Explociné : Afrique(s)/ Une terre de légende

Explociné : Afrique(s)/ Une terre de légende

“Je suis amoureuse d’une terre sauvage. Un sorcier vaudou m’a peint le visage. Son gri-gri me suit au son des tam-tams. Parfum de magie sur ma peau blanche de femme”

Les paroles de Rose Laurens (Africa, 1982), outre leur qualité au sein de toute bonne playlist (oui, oui), dépeignent tout à fait l’une des facettes les plus répandues du continent africain à l’écran. L’Afrique, donc, sa terre rouge, vierge et sauvage fait rêver d’aventure. Une terre de mystère qui fait la joie de nombreux films à succès. Plongée au cœur du mythe…

Une terre sauvage

Encore assez peu industrialisé, le continent africain est très souvent décrit par ses grands espaces et la grande liberté des hommes et des bêtes. Une harmonie des premiers âges semble s’échapper du mythe. Une ambiance qui appelle à l’exploration voire aux péripéties romantiques. 

La romance y voit ainsi un terrain parfait pour le déchaînement de ses passions. La liberté de la nature environnante fait alors écho aux intenses sentiments exprimés à l’écran. On pense évidemment à Out of Africa de Sydney Pollack (1986). 

Cette harmonie de la nature et de l’homme figure également un prétexte de choix pour un message à visée plus politisée. L’aventurier romantique à la manière du XIXe y voit, en effet, LE lieu pour fuir le capitalisme, l’industrialisation, la dépression, l’aliénation (rayez la mention inutile).  Suivant Rousseau et de son bon sauvage (Discours sur l’origine des inégalités parmi les hommes, 1755), “l’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt”. La fuite vers la mystérieuse et sauvage Afrique permet ainsi de mettre en évidence ce point à la Into the Wild (Sean Penn, 2008). 

La nature africaine est un personnage à part entière. Elle ne fait ainsi pas simplement office de décor mais elle transforme l’histoire, délivre un message et joue avec celui-ci tout autant que les acteurs. 

Une terre sacrée 

L’environnement africain à l’écran n’est pas anodin. C’est la Nature avec un grand N. Le continent africain et malgré les différentes colonisations n’a pas perdu son mystère. Face à sa présence, l’homme ne peut y être maître mais redevient un élément du tableau. Ce même tableau qui semble dépeindre les âges originels voire le commencement de tout. 

La magie fait alors partie à part entière de cette terre aux accents spirituels de paradis perdu. 

L’image largement répandue de l’Afrique au cinéma est cependant véhiculée en majeure partie par les films à succès occidentaux. L’Afrique, au même titre que l’Asie, dégage ainsi un mystère mais surtout un exotisme presque ésotérique aux yeux de l’Occident pour qui ces lieux et ces cultures paraissent plus qu’éloignés. Le regard de l’africain sur sa propre terre est ainsi encore très peu connu même s’il tend petit à petit à faire sa place.

Out of Africa, Sydney Pollack, 2008


Les dieux sont tombés sur la tête, Jamie Uys, 1980

https://www.youtube.com/watch?v=he5tigHk96I&ab_channel=BoxOfficeTrailersAndMovie

Le Roi lion, Rob Minkoff & Roger Allers, 1994

# Explociné: Afrique / Petite histoire du cinéma Africain

# Explociné: Afrique / Petite histoire du cinéma Africain

Ah ! L’Afrique ! Sa savane, ses villages et ses safaris transpirent l’aventure. Cette image très romanesque ne cache pas cependant que le continent africain reste encore, en effet, bien mystérieux aux yeux de l’Occident. Et pour cause ! Citez moi un film sur ou autour de l’Afrique tourné par des africains. A moins d’être un peu calé, il y a peu voire aucune œuvre qui viennent immédiatement à l’esprit. 

Une chose à mettre au clair tout de suite, il n’existe pas UNE cinématographie africaine mais plutôt panafricaine, multiple. Si celles-ci ont de la peine à s’imposer pour le moment, elles ne sont pas inexistantes pour autant… 

Une industrie jeune 

Le cinéma africain est encore très récent. Au Maghreb, c’est seulement après les indépendances que l’on a pu voir timidement émerger une scène autochtone. L’Afrique noire, quant à elle, subit encore les répercussions de la colonisation. Le regard et la culture africaine, largement orale, ayant été invisibilisés (coucou Nicolas Sarkozy et l’Afrique sans histoires), les cinématographies peinent à se mettre en place.  

Qu’il s’agisse de l’animation ou de la prise de vue réelle, on note jusqu’ici peu de productions et surtout très peu de carrière à l’international. 

Le manque d’infrastructures et des conditions économiques nécessaires ne permettent pas encore le développement d’une industrie. Le cinéma africain dépend encore largement des aides économiques extérieures. 

Gad Elmaleh in Chouchou, Merzak Allouache, 2003

Si un peu plus d’œuvres nous parviennent du Maghreb, les professionnels, réalisateurs, scénaristes ou acteurs, débutent souvent leur carrière en Occident et notamment en France. Gad Elmaleh ou Jamel Debbouze, par exemple, sont tous les deux des produits de l’industrie cinématographique française voire américaine. Ceux-ci n’hésitent pas cependant, et de plus en plus, à mettre en place des actions à divers niveaux pour porter le regard sur leur pays d’origine comme c’est le cas avec le Marrakech du rire initié par Jamel Debbouze. 

Le continent africain dispose, de plus, d’un réseau de distribution extrêmement réduit. Très peu de salles sont implantées sur le territoire. La visibilité des regards africains passe donc grandement par les festivals comme le FESPACO, le Festival Panafricain du cinéma et de la Télévision à Ouagadougou au Burkina Faso. 

Une grande partie de la population étant encore rurale, cependant, l’accès à ces événements pour les habitants est réduit d’autant plus. Des festivals itinérants ont, certes, vu le jour mais ne permettent pas encore l’accès à tous. 

L’arrivée du numérique et de ses outils laisse cependant préfigurer un essor tant du domaine de la distribution que de la production. 

Mais dynamique 

L’essor de la vidéo a permis, en effet, une démocratisation des outils et donc des techniques créatives. Le matériel est moins coûteux que les appareillages plus classiques à la Spielberg et laisse une grande liberté de tournage. Le rendement peut alors être extrêmement rapide puisque la majorité de ces films sont tournés en 15 jours environ. Faute, cependant, d’un réseau de salles conséquent, ils sortent en grande partie directement en DVD ou via le streaming.  

On voit alors s’esquisser un début d’industrie prometteuse avec notamment Nollywood au Nigéria. Il est à remarquer, d’ailleurs, que les pays francophones usent d’une démarche inspirée de la philosophie du cinéma d’auteur quand les anglophones lui préfèrent un côté plus industriel (de là à sauter en conclusion….). 

Des thèmes et une autre vision de l’Afrique

Le continent n’est, malgré tout, pas absent des écrans. Il y tient, en effet, une bonne place au panthéon des mythes. Tantôt idéalisée, tantôt démonisée, la terre africaine doit principalement sa présence au cinéma au regard occidental. Des films comme Out of Africa (Sydney Pollack, 1986), Blood Diamonds (Edward Zwick, 2007), le Roi Lion (Roger Allers et Rob Minkoff, 1994) ou encore les documentaristes Raymond Depardon avec Afriques : Comment ça va avec la douleur (1996) et Jean Rouch l’ont certes mise à l’honneur mais ces œuvres restent des visions occidentales du continent. 

Si les pays africains ne disposent pas en majeure partie des conditions économiques nécessaires pour permettre l’essor d’une industrie, on voit toutefois émerger ces dernières années des œuvres saluées par la scène internationale. Remarquons, par exemple, Rafiki de Wanuri Kahiu qui fut présenté au Festival de Cannes 2018 et qui dénonçait la pénalisation de l’homosexualité au Kenya.

L’appui du réseau de distribution occidental (salles et festivals) ainsi que les aides financières permettent de faire émerger récemment une voix africaine. De plus en plus d’œuvres et d’artistes sont ainsi mis en avant (doucement certes) et permettent de faire connaître le regard de cette cinématographie sur le pas de tir. Ce regard “de l’intérieur” permet alors de figurer une Afrique et ses populations sous un jour plus complexe que la version romantisée des productions occidentales. Les thèmes les plus souvent utilisés sont la violence, la guerre ou encore l’immigration ou la diaspora. 

Les cinématographies africaines sont encore en plein développement. Ces dernières années ont cependant permis l’essor de quelques films notables à l’international et ce plus souvent qu’alors, ce qui laisse présager de bonnes augures pour un regard encore trop méconnu.

#Explociné: Arthur/ les figures féminines

#Explociné: Arthur/ les figures féminines

Seuls siègent à la table ronde les chevaliers au cœur pur et surtout… viriles. Les femmes sont très minoritaires (disons le comme ça) parmi les légendaires gouvernants du royaume celte. L’histoire arthurienne comporte cependant une sélection plutôt garnie de femmes fortes et complexes. Ces figures féminines, donc, s’imposent et,il est bon de le mentionner, certaines de leurs actions changent même le cours de l’histoire.

Des femmes duelles et entières 

Morgane, Viviane (ou Nimue suivant les versions), Guenièvre ou Ygraine, les femmes sont plutôt bien représentées à Camelot. 

Celles-ci sont d’ailleurs loin de l’image de la pure jouvencelle de chevalerie. Morgane, demi-sœur d’Arthur, est sans doute l’une des plus célèbres. Magicienne, elle aime son frère autant qu’elle le déteste. Prêtresse de l’ancien culte, elle est souvent associée à l’île d’Avalon où elle emmène le roi mortellement blessé. Elle est souvent décrite comme malheureuse en amour et ayant des amants avec qui elle complote pour tuer Arthur. Elle est parfois présentée comme la mère de Mordred, enfant illégitime qu’elle aurait eu avec son frère et qui blessera à mort ce dernier. Ni totalement méchante, ni totalement pure, elle représente une image de la femme rebelle et indépendante.

Les brumes d’Avalon, Uli Edel, 2001

A l’inverse de Guenièvre, l’autre figure mythique de ce panthéon, qui tend à se rapprocher plutôt de la femme soumise et délicate. Une image qui subira toutefois un petit choc par son amour infidèle avec le chevalier Lancelot du Lac. Elle devient alors l’étincelle qui détruit l’équilibre. A son tour, Guenièvre est alors une figure duelle, un peu plus complexe que la princesse Barbie/Disney/vierge en détresse.

Le Roi Arthur, Antoine Fuqua, 2004

Viviane, tout comme Morgane, est une magicienne et, tout comme elle, son image oscille entre ombre et lumière. Si c’est elle qui donne l’épée Excalibur à Arthur, c’est elle également qui emprisonne Merlin dans une prison de courants d’air. 

Un panthéon féminin plus complexe qu’il en a l’air donc mais qui semble presque symboliser les différents archétypes du visage de la féminité. Suivant cette idée, Morgane représente alors la sorcière, Guenièvre, la sainte, Ygraine, la mère. Une analyse qui, toutefois, est soumise à notre regard moderne. 

Mythes et lectures

Des analyses de ces figures, il y en a eu au cours des siècles. La figure de Morgane, par exemple, subit de nombreuses altérations suivant les époques. D’abord prêtresse de l’ancien culte, elle devient sorcière malfaisante à l’apogée du christiannisme. Dans une lecture plus politisée du mythe, Morgane et la Dame du Lac, Nimue, représentent alors l’ancien culte qui tente de survivre malgré la christianisation massive des contrées celtiques. Leur rébellion symbolise alors la résistance des croyances traditionnelles face au monothéisme. Les diverses attaques de Morgane contre la table ronde deviennent alors le symbole d’un paganisme qui tente de survivre face à l’oppresseur symbolisé par la quête de l’artefact ultime, le Graal. 

Il existe de nombreuses lectures diverses des figures féminines au sein du panthéon arthurien. Les différentes versions et surtout les différentes époques traversées n’ont fait qu’ajouter des couches à leur mystère. Ce côté universel du mythe est d’ailleurs ce qui en fait une grande inspiration encore aujourd’hui. Il est encore tout à fait malléable malgré les (très) nombreuses interprétations qui en ont été faites. La légende arthurienne a ceci de plus qu’elle fait la part belle aux femmes et surtout à des femmes puissantes dont l’image ne cesse de se transformer.

#Explociné : Le cycle arthurien/ Merlin

#Explociné : Le cycle arthurien/ Merlin

S’il est une figure mythique du cercle arthurien, c’est bien Merlin. Le fameux magicien est, en effet, l’une des pierres angulaires de la légende. Il est sorcier, guérisseur, orateur et fin diplomate. C’est surtout le conseiller privilégié du roi Arthur. Une figure protéiforme, donc, qui perdure encore de nos jours sous bien des visages grâce à la littérature, la peinture mais aussi le cinéma… 

“C’est un…un druide”

Merlin c’est avant tout une figure protéiforme. Entre les différentes sources autour de la légende de la Table ronde et les interprétations qui en ont été faites ensuite, il est bien difficile de cerner le personnage. 

Il est le fils d’un démon, voire parfois, selon certaines versions, du Diable lui-même et d’une humaine. Cette jeune femme, devenue plus tard une religieuse sous la plume du clergé catholique, se serait donc fait abuser par le malin et mis au monde un bébé d’une apparence pour le moins inhabituelle. Il est en effet extrêmement poilu et fait preuve rapidement d’une très grande intelligence. Il aurait ainsi défendu sa mère et ainsi évité la mise à mort pour cause de grossesse non maritale. 

Tel père, tel fils comme on dit. L’étude des versions antérieures à la christianisation massive rapporte cependant que Merlin serait plutôt le fils d’un dieu celtique. L’idole païenne serait donc devenue démon avec le temps. 

Le mythe peut être lu et relu de diverses manières. La zone géographique, l’époque et bien d’autres variables entre en compte quant à la forme que prend la figure du sorcier… et c’est bien ce caractère universel qui en fait un mythe.  

Il a donc traversé les siècles et fut, dans les années 1800, rapproché du druidisme que l’on redécouvre alors. De ces prêtres celtiques, on ne sait pas grand-chose mais la légende en a fait des magiciens, patrons de la nature et du cycle de la vie. Merlin devient alors la parfaite personnification de ces mystérieux personnages. 

Sorcier, druide, conseiller mais aussi barde qui voyage et fait les mythes, notre cher Merlin est l’un des incontournables de tout scénariste. 

Merlin ou le complexe du mentor 

Le sorcier est avant tout rendu célèbre pour avoir veillé sur le roi Arthur. Conseiller et ami, il est surtout son mentor. C’est lui qui dirigera le futur roi des Bretons vers sa fabuleuse destinée. Il lui enseignera par la suite comment gouverner avec sagesse et bienveillance tout au long de son temps passé à la cour. 

Merlin, souvent représenté vieillard à la barbe blanche, est donc l’ancien ou plutôt le mentor. Il est celui qui éclaire le chemin et permet de passer à l’âge adulte. 

Ses mystères et secrets le rapproche alors de la Nature qu’il symbolise en tant que druide ou fils de dieu païen. On lui accorde souvent un air un peu joueur voire carrément loufoque, mélange de l’enfantin caprice et de la plus grande sagesse qui participe de son côté insaisissable.

Aussi célèbre que le Roi Arthur, le sorcier a ainsi traversé les âges et est aujourd’hui une source d’inspiration plus ou moins assumée dans tous les arts et surtout le cinéma. 

Explociné: Mauvais genre/ Les injonctions de genre au cinéma

Explociné: Mauvais genre/ Les injonctions de genre au cinéma

Le cinéma est créateur de désirs et vecteur de stéréotypes. Jusque là, on ne vous apprend rien. Parmi eux, un standard en particulier est en ligne de mire ces derniers temps : la place de la femme et de l’homme. Alors, certes, le temps des ménagères romantiques et du macho men milliardaire est (presque) révolu. Beaucoup de préjugés restent toutefois encore bien ancrés. Dans un contexte de prise de conscience des minorités, comment le grand écran s’implique dans la transition sociétale ? 

“La place de la femme, c’est dans la cuisine” 

La fameuse vidéo du prêtre porte aujourd’hui plus à rire qu’autre chose. Tiktok en a fait d’ailleurs un de ses classiques. 

La place de la femme et son image tendent petit à petit à petit à s’améliorer. Les mouvements Me too et Balance ton porc ont, en effet, permis de mettre en lumière l’in-équité encore trop présente dans l’industrie des projecteurs. Les réalisatrices se voient accorder petit à petit un peu plus de visibilité et les actrices osent. A l’écran, les personnages féminins se complexifient. Le changement (très) progressif de point de vue reste cependant encore long et difficile. On n’arrête pas des siècles de privilèges masculins comme ça ! Certains comportements sexistes sont encore bien trop banalisés. Un homme protège une femme, c’est ok. Un femme qui protège un homme perd sa féminité. 

Un double standard qui est malheureusement encore bien enraciné. A tel point que la misogynie intégrée est au moins autant étendue que le sexisme. 

De nombreux projets voient cependant le jour avec le désir de casser ces icônes du “bon goût et de la raison” : la femme fatale, l’hystérique, la potiche, la coincée… 

Le film Forte, par exemple, déconstruit deux standards en même temps à savoir, l’idée de la beauté et l’image de la danseuse de pole dance. 

Et pour vous monsieur, ce sera ? 

De son côté, l’homme subit aussi un bon ravalement de façade. La montée en puissance de la communauté LGBTQ+ questionne le genre et petit à petit les codes de la sainte virilité s’effritent. Les films Billy Elliot ou le plus récent Les garçons et Guillaume à table démontent ainsi les clichés de l’indéboulonnable homme fort. Oui, un homme peut aimer la danse classique et ne pas être gay. Non, un homme qui n’apprécie pas le sport n’est pas forcément une femme trans. Non, un homme n’est pas un simplet avec un pénis à la place du cerveau ou un geek puceau. 

Des clichés qui peuvent paraître risibles sur le papier mais qui sont encore bien présents dans nos représentations sur grand écran. La masculinité positive (de même que son pendant, la féminité positive), par exemple, ou valorisation des comportements assignés au genre dans lequel l’individu en question excelle participe également de l’entretien de ces stéréotypes. 

Les codes bougent. Le cinéma se fait petit à petit iconoclaste. La révolution est lente mais s’avance sûrement. Le changement progressif de paradigme à l’écran accompagné des mouvements militants hors champ permettent d’espérer une image plus inclusive du spectre genré. Espérons qu’il en sera de même pour l’intégralité du spectre des représentations non binaires et gender fluid inclus. 

Billy Elliot, Stephen Daldry, 2000

Tomboy, Céline Sciamma, 2011

Les garçons et guillaume à table, Guillaume Gallienne, 2013

Explociné: Mauvais genre/ Paris is burning, entre révélation et interprétation

Explociné: Mauvais genre/ Paris is burning, entre révélation et interprétation

De l’histoire des coups d’Etat, le Paris is burning de Jennie Livingstone a mérité sa place. Sorti en 1991, le film est un documentaire autour de la scène ballroom de New York à la fin des années 1980. Le monde est alors en pleine épidémie de sida et la communauté queer est extrêmement stigmatisée. Plus encore, le racisme est très présent au sein même de la communauté. Latinos et afro-américains sont souvent mis sur le banc de touche et ripostent en crééant les balls, des concours de beauté au sein desquels les houses défilent et vogue pour obtenir le premier prix. 

Une communauté encore très peu connue à l’époque de la sortie du film et qui ne fera que gagner en lumière dès lors. 

Un film culte  

Paris is burning a donc permis de mettre sur le devant de la scène une communauté qui était encore très méconnue. Le New York des années post-Stonewall est, certes, de plus en plus tolérant mais beaucoup de chemin reste encore à parcourir. Des dizaines de jeunes gens se retrouvent à la rue suite à la révélation de leur différence. Ils dansent voire se prostituent en échange de quoi manger. Central Park est d’ailleurs devenu un haut lieu de rassemblement de cette jeunesse brisée. Les communautés noires et latino, en particulier, subissent la violence du racisme en plus de l’homophobie. Les houses (fr “maisons”) vont alors voir le jour et permettre à ces jeunes de retrouver un toit et une éducation. 

Paris is burning, c’est donc un film sur la communauté dans la communauté. Sous toutes ces paillettes et étoffes, c’est la violence du rejet et de l’ignorance qui est racontée. Le film fera l’effet d’une petite révolution dans une société encore terrifiée par le “cancer gay”. Il remporte un certain nombre de prix dont le Grand Prix du Jury documentaire au Festival du Film de Sundance en 1991. Il permet surtout de populariser une culture qui s’est désormais étendue à l’ensemble de la communauté LGBTQI+. 

Une communauté qui s’organise 

Ce que montre le film, c’est surtout une communauté qui se reconnaît, qui se codifie. Il s’agit là d’un vrai monde de la nuit, souterrain où règne étoiles filantes et prédateurs. 

On ne parle pas encore de communauté LGBT mais de communauté gay. On ne parle pas de transgenre et encore moins de bisexualité ou même de non-binaire. La notion de changement de sexe est cependant déjà abordée. L’un des protagonistes déclare rêver d’être une “vraie femme”. Une notion de “faire vrai” qui jure avec le fantasme des ballrooms malgré qu’elle se retrouve dans les catégories “realness”. De l’importance de ce paraître vrai suinte le désir d’intégration dans une société qui les voient, au mieux, comme des bêtes de foire. Il s’y traduit également et surtout l’envie de coller au maximum à la personne que l’on souhaite devenir. 

Les paillettes et le glamour dissimulent donc avec un peu de peine le malaise d’une communauté qui commence tout juste à sortir de la nuit. 

Controverse ou le complexe du documentariste 

Paris is burning, malgré son succès auprès de la communauté queer comme mainstream, n’est pas tout à fait blanc de tout débat. La réalisatrice a notamment été accusée d’avoir payé de façon inégale les participants et surtout d’avoir profité de la renommée du film. Ce qui d’ailleurs n’est pas tout à fait vrai lorsque l’on voit la carrière de Jose Xtravaganza qui devint l’un des danseurs de Madonna et l’initia au voguing. 

Le principal conflit repose en ce que Jennie Livingstone ne faisait pas partie de la scène ballroom. Elle était, certes queer mais ne participait pas aux balls, était blanche et allait à l’université. Il s’agit là de la problématique récurrente, si ce n’est constante, à laquelle se heurte les documentaristes. Doit-on avoir vécu pour témoigner ? Si je suis extérieur, suis-je réellement objectif ? 

Des questions sans réponses mais qui alimentent encore de nombreuses tables rondes.

Paris is burning est sans conteste l’un des piliers de la culture queer. Malgré la controverse, Jennie Livingstone a tout de même permis de mettre en lumière une communauté brisée par le sida et la violence. Une communauté qui a ainsi pu trouver une existence et une légitimité.