#Hommage: ExploCiné/BLADE RUNNER 2049

#Hommage: ExploCiné/BLADE RUNNER 2049

  • WARNING SPOILERS

Une suite à Blade runner ? S’attaquer à un tel monument est risqué. Un casting de rêve et un patrimoine ADN cultissime permet cependant d’espérer une oeuvre de cinéma et non un énième remake. La sortie de séance me laisse mitigée cependant…

L’HERITIER
Petit point scénario:  La ségrégation humains contre répliquants n’a pas été levée. La nouvelle génération d’androïde est même réduit à l’état de parfaits esclaves obéissants. Toutes traces de la rébellion ainsi que ces initiateurs ont été annihilés. C’est dans ce climat que l’officier K interprété par Ryan Gosling opère en tant que Blade runner. Sa vie est rythmée par sa femme virtuelle et ses missions pour l’administration humaine quand il découvre un secret qui pourrait tout changer. Il se fait alors, à son tour, proie. Son seul espoir est de retrouver un ancien blade runner porté disparu… Rick Deckard.
On peut être déçu par ce scénario qui, certes, est plutôt prometteur mais n’a rien d’original ni de révolutionnaire. Le jeu des acteurs n’a néanmoins rien à se reprocher même si on a connu de meilleurs jours à Jared Leto. Le scénario laisse cependant une importante impression de déjà vu après l’essor des Hungers GamesGhost in the Shell et autres Her. Pire encore, la lenteur contemplative de l’action ne va qu’en se renforçant jusqu’à faire naître un sentiment d’ennui au milieu de la projection.
Si le film n’apporte donc pas la profondeur de lecture du premier volet, il intègre cependant une réflexion assez joliment amenée. C’est la notion d’humanité elle-même qui est ici questionnée. Est elle l’apanage de l’être humain ? Quelles limites donner à l’organique au vu des progrès technologiques ? Autant de questionnements qui s’adaptent comme un écho à notre époque.
Tout ceci orchestré en trois grands actes qui font de Blade Runner 2049 un véritable opéra au visuel industriel, ponctué de néons et de grognements métalliques assourdissants.

UN OPERA
C’est justement son aspect visuel qui fait de ce film un véritable petit bijou contemplatif. Chaque plan est orchestré avec brio. Une scène, principalement, cristallise ce chant tragique entre processeurs et coeurs naturels. On a le souffle coupé à la vue de cette répliquante qui naît sous nos yeux et ceux de K. La caméra sépare ici complètement l’être technique de l’être organique pour interroger ensuite une possible fusion. Organisme technique et organique se mêlent afin de créer un nouveau vivant et ouvrent ainsi sur une nouvelle dimension. Cette scène regorge alors à elle seule d’un milliers de questions tant par sa beauté que par ce qu’elle implique.


La puissante technologie se rappelle d’ailleurs au spectateur tout au long du film et complète l’ambiance par un fracas assourdissant qui ponctue l’action à intervalles réguliers comme pour rappeler la tension qui se joue à l’écran.
L’adaptation et l’évolution de l’ambiance noire du film de Ridley Scott est également bien présente. Si l’on retrouve l’ambiance apocalyptique et très Soleil vert, le néon et l’hologramme coloré ajoutent une touche post XXIe qui s’intègrent assez dans le paysage urbain de 2049. L’esthétique cypher punk règne alors sur cette ambiance apocalyptique bondée où l’individu n’est plus. K n’est pas unique mais un numéro de série. L’être se perd au milieu de la masse sombre des personnages qui contraste avec les publicités colorées.

LA SUITE…
L’esthétique vient ici sauver ce qui aurait pu être un énième film de science fiction. Il s’agit d’une suite, effectivement, en ce que la réflexion suit ici une véritable progression vis à vis du premier opus. C’est un exercice difficile, il est vrai, en ce que continuité doit co-exister avec un certain renouvellement. Blade runner 2049 réussit cependant à ne pas se départir de l’héritage de son énorme prédécesseur. Il paraît cependant soumis à ce dernier et ne parvient pas vraiment à se fonder une identité propre. Ryan Gosling s’efface devant Harrison Ford de même que Blade runner 2049 laisse la place au premier opus. Le renouvellement promis est alors caduque.

UNE JOLIE COQUILLE VIDE ?
Blade runner 2049 par une esthétique et un traitement sonore travaillés, figure un véritable opéra contemplatif. Il n’arrive cependant pas à convaincre totalement et soulève ainsi bon nombre de questions sur le genre même de la science fiction et son avenir.
Le nouveau ne parvient pas à se créer une identité propre face à l’ancien. Un hommage aux premiers classiques du genre se transforme en suprématie de ceux ci de sorte qu’un cercle vicieux narratif se met en place. Le questionnement eugénique est aujourd’hui, en effet, le sujet central étudié par bien des aspects sur le grand mais également le petit écran. La série Westworld ou encore les films Ghost in the shell et Her en sont pour preuves. Blade Runner 2049 n’apporte alors aucune nouveauté de traitement d’une thématique déjà bien usée.
Le film délaisse sa recherche d’identité propre pour la noyer dans de belles (il est vrai) images techniquement (re)travaillées, à l’instar de K et de ses concitoyens. Le syndrome Star Wars VII règne encore en maître sur les salles obscures. On peut alors se questionner sur un possible renouvellement narratif du genre ou si l’on ne peut plus espérer que de jolis et aveuglants bijoux.

ExploCiné: Belladonna of sadness, Eiichi Yamamoto

ExploCiné: Belladonna of sadness, Eiichi Yamamoto

C’est au cours d’un partenariat avec l’exposition J’y crois, j’y crois pas autour de la sorcellerie au Champs libres à Rennes que le ciné-club Le Tambour choisit de consacrer une soirée autour de cette question. Le couple art et ésotérisme accouche souvent d’enfants hors normes et c’est donc intriguée que je me suis rendue à la projection.

La séance de 20h30 était consacrée à l’oeuvre du thaïlandais Apichatpong Weerasethakul Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures tandis que celle de 18h projetait la version 4K de 2016 de la Belladonna of Sadness de Eiichi Yamamoto.

Un peu de contexte avant toute chose:

Il s’agit là du troisième opus d’Animerama, série de trois animés pour adultes, d’Oamu Tezuka dont l’influence reste visible même s’il n’a pas participé à la réalisation. Sa sortie en 1973 rencontre un faible succès malgré une nomination à l’Ours d’or au Festival de Berlin. Belladonna est notamment le dernier film des studios Mushi Production avant la faillite de ceux-ci. Dernière pièce du triptyque de Tezuka, il s’agit là d’un véritable ovni.

Ce chef d’oeuvre visuel a cependant inspiré et inspire encore de nombreux artistes tout domaines confondus.

La figure de la sorcière: un pamphlet féministe

Le synopsis s’inscrit dans l’époque médiévale. Deux paysans, Jean et Jeanne s’aiment et vont demander l’autorisation du seigneur du village afin de se marier. Celui-ci fait néanmoins valoir son droit de cuissage et laisse sa garnison violer sauvagement la pauvre Jeanne.  Les deux jeunes gens, traumatisés ne s’en remettront pas. Jean, honteux et déshonoré, délaisse Jeanne qui s’enfuit dans la forêt et pactise avec le Diable.

Il est très rapidement visible que l’inspiration première de la Belladonna est le traitement de la figure de la “Sorcière” dans la littérature contemporaine. La plus grande influence de toute semble ainsi être Jules Michelet et son essai éponyme, La Sorcière.

Le réalisateur tout comme l’écrivain s’intéresse ainsi à l’image et au pouvoir de la gente féminine dans une société largement dominée par les hommes. La sorcière, grande prêtresse et autre ensorceleuse est, en effet, devenu depuis quelques décennies une sorte d’icône de la lutte pour  l’empowerment des femmes. Ce dont il s’agit ici, en effet, c’est d’une femme bafouée qui se transforme alors en un symbole de révolte mais surtout.. de puissance, d’autorité et donc un dangereux ennemi du pouvoir en place.

L’être charismatique se fait créature du démon, condamnable. L’usage de l’animation permet alors d’appuyer un propos qui se veut dénonciateur. Il permet également et surtout d’instaurer un dialogue avec le subconscient du spectateur sans en retirer quelque violence.

Le discours de Jules Michelet s’inscrit alors dans la mouvance de libération sexuelle mais aussi féministe en pleine expansion au moment de la sortie de cette Belladonna sur les écrans.

Sex, drugs et kaléidoscope

Ce qui fait de ce film un véritable objet non identifiable c’est avant tout son univers esthétique. Lui aussi s’inscrit dans son époque et porte la marque de cette période prolifique dont elle emprunte une certaine attirance pour le kaléidoscope et le mandala.

Polymorphe, le graphisme alterne fusain, papier collé, aquarelle et encre sous la direction artistique de Kurni Fuksi. On y retrouve de nombreuses références picturales telles que Gustav Klimt ou l’Art Nouveau. La représentation du viol ou, encore des sabbats païens dans la forêt emmenés par Jeanne sont imprégnés de cette esthétique psychédélique presque psychotique. La suggestion furieuse et organique des couleurs et des formes permet ainsi de traduire une violence qui surpasse le visible.

C’est ainsi dans un véritable trip embrumés de vapeurs de belladone et de LSD que nous plonge la Belladonna of sadness à la suite de ses fidèles. Un sabbat coloré enlevé par une bande son superbe pour une oeuvre et un combat qui n’ont (malheureusement) pas pris une ride.

Les graphismes, la musique … chaque partie du film de Eiichi Yamamoto est un véritable chef d’oeuvre. La musique originale de Massako Satô a d’ailleurs fait l’objet d’un vinyle tandis que le maître Hayao Miyazaki avoue avoir été fortement influencé par le travail d’Eiichi Yamamoto sur cet Animerama. Quoiqu’il en soit, et malgré une violence certaine du discours, Belladonna of Sadness est une formidable expression du bouillonnement artistique et sociétal de son époque.