cependant un net avantage au sud, pour le plus grand nombre et pour leur style plus varié, qu’au nord du pays. Leur caractère diffère selon la région où ils ont été créés : ainsi, dans la savane, ils sont généralement sculptés dans une position où ils font un sourire grimaçant ; dans la forêt, ils sont géométriques, chez les Tikars, ils sont drôles, et ils ont la forme d’une tête d’éléphant pour le culte des morts chez les Balis. Mais les plus beaux sont sans doute ceux de l’art bamiléké et ceux de l’art bamoun. Les masques ont traditionnellement des rôles symboliques et sont utilisés très fréquemment dans les danses.
La population bamilékée s’est installée dans l’ouest du Cameroun. L’art a toujours été pour ce peuple quelque chose de très important au même titre que la religion ou la guerre.
A part les masques, les Bamilékés sont réputés pour leurs statues et pour leurs pièces de mobilier sculptées dans du bois. Les statuettes ont des formes très arrondies, les joues rondes, le front bombé, le ventre arrondi. Les jambes sont généralement courtes, dodues et pliées.
Malheureusement, avec la recrudescence de ces statues destinées aux touristes, les sculpteurs, soucieux de réaliser les modèles en grande quantité, ont petit à petit homogénéisé les formes des statuettes et le caractère arrondi des statues traditionnelles a tendance à se perdre. On peut également noter l’importance accordée aux bijoux, surtout les bracelets, très ornés. En plus de la sculpture sur bois, l’un des arts traditionnels des Bamilékés est le perlage (souvent en verre, utilisé pour orner des statuettes, des trônes, des masques, avec des cauris, petits coquillages en porcelaine) Les perles et les cauris représentaient à l’époque un moyen de paiement et représentaient donc la richesse et le statut social des personnes.
La culture bamoun est également riche en sculptures sur bois, en broderies de perles, mais son art est surtout célèbre pour ses masques en bronze, destinés traditionnellement à chasser les mauvais esprits. Les formes sont en général boursouflées comme dans l’art bamiléké. Le problème de la production pour les touristes est également en train d’appauvrir la qualité de ces sculptures en bronze : la forme devient plus lourde, le trait s’est banalisé et la qualité du bronze s’est malheureusement détériorée.
L’art des Peuls respecte, quant à lui, les préceptes de l’islam. Il interdit toute figuration humaine ou animale dans la représentation artistique. Cet art peul se manifeste, entre autres, dans l’architecture des lamidats. Nous pouvons également noter, comme chez les Bamilékés, la richesse des vêtements et des bijoux. Le travail des cuirs et les décors peints et pyrogravés des calebasses font également de cet art l’un des plus marquants du Cameroun.
Un autre art traditionnel qu’il est intéressant de mentionner ici est l’art sculptural des Betis-Fangs du Sud-Cameroun. Il se caractérise par des statues longilignes, des ngoumbas, décorées de plaques de laiton et de figures d’ancêtres des Mabéas, de réalisation plus réaliste, liées au culte lignager du byéri, qu’on retrouve également en Guinée équatoriale et au nord du Gabon.
Dans l’extrême nord du pays, dans la plaine du lac Tchad, la civilisation Sao a également laissé de remarquables œuvres d’art : statues et masques plutôt de petites tailles et utilisant cette fois la terre cuite. Ces sculptures obéissent à des schémas communs, malgré le grand nombre de peuples qui se sont succédé dans cette zone. Ce qui permet de les rattacher à la même civilisation – Sao -, en fait un terme générique pour les habitants actuels de la région, désignant les hommes d’autrefois. La période la plus riche pour la production artistique s’étale du XIIe au XVIe siècle, avec notamment de nombreuses statues humaines, limitées traditionnellement à la tête. La technique employée fait ressortir les traits du visage, éventuellement par ajout de matière. Le corps est traité beaucoup plus simplement, quand il n’est pas tout bonnement absent. Aujourd’hui encore, on trouve dans cette même région du » Grand Nord » du Cameroun, des artistes qui s’inspirent de cette sculpture Sao pour en perpétuer la tradition.
La danse
Au Cameroun, la danse fait partie intégrante de la tradition, de la religion et de la socialisation. On recense au Cameroun plus de 200 danses traditionnelles, chacune étant associée à un événement ou une situation différente. Les autorités coloniales et les missionnaires chrétiens dissuadaient les danses indigènes, les considérant comme une menace pour la sécurité et comme des vestiges païens. Toutefois, après l’indépendance du Cameroun, le gouvernement reconnaît la danse traditionnelle comme faisant partie intégrante de la culture nationale et prend alors des mesures pour la préserver.
Les danses traditionnelles suivent une chorégraphie stricte et regroupent les danseurs par âge, profession, sexe ou statut social, entre autres facteurs. Certaines danses exigent des costumes et des accessoires spéciaux tels que des masques ou des éventails. Les danseurs professionnels gagnent leur vie au sein de certains groupes ethniques tandis que d’autres professionnels se produisent dans les festivals nationaux et pour les touristes. La danse populaire, qui réunit hommes et femmes, se pratique dans les bars, les boîtes de nuit et les soirées privées. Ce style est étroitement lié à la musique populaire, notamment les genres du makossa, du bikutsi, du highlife et du hip hop. La danse joue un rôle central dans les mouvements de contestation sociale et les rassemblements politiques à travers le pays.
Sous les gouvernements coloniaux du Cameroun, les régimes allemand, britannique et français ont banni les danses qu’ils jugeaient menaçantes pour leur primauté. Entre-temps, les missionnaires chrétiens découragent toutes sortes de danses et interdisent celles qui, selon eux, relèvent du paganisme ou heurtent les sensibilités chrétiennes. Nombre de ces danses ont depuis lors disparu. D’autres danses ont été oubliées lorsque les rituels qui leur étaient associés ont été interdits pour des raisons similaires.
Toutefois, la danse traditionnelle a persisté. Les gens continuaient à pratiquer ces danses à des fins purement sociales ou les adaptaient pour le culte chrétien. La danse à l’église se généralise avec l’essor de christianisme évangélique et le remplacement des Américains et des Européens par des prêtres et des pasteurs camerounais. Après l’indépendance du Cameroun en 1960, le gouvernement reconnaît la danse traditionnelle comme partie intégrante de la culture nationale et les organisations non gouvernementales encouragent sa préservation. Certains villages inscrivent les enfants dans des groupes de danse qui jouent un rôle clé dans cette transmission.
Le Cameroun compte plus de 200 danses traditionnelles différentes. La danse fait partie de la plupart des cérémonies et des rituels. Elle accompagne les naissances, les baptêmes, les mariages et les funérailles et l’invocation des esprits des ancêtres pour guérir les malades ou pour accroître la fertilité. Les Bamilékés pratiquent par exemple des danses de guerre (en) et le motio du sud-ouest consiste à tuer une chèvre d’un seul coup pour démontrer les prouesses des danseurs. Les Baka dansent le luma pour célébrer une chasse réussie. Dans certains groupes, les danseurs entrent en transe et communiquent avec le monde des esprits. Par exemple, les membres de la société Ntsham du peuple Kaka, dans le nord-ouest du Cameroun, dansent pour provoquer une possession spirituelle.
Généralement, les danses traditionnelles obéissent à certaines restrictions. La plupart des danses traditionnelles séparent les participants selon leur sexe. Par exemple, les femmes et les hommes peuvent former des cercles concentriques de même sexe, ou danser dans des zones séparées. Dans les différents Fondoms (royaume des peuples de l’Ouest du Cameroun, leurs rois sont donc les Fons) des Grasslands (plaines de l’Ouest) du Cameroun, les nobles et les citoyens ne peuvent pas participer aux mêmes danses. De même, les lois traditionnelles limitent sévèrement la danse des épouses et des filles du Fon, les maintenant souvent dans le palais.
Certaines danses sont destinées uniquement à une catégorie spécifique de personnes, comme les chasseurs, les bouffons ou les guerriers. Dans certains groupes ethniques, des danseurs professionnels gagnent leur vie en dansant lors des cérémonies. Dans certains villages, la danse fait partie des fonctions du devin. De nos jours, ces professionnels de la danse traditionnelle sont rares. Les danseurs professionnels vivent plutôt dans les centres urbains et dansent pour les touristes ou lors de festivals nationaux.
Plusieurs danses traditionnelles camerounaises suivent une stricte chorégraphie, bien que l’improvisation soit courante. Les danseurs font bouger différentes parties du corps indépendamment, en axant le mouvement sur plus d’une zone. Les danses sont souvent assorties de tenues ou d’accessoires spécifiques. Les objets traditionnels utilisés comprennent des éventails en cuir et de petits morceaux de tissu. Dans les prairies, les masques sont courants. Le gourna des Toupouri se compose de longs bâtons que les danseurs tiennent droit en cercle.
La danse populaire est l’apanage des bars urbains, des boîtes de nuit et des fêtes privées bien que sa popularité ait augmenté dans les zones rurales. Les DJs jouent de la musique pendant que les danseurs se déplacent et boivent de la bière ou du vin de palme. À la différence des danses traditionnelles, la danse populaire permet aux deux sexes de se côtoyer. Les principaux genres musicaux autochtones du Cameroun, le bikutsi et le makossa, sont des styles de musique de danse. Le Cameroun a importé un nombre de danses populaires de l’étranger, notamment le maringa du Ghana des années 1850, l’ashiko du Nigeria des années 1920 et l’abele du Nigeria tout récemment. La musique de danse populaire non camerounaise comprend le highlife nigérian et le hip-hop américain. En 2000, le gouvernement de la région du Sud-Ouest a interdit le mapouka; une danse importée de la Côte d’Ivoire, à cause de son caractère sexuel. La danse européenne, telle que la danse classique, est populaire parmi les Camerounais urbains aisés mais il est à noter qu’il est très (très) difficile de trouver des cours de danse classique sur le territoire camerounais.
La danse est aujourd’hui un important vecteur de débat social et de protestation politique. Alors que la presse populaire peut être muselée par le gouvernement, les danseurs de rue sont plus libres d’exprimer leur mécontentement ou leur soutien à l’égard des politiques gouvernementales ou des partis politiques. Les opposants du premier président du Cameroun, Ahmadou Ahidjo, ont dansé pour montrer leur désaccord.
Mélanger réalité virtuelle et art plastique, oui oui c’est possible au Cameroun ! Bienvenue dans l’univers d’Eric Takukam.
Exposé de mai à juin 2023 à l’Institut français du Cameroun à Douala ; la capitale économique du pays, Eric Takukam est designer graphique et textile, artiste numérique et entrepreneur. Grand communicant du pays et directeur artistique dans la publicité, il a travaillé pour des marques telles que Guinness Cameroun ou Nestlé.
Sa patte graphique est très reconnaissable et sans doute influencée par sa carrière professionnelle dans le domaine de la publicité.
Ses créations se font toutes sur papier en premier lieu pour ensuite être digitalisées et retravaillées afin d’y introduire notamment les éléments visuels animés.Eric Takukam est par ailleurs un des premiers artistes camerounais dont les oeuvres sont aussi des NFTs (Non Fungible Token ; une oeuvre d’art possédant comme une sorte de certificat d’authenticité afin de garantir l’authenticité justement de cette dernière. Ce certificat contient toutes les informations utiles de celle-ci : titre, nom du créateur, date et lieu de création, prix de vente, prix d’achat, les acheteurs et vendeurs le cas échéant etc…) Ses créations peuvent être acquises sur Opensea.
Eric Takukam a donc un univers très graphique, très coloré et en apparence assez simple d’exécution. De plus, il propose un travail d’animation de ses œuvres qui ajoute une vraie plus-value à celles-ci. (Téléchargez ArtiVive et essayez 😉 ) Ses thèmes de prédilections tournent autour des symboles liés au peuple des Grassfield ; terme qui désigne les peuples de l’Ouest Cameroun (représentation des masques éléphants utilisés par les initiés de ces peuples dans les cérémonies, reprise des symboles du tissu Ndop portés par les notables, rois et reines, etc…)
Il raconte la vie quotidienne et les valeurs ancestrales : fusion entre vie moderne et valeurs traditionnelles dans le but d’essayer de garder en vie les valeurs ancestrales. Il essaie d’amener un œil critique sur les nouvelles manières de vivre, occidentalisées et de les mettre en parallèle avec ce qui se faisait autrefois au Cameroun. Eric Takukam n’a pas peur de ce retour aux sources et n’hésite pas à retourner au village de temps à autre pour s’inspirer. De même, le terme très souvent péjoratif de “villageois” ne le dérange pas, au contraire, il a même intitulé sa dernière exposition “villadin” (contraction de villageois et citadin).
Il faudra noter que ces thèmes de retour aux sources, occidentalisation des manières de vivre sont au cœur des débats et des préoccupations des Camerounais. C’est pourquoi les artistes de tout bord n’hésitent pas à mettre au centre de leur travail tous ces questionnements.
Eric Takukam ne se limite pas seulement aux arts plastiques mais il explore aussi le milieu de la mode et des objets sur lesquels il peut exprimer sa griffe ; qui ne voudrait pas d’un Tote bag ou d’une robe qui s’anime ?! En résumé, cet artiste est à suivre car il est pionnier dans le pays d’un point de vue intégration du digital dans son travail de manière active.
Tendez vos téléphones avec l’application ArtiVive activée pour voir ses oeuvres se mettre en mouvement :
Des réformes démocratiques ont été menées dans la 2e moitié des années 1990 au Cameroun. Elles ont eu pour conséquences, entre autres, la création de médias indépendants du pouvoir politique.
La presse écrite est sans doute le secteur médiatique le plus développé et le plus diversifié, marqué par une relative liberté d’expression depuis la suppression, en janvier 1996, de la censure préalable. Il existe au Cameroun une presse officielle, subventionnée par l’Etat, et dont le grand titre national est Cameroon Tribune, un quotidien bilingue (français/anglais), et une presse privée, très active, proposant un grand nombre de journaux d’informations. Parmi ces journaux privés, on peut citer les quotidiens : Mutations, Le Messager, La Nouvelle Expression, Le Jour ; les hebdomadaires : Le Front indépendant, Aurore Plus ; les sporadiques : La Nouvelle Presse, Le Jeune Détective, Le Jeune Enquêteur, L’Action, L’Indépendant, La Nouvelle Tribune, Nouvelle Afrique, etc.
Vous pourrez également trouver plusieurs journaux et magazines étrangers, notamment français, dans les librairies des grandes villes, les supermarchés et les boutiques de certains hôtels.
Radio
C’est le média le plus utilisé au Cameroun, une partie non négligeable de la population étant illettrée et la télévision, tributaire du courant électrique presque inexistant dans les contrées rurales, restant réservée aux Camerounais les plus aisés, du fait de son coût. Autrefois monopole de l’Etat, le secteur de l’audiovisuel a depuis plus d’une décennie été libéralisé. Le pays possède désormais plusieurs chaînes de télévision privées et une multitude de stations de radio, dont la principale est sans conteste la chaîne de radiotélévision nationale, la CRTV (Cameroon Radio and Television – un organe d’information public), avec ses relais dans les 10 provinces du pays. Les chaînes de radio privées (réduites aux dimensions des localités où elles sont basées) émettent uniquement en FM, faute d’autorisation gouvernementale de couvrir l’ensemble du territoire national, privilège (très contesté) réservé à la seule CRTV.
La grande majorité des informations diffusées concernent l’actualité nationale ou régionale du Cameroun. La langue utilisée est en général le français, bien que quelques émissions soient réalisées en anglais ou en langue locale, surtout pour les programmes des antennes provinciales de la CRTV. Celle-ci possède également 4 stations FM commerciales. Les radios privées ayant pignon sur rue sont entre autres : Magic FM, Radio Lumière, Reine, Siantou à Yaoundé, Équinoxe à Douala, etc. De petites radios rurales ont aussi fait leur apparition sur les ondes, avec des moyens souvent très limités, et s’adressent en langue locale à leurs auditeurs. C’est le cas par exemple de Radio Fotouni dans la province de l’Ouest, de Radio Femme à Mbalmayo, Radio Colombe à Saa, dans la province du Centre, etc.
Télévision
C’est un média récent au Cameroun. La télévision nationale, qui ne dispose que d’une seule chaîne (celle de la CRTV), émet seulement depuis décembre 1985. Les émissions sont depuis deux ans diffusées en continu, 24 h/24, de lundi à dimanche.
D’autres chaînes de télévision (privées) ont fait leur apparition dans le paysage audiovisuel camerounais, notamment : Canal 2, Ariane TV, Samba TV, STV, etc. Basées essentiellement à Douala et Yaoundé, elles couvrent cependant, pour la plupart, une portion importante du territoire national. En outre, la plupart des hôtels proposent la télévision par satellite, ce qui vous permettra de capter de nombreuses chaînes étrangères, comme CNN, Euronews, TV5, France 24, etc. La télévision reste un média peu répandu dans la population camerounaise, car son prix constitue toujours un obstacle à sa diffusion.
Musique
La musique que l’on joue au Cameroun est avant tout une musique traditionnelle, qui puise son inspiration dans la culture et l’imaginaire camerounais. Elle s’accompagne souvent de danses et de chants ancestraux, très différents selon les régions. Ainsi le luma, dans l’Est, est une danse que les Pygmées, qui sont de grands musiciens, exécutent pour manifester leur joie après une chasse fructueuse ; le djingo, lui, est une danse rituelle des Bassa’a, exécutée de nuit pour exorciser une menace ; le ngosso est un chant qui rythme de nombreuses fêtes traditionnelles ; comme le ngondo (énorme fête traditionnelle des Peuples de l’eau, les Sawa)…
Comme toutes les musiques traditionnelles, la musique camerounaise est fondée sur un enseignement essentiellement oral. Elle ne se transcrit donc pas sur partition à l’usage des musiciens. La musique africaine en général, et celle du Cameroun en particulier, se distingue donc de son homologue européenne dite » classique » ou » sérieuse » par cette littérature orale. L’une des plus importantes caractéristiques de ce genre musical est le rythme. En effet, la musique et les danses traditionnelles du Cameroun, essentiellement domestiques jusque dans les années 1970, sont constituées de plusieurs styles rythmiques différents : le bikutsi, le makossa, le ben-skin, l’assiko, le mvet, le bol, le ngosso, l’ozila, l’essani, etc. Le bikutsi est une danse typique du peuple Béti, dans le centre du pays, qui était exécutée à l’origine par de jeunes filles en âge de se marier. Elle est généralement accompagnée d’instruments traditionnels du Cameroun, comme le balafon (sorte de xylophone). Elle sera transcrite plus tard, dans les années 1960-1970, pour la guitare électrique lors de la fusion de la musique camerounaise avec celle, plus moderne, du monde occidental. Le makossa est un genre musical plus moderne élaboré dans les années 1950 à Douala, dans la province du Littoral.
Ces styles musicaux sont anciens, ils descendent de coutumes ancestrales et sont le reflet de nombreuses rencontres différentes. Citons par exemple l’apport musical des Pygmées Bakas qui ont, selon le musicologue français Frédéric Billet, un rapport certain avec la naissance du bikutsi et du makossa. Ou bien encore l’assiko, une danse du peuple Béti à l’origine, reprise par le peuple Bassa’a, qui lui a apporté une première modification, avant d’être modernisée et commercialisée par des artistes camerounais comme Jean Bikolo..
Les instruments traditionnels sont assez variés, allant des percussions aux instruments à cordes. Nous pouvons citer le balafon, le djembé, le ka, la kabosse, la kora, le nbira, le ngoni, l’oud, le mvet, le tama, l’udu, le valiha, le tam-tam, la calebasse, le sifflet ou le sabar. Un autre instrument très typique est sans aucun doute la senza, un instrument qui se joue avec les ongles sur de petites lames métalliques reliées à une caisse de résonance en bois.
Dans les années 1950 et 1960, les musiques africaines traditionnelles sont encore quasi inconnues du public étranger. A partir des années 1980, la musique africaine va se métisser avec la musique occidentale tout en gardant de profondes racines traditionnelles. La musique camerounaise connaît alors une forte professionnalisation.
Les nouveaux musiciens doivent, pour survivre, se nourrir de cultures différentes afin de réaliser un métissage musical original et réussi. Cette notion de métissage ou de fusion est fréquente dans la musique traditionnelle, et nous pouvons rapprocher cette évolution de celle qu’ont connue de nombreux autres pays : le flamenco, par exemple, originaire du sud de l’Espagne, s’est développé en utilisant comme source d’inspiration de nouvelles musiques européennes ou anglo-saxonnes, comme le jazz. Le Cameroun n’échappe pas à cette règle, et son instrumentation évolue dans les années 1970 et 1980 vers la guitare électrique ou la basse qui sont des instruments plus » vendeurs » sur le plan international que les traditionnels mvet ou senza. La musique camerounaise, modernisée, connaît alors un succès remarquable dans le monde entier. Précisons que cette nouvelle notoriété est aussi le résultat de l’intérêt que lui ont porté pendant des années les ethnologues, qui ont su faire connaître, petit à petit, la musique camerounaise au grand public.
Cette fusion musicale s’est faite grâce à différents artistes qui ont apporté chacun une nouvelle vision des choses et des éléments de modernité à leurs bases traditionnelles. Mais comment expliquer que tous les musiciens camerounais poursuivent sans cesse des recherches musicales dans le but d’intégrer une notion de métissage dans leur musique ? Chaque ethnie a ses propres raisons pour réaliser ce procédé fusionnel. Il faut savoir qu’au Cameroun, comme dans de nombreux pays d’Afrique, la musique fait l’objet d’un trafic très important de copies avec des réseaux très structurés, ce qui amène aujourd’hui certains artistes à faire un pacte de distribution avec ces réseaux, seul moyen pour eux de dégager un peu de revenu.
Or il y a au Cameroun une forte consommation de musique européenne et anglo-saxonne, par l’intermédiaire de ces disques piratés (vous en verrez certainement sur les marchés ou dans la rue). Les musiciens camerounais, à tous les échelons, ont donc eux aussi écouté ces disques et ont ajouté à cette musique moderne venue des pays développés leur propre touche musicale, pour le meilleur ou pour le pire.
Quelques musiciens originaires du Cameroun
Manu Dibango. De réputation internationale, il est la véritable légende vivante de la musique camerounaise.
Anne-Marie Ndzié. C’est l’une des grandes figures de la musique traditionnelle camerounaise, avec des artistes comme Nelle Eyoum, Elanga Maurice, Charles Lembe, Eboa Lottin, Jean Bikoko ou Medjo Messom Jacob. Elle apparaissait sur scène vêtue d’un costume très typique et fut la première femme à jouir d’une renommée importante, que ce soit au Cameroun ou à l’étranger. Cette chanteuse, bercée dans son enfance par le mvet de son père, décide, après une dramatique mésaventure (qui l’obligea à passer son adolescence à l’hôpital), qu’elle consacrera sa vie au chant. Anne-Marie Ndzié fut la première femme camerounaise à se lancer dans une carrière de soliste dans la chanson. Son style est influencé par les rythmes ancestraux de son pays et par le negro spiritual. Mais elle a aussi monté un duo à succès avec son frère Cromwell Ndzié, qui joue de la guitare hawaïenne. Sa voix devient dans les années 1960 tellement populaire qu’elle est surnommée » la Maman de la musique camerounaise » ou encore » la Voix d’or du Cameroun « . Sa carrière a eu des hauts et des bas, mais son public lui est toujours resté fidèle lors de ses apparitions devenues, avec l’âge (elle a plus de 80 ans), de plus en plus rares.
Petit Pays. De son vrai nom Claude Moundi, ce jeune homme aux allures parfois loufoques, car n’hésitant pas à chanter en public habillé d’une jupette et ayant posé nu sur la pochette de l’un de ses CD, est entré dans la chanson dans les années 1980 avec un titre à succès, Salamalekum. Vingt ans plus tard, il est le numéro un des ventes de disques au Cameroun. Prouvant par là qu’on peut vivre de son art au pays des Lions indomptables, malgré la piraterie qui y sévit. Adulé des adolescents et même des adultes, ses concerts qui constituent des moments de folie sont très courus, et ses déplacements dans les rues provoquent souvent des hystéries collectives. Le 20 mai 2005, il est fait chevalier de l’Ordre de la Valeur ; en 2007, ambassadeur de bonne volonté de Synergies africaines.
K-Tino. Outre ce nom d’artiste par lequel elle s’est fait connaître, K-Tino se fait aussi appeler » la femme du peuple » ou bien » la petite Adeda « . Catherine Edoa Nkou, de son vrai nom, est chanteuse de bikut-si, un rythme du Sud-Cameroun. Dès son premier opus, Ascenseur, K-Tino n’a plus jamais décroché de la tête du hit-parade camerounais de la chanson. Elle est quasiment, actuellement, la seule femme (et même l’unique artiste) capable de remplir les plus grandes salles de spectacle du pays, dont certaines peuvent contenir jusqu’à 1 300 places. Les textes de ses chansons, outrageusement licencieux, ajoutés à ses coups de hanches suggestifs, en garantissent le succès populaire. Elle est, en plus, admirée de l’épouse du président de la République qu’elle fait parfois danser…
A cette liste non exhaustive peuvent s’ajouter d’autres noms célèbres de la musique camerounaise tels que Charlotte Dipanda, Richard Bona, Lady Ponce ou encore Ben Decca, Dina Bell ou Coco Argentée, Salatiel, Locko, Ko’c, Mimie, Daphnée, Ténor, Lydol, Cysoul, Nda Chi, Kameni, Malhoox,..
Pour les découvrir, rendez-vous dans notre playlist spéciale Cameroun !
Etienne Talla est gérant de TALLART GROUP, (une agence artistique et culturelle au Cameroun), directeur de publication de www.tallartistik.com et www.horizoncamer.com. Spécialiste des arts visuels au Cameroun, il est une signature qui compte dans l’univers du blogging local. Il a été élu meilleur blogueur francophone du Cameroun ( 2019 – 2020 ) au Bontech Digital Média Awards, Meilleur projet Hackaton 2020, Meilleur Blogueur Société au cours de la première édition de Abc blog Awards en Octobre 2021, organisé par l’association des blogueurs du Cameroun. Le 28 Février 2019, il met sur pied www.tallartistik.com, un magazine de promotion des arts visuels du pays. Récemment il crée l’événement Renc’Art.
Comme son nom l’indique, Renc’Art est une rencontre artistique qui réunit des artistes de différents bords autour d’une problématique bien définie. Actuellement, ce projet se déroule deux fois par an et met principalement en avant les arts visuels. Il se traduit par de nombreuses activités parmi lesquelles des ateliers d’art, des débats, la visite guidée d’une exposition en cours dans la ville de Douala et des prestations artistiques du genre musical et humoristique. L’objectif premier est de rendre les arts visuels accessibles à tout le monde, de démocratiser le secteur de l’art et de rassembler les artistes.
L’objectif de cette plateforme dans le futur est de devenir un moment des rencontres internationales qui mettra à l’honneur des artistes africains, le savoir et le savoir-faire de ces derniers. Mais également, Renc’Art souhaite pouvoir aider à résoudre les problématiques de moyens auxquelles sont confrontés les artistes au quotidien au Cameroun pour leur permettre de trouver une place sur le marché national voire international.
Cet été, l’équipe de Purple Haze souhaitait vous faire un peu voyager, et vous propose de poser vos valises dans “l’Afrique en Miniature”, c’est-à-dire le Cameroun ! Bienvenue au pays des crevettes (les Espagnol ont baptisé le fleuve Wuri Rio Dos Camaroes car ils y ont trouvé beaucoup de crevettes, depuis le nom a évolué pour donner Cameroun). Ici, vous trouverez un petit tour d’horizon de ce qui se fait au niveau artisanat, et industries culturelles. Bonne lecture !
Artisanat
Les formes d’artisanat que vous rencontrerez le plus souvent au Cameroun sont le tissage, la sculpture, la forge et le moulage, la broderie, la tannerie, la vannerie et la poterie. Elles sont toutes très bien implantées dans les grandes villes camerounaises aujourd’hui et ne se rencontrent plus uniquement dans les parties rurales, plus traditionnelles, du pays. Il est ainsi très facile d’aller voir directement un artisan pour faire sur mesure ses meubles, sa décoration, ses bijoux, ses vêtements etc…
Le tissage, comme les autres types d’artisanat d’ailleurs, varie d’une région à l’autre. Ainsi, dans l’Extrême-Nord, notamment dans les environs de Rhumsiki, les tisserands fabriquent des tissus et des nattes à partir du coton à l’état brut de paille séchée ; dans l’Ouest, les artisans Bamouns utilisent, eux, des fibres de coton pour produire leurs différents tissus traditionnels, de même que dans le Nord-Ouest (le toghu par exemple à Bamenda), notamment à Bafut, à Ndop (d’où le nom du tissu bleu très reconnaissable que vous pouvez voir un peu partout) et à Bali.
La sculpture, elle, se fait soit sur bois, comme dans l’Ouest et le Nord-Ouest où sont fabriqués des masques, des statues, mais aussi du petit mobilier, soit sur ivoire, comme dans le Sud.
Les forgerons jouent également un rôle très important au Cameroun. Ils sont quasi sacrés dans certaines régions. Ce sont eux qui fondent le minerai de fer (mais aussi le laiton ou le cuivre) pour fabriquer des armes, des masques, des statues ou qui effectuent le travail d’orfèvre, dans les grandes villes du pays surtout, pour confectionner des bijoux en or ou en argent.
La broderie est surtout présente chez les Bamouns et dans le Nord, tandis que la tannerie, qui produit des ceintures, des chaussures et de la maroquinerie, est une particularité de l’Extrême-Nord (notamment à Maroua qui se trouve dans le Sahel).
La vannerie est quant à elle plus spécifique aux régions de forêts, car les artisans se servent du rotin, abondant dans ces régions, pour fabriquer des meubles.
Enfin, la poterie est quant à elle présente dans tout le pays, et l’argile sert essentiellement à la confection de pipes, de jarres et d’assiettes. Vous trouverez la plupart de ces objets sur les marchés des villes ainsi que dans les centres artisanaux du Cameroun, comme à Foumban et à Djingliya. Alors rendez-vous au “marché des fleurs” à Douala ou au centre artisanal de Yaoundé pour faire quelques emplettes.
Cinéma
Le cinéma camerounais est né très tardivement. Ceci pour une raison évidente, la culture et la politique étant étroitement liées, il a longtemps été celui de la colonisation, c’est-à-dire le cinéma européen. Le cinéma camerounais débute donc à Paris avec un documentaire de Jean-Paul Ngassa, Aventure en France, réalisé en 1962 sur la situation des étudiants camerounais en France. Il est alors étudiant de l’IDHEC (Institut des hautes Études Cinématographiques de Lille). Ce thème va ensuite inspirer Thérèse Sita Bella, la réalisatrice de Tam-tam à Paris en 1963. De retour au pays, Ngassa se met au service du jeune État et produit plusieurs films, notamment de propagande, comme Une nation est née en 1970. Alphonse Beni se distingue par la diversité des thèmes abordés, réalisant entre 1971 et 1985 des films disco, des policiers et des films érotiques. Ce n’est réellement qu’après la décolonisation, en 1960, que l’idée de promouvoir un cinéma national émerge dans le pays.
Les premiers longs métrages camerounais sont en effet sortis seulement en 1975. Le premier que nous pouvons citer est Muna Moto (L’Enfant de l’autre), de Jean-Pierre Dikongué Pipa. Muna Moto est un film grave, qui met en exergue les relations entre l’homme et la société dans laquelle il vit. Il a reçu, entre autres distinctions, la palme d’or du film africain au festival de Genève en 1975 et surtout le grand prix du Fespaco (Étalon de Yennenga) en 1976. Dikongué Pipa recevra avec d’autres films plusieurs lauriers dans des festivals et la reconnaissance du grand public. Il en est notamment de : Histoires drôles, Drôles de gens en 1983 et Courte maladie réalisé en 1987.
En 1975, Pousse-Pousse, de Daniel Kamwa, sort sur les écrans. C’est une comédie de mœurs traitant du problème de la dot. A sa sortie, ce film bat les records d’entrée dans les cinémas de Yaoundé et de Douala, avec 24 000 personnes venues le soir même. Devant un tel succès populaire, le réalisateur décide d’exporter son long métrage, qui connaît alors le même succès, en Côte-d’Ivoire et au Sénégal notamment.
Ces 2 premiers grands réalisateurs camerounais, Jean-Pierre Dikongué Pipa et Daniel Kamwa, ont inspiré de nouveaux réalisateurs très prometteurs comme Bassek Ba Kobhio, réalisateur entre autres de Sango Malo (Le Maître du Canton), sorti en 1991 et sélectionné au festival de Cannes, et par ailleurs fondateur du festival de films Ecrans noirs, le deuxième en importance d’Afrique noire francophone, qui se tient tous les ans fin mai, début juin dans la capitale camerounaise.
Le Festival du cinéma » Ecrans noirs « , qui a fêté sa 18e édition en 2014, a révélé les années précédentes des cinéastes tels que Waa Nkeng Musi avec le film On the Brim, ou encore Tikum Titus avec le film Great Passion, des films du Cameroun anglophone. Une des Palmes d’or remarquées avait été remise au long métrage burkinabé Julie et Roméo. L’Écran de l’espoir avait quant à lui été délivré au Camerounais Jean-Jacques Ndoumbè pour son court métrage Sur le chemin de mon rêve.
Littérature
La littérature camerounaise est jeune, car contemporaine : elle débute en fait en 1920, lorsque le roi Njoya invente l’alphabet Bamoun, permettant ainsi d’écrire et de décrire la chronique, la tradition, l’histoire. Le premier véritable écrivain camerounais est Jean-Louis Medou Njemba, et la première œuvre de littérature est Nnanga Kon, parue en 1932. Par la suite, de nombreuses figures du monde artistique et littéraire se sont succédé jusqu’à nos jours. La littérature est avant tout profondément marquée par les traditions africaines, c’est-à-dire basée sur l’oral et sur des fondements très anciens. Traditionnellement, les poètes récitaient les poèmes en s’accompagnant du mvet, sorte de harpe de 4 à 7 cordes. Ces poètes étaient qualifiés de » troubadours « , alliant le texte à la musique. Cette » littérature » camerounaise reste basée sur l’oral jusqu’à la venue du roi Njoya à la fin du XIXe siècle. Il est l’un des premiers à rédiger ses textes sur papier. Son ouvrage le plus célèbre est le Livre des remèdes et des guérisseurs. En 1930, Isaac Moumé-Etia, auteur d’une grammaire du douala (langue parlée par les Peuples Sawa dits les Peuples de l’eau dans la ville de Douala et autour), publie un recueil de contes en français et en douala. Malgré cette unique tentative en Afrique noire et malgré l’islam qui avait apporté l’écriture au nord du Cameroun, ce n’est qu’avec la colonisation de la France et de l’Angleterre que le pays rentrera réellement dans la civilisation écrite. La majeure partie de la littérature camerounaise est rédigée en français durant les années de la seconde guerre mondiale. Elle est très riche et variée, allant des travaux historiques, tels ceux du R.P. Engelbert Mveng (Peuples et civilisations de l’Afrique antique, Histoire du Cameroun, Arts d’Afrique noire), aux études plus précises comme celles publiées par Enock Kahe Kwayeb, les Institutions du pays Bamiléké.
L’après-guerre est marquée par ce que l’on appelle le » courant de la négritude « . Il naît dès 1948. Ce courant va influencer 2 jeunes poètes militants : Sengat Kuo et surtout Elongue Epanya. Le premier de ces 2 écrivains est l’auteur de Fleur de latérite. Il utilise un pseudonyme, Francesco Nditsouna, sous lequel il écrira durant de nombreuses années. Elongue Epanya joue un rôle important dans la littérature camerounaise, car il est le premier écrivain qui fait éditer ses poèmes dans sa langue maternelle, le douala, et en français. Nous pouvons affirmer que le réel mouvement littéraire camerounais naît à cette époque. Il ne date donc que du début des années 1950. Cette date d’origine d’un courant intellectuel prouve le retard important du point de vue culturel du pays. Mais ce retard va être vite comblé avec l’arrivée dans le monde littéraire de deux grands auteurs des premiers romans camerounais : Mongo Beti et Ferdinand Oyono. Une multitude d’autres talents vont être effacés du public par le charisme et la mainmise sur la littérature de ces deux grandes figures du mouvement de la négritude. Ces auteurs sont quasi inconnus de nos jours comme ils l’étaient dans les années 1950.
Comme dans de nombreux arts, l’évolution de la littérature camerounaise se fait en parallèle avec l’évolution de l’histoire politique du pays. En effet, à partir de 1960, date de l’indépendance du Cameroun, le mouvement de la négritude préconisant l’obsession de la couleur noire va petit à petit disparaître, grâce à sa victoire sur le plan historique. Les intellectuels ne ressentent plus la nécessité d’écrire sur ce problème qui est en train de se résoudre. Du coup, les genres et les thèmes de la littérature camerounaise vont se diversifier. Le courant de pensée qui va s’installer est un courant basé sur la tradition camerounaise. Les auteurs vont puiser dans le répertoire ancien qui était, comme nous l’avons vu ci-dessus, un répertoire oral. De ce répertoire oral (des contes, des fables…), les auteurs vont extraire une nouvelle substance et l’arranger à leur façon, c’est-à-dire que des anciennes histoires fantastiques, par exemple, vont se transformer par l’écriture en grandes épopées historiques. Le genre à la mode à cette époque est en effet le roman d’épopée, le récit d’aventure, que l’on peut comparer avec le roman du Moyen Age en Europe. Ces histoires vont devenir très populaires au Cameroun à partir de 1963, date à laquelle est créée une maison d’édition qui permet au grand public d’accéder plus facilement à ce genre de lecture. Il s’agit de la maison d’édition CLE (Centre de littérature évangélique). Le but de cette maison est de promouvoir la littérature écrite par des Africains pour des Africains. Elle fournit toute l’Afrique noire. Les livres sont même vendus dans certaines librairies spécialisées européennes. Les auteurs du nouveau style traditionaliste sont Benjamin Matip, auteur de Afrique nous t’ignorons et du Jugement suprême, une pièce de théâtre à grand succès. Matip va obtenir un franc succès en adaptant en français des contes traditionnels. C’est le cas notamment de A la belle étoile. Nous pouvons citer également Gaspard et Françoise Towo-Atangana, qui ont traduit et publié Nden-Bobo ou Le Conte de l’araignée. Le dernier auteur célèbre de ce courant est Jacques-Mariel Nzouankeu. Il a en effet connu un grand succès avec son roman Le Souffle des ancêtres, chef-d’œuvre dont les thèmes sont inspirés des sources mystiques du folklore camerounais. Cet auteur écrira également des pièces de théâtre et de la poésie. Parallèlement à ce côté traditionaliste, un fort courant poétique naît au Cameroun à cette époque. Il s’agit de poésie qui sera soit en prose, soit en vers. Les thèmes sont variés et sont en rapport avec l’évolution de la société camerounaise. On nomme généralement ce courant la Thématique moderniste. Les deux auteurs les plus célèbres de ce courant sont Francis Bebey et Joseph Owono.
La poésie et le théâtre
La poésie camerounaise, si elle n’est pas utilisée pour traiter des problèmes sociaux, parle d’amour. Les auteurs représentant ce style littéraire sont René Philombe, Okala Alane, Ernest Alima et Léon-Marie Ayissi. Nous pouvons également citer l’abbé Charles Ngandé. Ces auteurs sont connus dans le monde de la littérature pour avoir su se démarquer du style poétique lyrique européen. Le style qui découlera ensuite de cette évolution littéraire est le théâtre, qui connaîtra un grand succès au Cameroun, car c’est un genre qui convient bien à cette population gaie, ayant une grande sensibilité théâtrale. Les premiers grands auteurs de pièces de théâtre sont des auteurs connus dans d’autres genres littéraires comme par exemple Jacques-Mariel Nzouankeu, Benjamin Matip ou encore René Philombe. Mais le plus célèbre est sans aucun doute Guillaume Oyono-Mbia. Il est l’auteur le plus lu des éditions CLE. Sa pièce, Trois prétendants… un mari, est en effet devenue un succès national et international. Elle recevra en 1970 le prix El Hadj Ahmadou Ahidjo. Elle met en scène des passages typiquement camerounais de la vie de tous les jours, avec une sensibilité et une inspiration puisées dans les lectures de son maître à penser : Molière. Cette pièce est l’une des seules du théâtre camerounais à avoir connu le succès à la fois sur scène et en librairie.
D’autres auteurs célèbres de pièces de théâtre sont : Jean-Baptiste Obama, Pabé Mongo, E.N. N’embe, Werewere-Liking (grande artiste pluridisciplinaire camerounaise, elle vit maintenant en Côte d’Ivoire où elle a ouvert son propre lieu culturel Le Village Ki-Yi à Abidjan), Y. Karone. La satire tragi-comique les inspire souvent, notamment Kouma N’Dumbe III, Franz Kayor plus connu sous le pseudonyme de Paul Tchakoute, René Philombe, Dave K. Moktoï, ayant comme patronyme David Kemzen Mokto. Il faut ajouter à cette liste quelques grands poètes, comme Paul Dakeyo (L’Enfant-pluie a reçu le prix Saint-Exupéry en 1994), Stanislas Awono et surtout Antoine-François Assoumou, au destin aussi fulgurant qu’un Radiguet, puisqu’il mourut à seulement 17 ans. Relancée par une association dénommée “La Ronde des Poètes”, la poésie camerounaise a retrouvé de nos jours une seconde jeunesse.
Mongo Beti
C’est l’une des figures majeures de la littérature camerounaise. Alexandre Biyidi Awala est né en 1932 à Mbalmayo, près de Yaoundé, et a été, tout au long de sa vie, un grand défenseur des droits de l’homme et des libertés pour son peuple. Agrégé de lettres, il a accompli toute sa carrière au lycée Corneille de Rouen, en publiant parallèlement de nombreux ouvrages. Alexandre Biyidi Awala est sans conteste un écrivain engagé, ce qui lui a valu d’ailleurs quelques tracas, tant dans son pays où il est retourné dans les années 1990, qu’en France où il a parfois stigmatisé les incohérences de la politique africaine. Il a écrit Main basse sur le Cameroun, Les Deux Mères d’Ismaël Dzewatana, L’Histoire du fou. Sous son pseudonyme Mongo Beti, il publie Ville cruelle en 1953 et Le Pauvre Christ de Bomba. Dans Ville cruelle, Mongo Beti lutte contre le colonialisme européen, relate les nombreuses aliénations subies par le peuple africain dans les villes coloniales. Il réalise une critique virulente qui engendrera tout un nouveau courant de pensée. Dans Le Pauvre Christ de Bomba, il lutte également contre la société africaine traditionnelle, mais dans ce nouvel ouvrage, l’ironie et l’humour sont omniprésents. Cet auteur révolutionnaire accroît encore sa popularité avec les livres Le Roi miraculé et Mission terminée. Dans ces deux romans, il rompt avec ses anciens écrits, souvent dominés par des questions politiques, tout en gardant un fort caractère de militant. Ce changement l’écarte du » mouvement de la négritude « , ce qui lui attirera les foudres des adeptes de ce courant littéraire. Il sera néanmoins à l’origine d’une nouvelle génération d’écrivains camerounais, désireux de suivre son exemple et de se démarquer de la » négritude « . Ses derniers romans : Trop de soleil tue l’amour (1999), Branle-bas en blanc et noir (2000) et, à titre posthume, Africains si vous parliez (2005). Mongo Beti est décédé le 8 octobre 2001 à Douala.