Sur les planches, dans un script à Hollywood ou entre les pages d’un roman: les personnages naissent de l’imagination de leurs créateurs et de la nôtre, public attentif. Ils prennent vie et se découvrent dans un univers qui leur est propre.
L’exercice de l’adaptation est alors en cela ardu qu’il faut permettre au personnage (et surtout au public) de pouvoir toujours se connecter à son essence propre. Décentrer le personnage de son univers, de son média ou de son histoire, c’est ainsi créer une nouvelle oeuvre mais aussi et surtout une nouvelle vision desdits personnages.
D’un média à l’autre
Nous avons tous en tête des adaptations du papier à l’écran (ou vice versa, plus rare).
Ces oeuvres qui dans leur “état d’origine” connaissent un succès tel que d’autres se l’approprient dans leur média originel ou sur un nouveau support. L’occurrence la plus répandue de nos jours est, bien entendu, le passage de l’encre à l’image.
Dans ce cas de passage, et même si la ligne rouge de l’histoire reste inchangée, notre perception des personnages et de leur univers ne pourront le demeurer. Chaque média possède un langage qui lui est propre. Qui dit autre langage, dit donc forcément une nouvelle grammaire pour nos personnages qui même s’ils collent à leur expression de papier, ne seront jamais tout à fait les mêmes. Et c’est pour le mieux ! Prenons l’exemple des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos ! Comment adapter l’un des plus célèbre roman épistolaire au cinéma ? Dans celui ci l’auteur use de tant d’habileté à jouer avec les mots et à les utiliser comme socle de toute l’intrigue qu’il semble presque impossible de l’adapter pour le grand écran sans en dénaturer toute la subtilité. Pari réussi cependant par Stephen Frears en 1988. Si l’histoire perd ainsi quelque peu de son mordant par les besoins de la caméra de montrer, le jeu de Glenn Close et John Malkovitch nous le font oublier et transforme ainsi le film en véritable oeuvre de cinéma.
Un nouvel auteur ou metteur en scène c’est aussi l’occasion d’apporter un regard nouveau tant à l’action et son univers qu’aux personnages et leur psychologie.
Derrière l’incarnation
Les différentes interprétations du même personnage ont également leur rôle à jouer dans la (re)création de ce dernier. La pièce “Frankenstein” dirigée par Danny Boyle et donnée au National Theater de Londres en est un exemple plutôt parlant. On y voit, en effet, les deux acteurs principaux, Benedict Cumberbatch et Johnny Lee Miller s’échanger les rôles du Dr Frankenstein et de sa créature au fil des actes. Par leur physiques différents, leurs manière de jouer, de s’exprimer … c’est alors un tout autre personnage qui s’offre au public. L’incarnation filmée ne peut, en effet, faire tout à fait abstraction de son réceptacle, à savoir l’acteur. Tout le travail et la dédication du monde ne peuvent, en effet, empêcher ça et là un tic de transparaître ou une aura d’apparaître. Chaque nouvelle occurrence donne ainsi une nouvelle naissance à un personnage qui se réinvente par ce qu’il fait grâce à l’auteur, scénariste, metteur en scène… et par ce qu’il est au fil de ses différentes incarnations.
Une histoire et ses personnages naissent de l’imagination de leurs auteurs et ne cesse de se réinventer. Chaque nouvel interprète, représentation, réécriture permet de signifier une nouvelle vision. Raconter des histoires que l’on soit metteur en scène, dramaturge ou scénariste, acteur ou comédien c’est donc une chose un peu plus vivante à chaque apparition.
“Ce qui ne te tue pas, te rends plus fort”. Un proverbe qui convient parfaitement à cette chronique.
Un point tout d’abord: oui, les super héros mènent une double vie. Donc si on pousse un peu, à chaque transformation, ils “renaissent” en une autre entité. Mais ce serait dire que l’humain derrière le héros n’est plus le temps de faire retomber le masque. Comment expliquer alors que la faiblesse de Spiderman est Marie Jane crush de Peter Parker…
La plupart du temps, Superman et autres alien mis à part, le superhéros est un être humain à qui il arrive quelque chose d’extraordinaire. Une mutation, une réincarnation ou tout autre accident de laboratoire permettent ainsi de tuer ce “moi” Si les détails changent, le schéma est souvent le même : un humain meurt dans des circonstances louches et plutôt spéciales pour devenir une nouvelle version de lui même, un super humain (lequel parfois n’a plus vraiment grand chose à voir avec son incarnation précédente mise à part une enveloppe physique) puis par ses aventures : un héros.
Le terme “super” annonce déjà la couleur. Bien souvent mal dans leurs peaux et presque invisibles, les protagonistes deviennent alors mieux que leur vie d’avant même lorsque le masque tombe. Une sorte de meurtre initiatique pourrait on dire. La transformation inattendue (pour les protagonistes du moins) de ces humains somme toute plus normal que normal voire presque paria appelle ainsi notre soif de magie et de surnaturel tout en pointant le potentiel qui dort en chacun de nous. Un discours qui a de quoi séduire tous les Kick ass et autres Scott Pilgrim de cet univers.
Les 5 passages au mode super héros les plus badass :
. Selina Kyle, Michelle Pfeiffer in Batman Returns (Tim Burton, 1992)
. Deadpool, Ryan Reynolds (Tim Miller, 2016)
. Les quatres fantastiques, Jessica Alba, Chris Evans, Ioan Gruffudd et Michael Chiklis (Josh Trank, 2005)
Le Festival de Cannes, temps fort parmi les temps fort du printemps si il en est, est reporté cette année en raison de la crise sanitaire mondiale. Qu’à cela ne tienne, son délégué général, Thierry Frémaux a d’ores et déjà annoncé une sélection en juin (laquelle sera estampillée du label « Cannes 2020 ») ainsi que des opérations hors les murs et diverses partenariats avec les festivals partenaires.
En attendant de voir comment l’industrie du grand écran se réorganise malgré la crise, on a eu envie de se replonger dans ces films palmés qui ont fait l’histoire du Festival. Voici donc notre petite sélection (non exhaustive):
. La Vie d’Adèle: chapitres 1 & 2, Abdellatif Kechiche (palme d’or 2013)
. La Dolce Vita, Federico Fellini (palme d’or 1960)
. Apocalypse Now, Francis Ford Coppola (palme d’or 1979)
. Amour, Michael Haneke (palme d’or 2012)
. Le Guépard, Luchino Visconti (palme d’or 1963)
. Taxi Driver, Martin Scorsese (palme d’or 1976)
Vétéran de la Guerre du Vietnam, Travis Bickle est chauffeur de taxi dans la ville de New York. Ses rencontres dans le monde de la nuit, la violence quotidienne qu’il croise lui font peu à peu perdre la tête.
. Orfeu Negro, Marcel Camus (palme d’or 1959)
. Kagemusha, l’ombre du guerrier, Akira Kurosawa (palme d’or 1980)
Fun fact : Francis Ford Coppola et Georges Lucas sont tout deux producteurs exécutifs.
. Barton Fink, Ethan & Joel Coen (palme d’or 1991)
Fun fact: Barton Fink rafla presque tous les prix du festival cette année là et c’est à partir de cette date que son administration prit des mesures pour empêcher que cela se reproduise.
Richard Wayne Penniman alias Little est décédé à 87 ans le 9 mai des suites d’un cancer des os. Pianiste, auteur, compositeur, interprète et acteur, il laisse un héritage musical immense.
Né le 5 décembre 1932 à Macon en Géorgie, c’est, avec Chuck Berry, Fats Domino et Bo Diddley, l’un des pionnier du rock n’roll à la fin des années 1950’s et l’un des premiers musiciens noirs de rock à connaître le succès auprès des blancs. Il est même surnommé “l’architecte du rock” en ce qu’il réussi la fusion du boogie, gospel et blues agrémenté d’un piano énergique joué debout
Sa légende tient également en sa personnalité excentrique. Raillé dans sa jeunesse en raison de ses manières efféminées, il va en prendre son parti sur scène à base de tenues flamboyantes.
Little Richard c’est aussi un répertoire sulfureux et sexuellement connoté.
Il a ainsi influencé nombres d’artistes. Bob Dylan, par exemple, a commencé par des reprises de ses tubes. Les Rolling Stones ont fait évolué leur musique vers un style plus blues à son contact. Jimi Hendrix et Otis Redding ont même débuté comme musiciens anonymes dans son groupe. Une expérience qui marquera leur style à jamais comme toute une génération d’artistes noirs américains tel que Prince ou encore Bowie, Elvis ou The Beatles. Son ami James Brown déclarera d’ailleurs Richard comme l’un des artistes les plus importants de sa carrière et précurseur avec son groupe de la soul funk des années 1960.
Tous les grands artistes lui ont rendent aujourd’hui hommage à commencer par Mick Jagger, Iggy Pop ou Bob Dylan.
Plus qu’un architecte, Little Richard avec ses performances, ses tenues et son attitude rebelle et provocante donne le ton d’un genre musical qui le fera entrer au Rock and Roll Hall of Fame (dont il est un des fondateurs) dès sa création en 1986. Architecte musical, oui, il est surtout l’un des chefs de file de l’émancipation noire et homosexuelle.
. Tutti Frutti (1955)
Fun fact : le célèbre “Tutti Frutti” fait référence au sexe anal qu’il maquille dans des onomatopées groovy “a wop bam a loo bam a wop bam boum”
En ce moment de confinement toutes les plus grandes institutions culturelles du monde nous proposent de découvrir certaines de leurs œuvres, de leurs créations de manière digitalisées. Et le National Theater du Royaume-Uni n’échappe pas à cela. Ils ont alors posté leur adaptation du célèbre roman de Mary Shelley : Frankenstein sur leur chaîne Youtube. Et tenez-vous bien, car le casting est plutôt exceptionnel avec Benedict Cumberbatch et Jonny Lee Miller ! Deux acteurs anglais qui ont notamment en commun d’avoir incarné sur le petit écran le plus fameux des détectives : Sherlock Holmes ! (Benedict Cumberbatch dans Sherlock, une série anglaise créée par Mark Gatiss et Steven Moffat et diffusée sur BBC One. Produite par Hartswood Films et BBC Wales pour la BBC et WGBH Boston – Jonny Lee Miller dans Elementary, une série américaine créée par Robert Doherty et diffusée sur le réseau CBS aux États-Unis, produite par CBS). Alors, que valent-ils sur les planches ?
Tout d’abord, la pièce mise en scène par Danny Boyle (Slumdog Millionnaire, Transpotting, 127 heures et aussi réalisateur du prochain James Bond) est disponible en deux versions. En effet, Benedict Cumberbatch et Jonny Lee Miller se sont prêtés au jeu d’interpréter chacun à tour de rôle la créature de Frankenstein et le docteur Victor Frankenstein. Ce qui permet d’apprécier les deux styles d’interprétation des comédiens et peut-être de choisir son préféré…
La mise en scène de cette adaptation est très dynamique déjà par le choix d’une scène ronde qui permet aux spectateurs de bien entrer dans la pièce et aux personnages d’être au plus près de ces derniers surtout qu’une passerelle traverse le public à certains moments. Et aussi, l’ajout par instant de rails qui permettent de faire bouger des éléments des décors. Le choix de ceux-ci oscille entre univers steampunk lorsqu’il s’agit de représenter l’univers des travailleurs, des usines, et de l’atelier du docteur en Ecosse. Et beaucoup plus classique pour représenter notamment la demeure du jeune docteur Frankenstein ; avec des couleurs pastel, des lignes droites rassurantes qui enferment les personnages de cette maison. Le contraste est alors frappant entre les deux univers. Ce ne sont pas des idées à proprement nouvelles mais elles sont très bien élaborées et présentées. Cette scénographie ne noie pas, en tout cas, le jeu des acteurs car elle sait rester sobre et efficace. Prenons pour preuve la première scène qui est la naissance de la créature, le comédien sortant alors d’une espèce de cocon, qui essaie tant bien que mal de comprendre ce qu’il se passe, où il est et comment faire bouger son corps afin de ne pas tomber… Cette scène dure alors vingt minutes et M. Cumberbatch ou M. Lee Miller se doivent d’être captivants et vrais afin d’attirer le spectateur et ne pas le perdre pendant cet instant douloureux et perturbant. Et je trouve qu’ils ont su l’être. Le spectateur suit avec émotions, les premiers pas, les premiers sons puis les premiers mots, premières phrases et même premiers raisonnements philosophiques et moraux de la créature tout en connaissant déjà son inexorable destinée ; quand en parallèle on assiste au triomphe de l’ego du docteur et à sa chute, de même, inévitable.
En quelques mots, cette adaptation est bien réalisée. Elle est moderne, neuve et pleine d’énergie. L’échange des rôles entre Cumberbatch et Miller nous fait évidemment nous poser la question : qui est alors le monstre ici ? Le casting des quelques personnages principaux est de qualité et il est aisé d’entrer dans l’histoire, même si la langue anglaise peut représenter une barrière. Mais le théâtre c’est souvent bien plus que des mots. Ce sont des personnages, des lieux, des représentations, des émotions, qui lorsqu’ils sont justes, permettent au spectateur d’être touché et de comprendre facilement la trame de la narration.
Alors cliquez sur le lien ci-dessous pour découvrir le trailer de la pièce et laissez-vous tenter par une nouvelle pièce du National Theater tous les jeudis ! De plus, à chaque pièce son contenu exclusif sur la chaîne Youtube du théâtre. Si vous êtes frustré.e de ne pas avoir pu voir Benedict, vous pourrez alors le retrouver dans différentes vidéos présentant l’oeuvre. Alors on clique et on reste curieux !
Couverture: Minority Report, Steven Spielberg (2002)
Une machine à apparence humaine et qui servirait nos intérêts est une idée aujourd’hui bien répandue. Tâches ingrates, impossibles à l’homme mais aussi espionnage ou prostitution, la liste de ses usages ne semble pas avoir de limite. Au delà du domaine pratique, c’est le rêve de “se rendre maître et possesseur de la Nature” qui se traduit là. La machine c’est un outil fabuleux et encore plus si elle possède l’apparence et les qualités humaines poussées dans leur extrême. C’est bien là que le bât blesse. La machine, plus forte, plus intelligente et plus belle est alors “sur” humaine. Tant qu’elle reste simple exécutante, tout va bien (pour son programmateur du moins). L’avancée des recherches en IA interroge cependant notre capacité à contrôler ce monde que nous avons créée. Le cinéma, miroir des époques et de nos peurs, n’est pas en reste quant à réfléchir autour de la question depuis bien longtemps.
Une ressemblance trompeuse
L’apparence de l’androïde est la première des problématiques. Elle nous ressemble à s’y méprendre. Très vite, on se laisse abuser. C’est d’ailleurs son intérêt premier dans une mission d’espionnage. On ne peut s’empêcher toutefois de ressentir une sorte de malaise, une sensation d’étrange. L’être en face de nous nous ressemble mais elle possède un “je ne sais quoi” qui la rend lointaine voire inaccessible. Elle nous ressemble donc mais elle n’est pas comme nous et c’est ce qui la rend si instinctivement dangereuse.
Programmée par un autre être humain, elle devient arme à l’image d’un Terminator. Elle est aussi sensible aux virus et aux failles de conception ou de défense de son système.
Plus la ressemblance est poussée et son système développé et plus c’est inquiétant. Lorsqu’elle atteint une très forte autonomie, c’est une toute autre menace. Cet individu est il réel ? Où est ce un programme voire un bug ?
Le cinéma par ses choix de cadrages, costumes … peut ainsi renforcer cette impression de malaise ou au contraire nous pousser dans une direction ou une autre (ne pas différencier les androïdes des humains ou les séparer totalement). La caméra interrogeant alors cette inquiétante étrangeté de l’androïde.
Xénophobie, racisme et autres joyeusetés de l’Autre
L’androïde est problématique quant à son apparence d’inquiétante étrangeté. C’est aussi notre rapport à l’autre et au différent qui est en action ici. Réflexe somme toute instinctif que nous aurions hérité de l’âge de pierre : l’Autre fait peur. On se méfie de celui que l’on ne connaît pas et dont les intentions ne nous semble pas claires. Plus important encore, on se méfie de ce que l’on ne comprend pas. Comment réagir en cas d’attaque ? Comment contrôler si ce n’est cet autre, au moins la situation ?
A l’écran, l’androïde est donc ségrégé, utilisé voire supprimé lorsqu’il devient trop intelligent, trop autonome ou trop … humain. Que penser de la chasse au réplicant de Blade Runner ? De l’évasion d’Ex Machina ? Les exemples ne manquent pas ainsi que les parallèles avec toute autre situation hors écran.
L’androïde c’est donc une question plus que d’actualité. L’émission de Jimmy Fallon, par exemple, présente les avancées en terme de robots dans le “Tonight Robotics” tous les ans depuis 2017 prouve d’avancées remarquables. Jimmy cependant ne peut s’empêcher de sursauter lorsque le robot Sophia lui tend la main. La machine dotée d’une IA toujours plus performante est plus que jamais au coeur des débats tant scientifiques que sociologiques. C’est surtout l’occasion pour le cinéma de science fiction de faire ce qu’il fait le mieux: imaginer, émettre des hypothèses et questionner. Celui ci permet alors d’interroger notre rapport à une technique toujours plus connectée, présente et performante. Il interroge également notre rapport à l’autre et ce, dans une situation, où pour une fois, l’Humanité ne semble pas en position de force.