“Et quand il aura crevé, son enfer aura un goût de paradis”.
Sympathique comme programme non ? Bienvenue à Sin city !
De son véritable nom, Basin City (surnommée donc par ses habitants Sin City), la ville imaginée par le dessinateur et scénariste Frank Miller (Batman, 300, Robocop..) ne semble pas vraiment à une destination de rêve. La série de comics éponyme s’est arrêtée en 2000 après 9 ans de parution, elle fut toutefois très rapidement portée à l’écran. C’est dès 2005 que Robert Rodriguez présentera son long métrage Frank Miller’s Sin City en compétition officielle du festival de Cannes. Si il ne remporte aucune récompense, il recevra un accueil critique plutôt positif dans l’ensemble et sera suivi par Sin City: A dame to kill for à l’automne 2014.
Mais avant toute chose, petit point scénario : Sin City est une ville infestée de criminels, de flics ripoux et de femmes fatales. Hartigan s’est juré de protéger Nancy, une strip teaseuse. Marv, un marginal brutal mais philosophe, part en mission pour venger la mort de Goldie. Dwight, l’amant secret de Shellie, part en croisade contre Jackie Boy qui menace Gail et les filles des bas quartiers. Certains ont soif de vengeance, d’autres recherchent leur salut. Bienvenue à Sin City, la ville du vice et du péché.
Un très beau casting à base de Jessica Alba, Mickey Rourke, Bruce Willis et autres Clive Owens vient compléter ce tableau que l’on pourrait presque croire sorti de quelque geste chevaleresque où le Bien et le Mal se mènent une lutte à mort.
I°. La cinéphilie, ça n’a rien de comics ?
Fun fact, Frank Miller était assez réticent au projet lorsque Robert lui propose. La toute première scène fut d’ailleurs filmée afin de le convaincre.
Rodriguez souhaite pourtant être le plus respectueux possible de l’oeuvre et de l’auteur original. Le titre lui même en figure un bon exemple : Frank Miller’s Sin City (FR : Sin City par Frank Miller). Miller participa d’ailleurs au tournage à titre de conseil et figure d’ailleurs au générique en tant que co réalisateur. Il s’octroie de plus un rapide caméo en prêtre confesseur :
Robert indique cependant qu’il ne souhaitait pas “adapter” le comics mais le “traduire” à l’écran avec les moyens que ce nouveau média permet. Il reprend alors la bande dessinée presque case par case mais y ajoute de petits clins d’oeil bien cinéphiliques. Un goût pour l’hommage au 7e art que Robert partage avec son ami Quentin Tarantino. Celui ci va d’ailleurs venir en aide à Rodriguez au cours du tournage. Ce dernier avait, en effet, composé une partie de la BO de Kill Bill Volume 2 pour la somme de 1$ et souhaite lui rendre la pareille. Quentin va donc conseiller son ami et même diriger l’une des scènes mythiques du film.
Le sabre de la dangereuse Miho est, par ailleurs, le même que ceux des Crazy 88 dans son Kill Bill Volume 2.
Devon Aoki in Sin City (Robert Rodriguez, 2005) & Uma Thurman VS the Crazy 88s in Kill Bill: Volume 2 (Quentin Tarantino, 2004)
II°. Noir c’est noir
Tout comme la BD, le film par son ambiance, décor, rythme.. (par beaucoup de points donc) est construit comme une référence au film noir des années 50. Rodriguez, cependant, fidèle à lui même y ajoute de petites touches cinéphiliques en références aux codes des vieux films d’horreur.
L’utilisation du noir et blanc, dans le comic comme dans le film participe de ce double hommage. L’apparition de tâches éparses de couleurs hautes en lumière permet ainsi de renforcer le dramatique et la température d’une scène par le contraste qu’elle crée. On aperçoit donc un lit rouge sang au coeur d’une scène d’amour qui se révélera plus passionnelle que prévue. L’un des grands méchants est, de plus, représenté avec une peau d’un jaune si lumineux qu’il crève l’écran. Le jaune figure en effet, le traître et tout son joyeux bagage dans une grande partie de sociétés d’historique catholique depuis son association avec Judas.
Le noir et blanc structure ainsi le mouvement et l’action à l’écran.
Elijah Wood (1) & Bruce Willis (2) in Sin City (Robert Rodriguez, 2005)
III°. Le contraste ne fait pas le moine
La ville du vice (Sin City, vous suivez ?) est ainsi tiraillée entre les grandes forces du Bien et du Mal. Des meurtres, des viols, du cannibalisme et j’en passe, figurent en haut du prospectus quand on arrive en ville (vous suivez toujours ?). Ces grandes puissances, cependant, ne sont pas forcément là où l’on pense. Le noir et blanc nous rappelant, par contraste justement avec l’intrigue, que tout n’est pas si manichéen.
Jackie Boy, le distingué, s’avère finalement un représentant de l’ordre mais frappe sa copine pour asseoir sa virilité face à son petit groupe. Marv, également, et même si c’est un peu cliché, est considéré par beaucoup comme un fou dangereux et malade. Il cherche toutefois à venger le meurtre de Goldie qui l’a touché de gentillesse. Il finit par se retrouver face à Kevin/Elijah Wood face à qui il ressemble plus à un enfant légèrement hyperactif et capricieux. Si l’action fait trembler la frontière qui les sépare, on finit toujours par avoir l’indication de qui est le bon et qui est le truand. A Sin City, il est risible de chercher LA brute.
Chacun des personnages principaux ressemblent plus aux chevaliers de la table ronde. Chacun sa quête, chacun son chemin mais toujours une volonté de défendre (et principalement une femme).
L’adaptation au cinéma du Sin City de Frank Miller se regarde bien. Les adeptes de l’ambiance Tarantino/Rodriguez ne seront pas déçus. On regrette néanmoins un manque de démarcation de la patte Rodriguez. Les deux réalisateurs et amis partagent, en effet, une grande partie de leurs goûts et références. On aura, pourtant bien aimé une affirmation personnelle plus marquée, un peu plus de Dusk till Dawn ou Planet Terror. Le choix de respecter le matériau d’origine, également, est certes louable mais peut parfois sembler plus copié collé animé qu’oeuvre. On a plaisir toutefois à voir et revoir le travail monstre de Rodriguez (comme à son habitude) et ce petit côté too much parodique dans la violence.
Eh bien demandez à Ed Sheeran dans son dernier album intitulé N.6 Collaborations Project sorti en Juillet 2019, qui a décidé de (bien) s’entourer afin de sortir un opus plutôt hétéroclyte.
C’est pour cela qu’en rentrant du travail, écoutant ma radio rock préférée, que ne fut pas ma surprise à l’écoute de BLOW lorsque le speaker m’annonce le nouveau Ed Sheeran. Je tombe des nues car il faudra quand même avouer que le jeune marié Irlandais nous a habitué à de la pop, des ballades, parfois tout de même des airs hip hop ou rap mais pas un bon vieux rock qui donne envie de secouer sa chevelure de tigresse (ou de lion d’ailleurs). Alors pour ce morceau il est entouré de Bruno Mars qu’on ne présente plus et de Chris Stapleton. Ce dernier est une idole aux Etats-Unis, grand chanteur, guitariste et compositeur de country notamment. C’est avec lui que Justin Timberlake a créé Say Something en 2018, on le voit apparaître dans le merveilleux clip (tourné en plan séquence Mesdames et Messieurs ! ) réalisé par la boîte française La Blogothèque ici (le monsieur au chapeau de Cow-Boy c’est Chris):
Bref, des pointures et cela dans son album entier : Khalid, Cardi B, Camila Caballo, Eminem, 50 Cent, Ariana Grande, Skrillex, Travis Scott ou même H.E.R ! Bref, de tous styles, de toutes les couleurs, on aime ou on aime pas, on ne peut pas lui enlever son attractivité (Chanteur solo le mieux payé de l’année 2018 quand même avec pas moins de 110 millions de dollars derrière deux groupes mythiques Coldplay, U2 !)
Pour revenir au titre BLOW, même le clip nous fait rappeler les clips de Glamrock des années 70, plutôt minimaliste dans la mise en scène puisque c’est une fausse captation live du morceau, mais bien sûr léchée et travaillée dans le design des costumes, les plans, les couleurs, l’exposition choisis. Petit girl power en plus car ce sont trois actrices qui représentent les alter egos des trois chanteurs; toujours un peu étrange d’entendre des voix d’hommes sur des lèvres féminines mais elles sont magnifiques et nous donne envie de laisser échapper notre esprit rock’n’roll : sortez les cuirs, les fourrures et les clous !En bref, on sent qu’il s’est bien amusé dans toutes ces collabs que ce soit dans les morceaux ou dans les nombreux clips ! Un album bien évidemment numéro un des ventes à sa sortie aux Etats-Unis, Royaume-Uni ou encore en France. Allez jeter une oreille à l’album si vous vous en sentez même si ce papier n’est pas une promo pour Ed qui n’en a absolument pas besoin. Plutôt un billet de surprise confrontée à BLOW, qui m’a en effet soufflée de stupeur.
Netherfriends by Angie
Encore un dimanche pluvieux, avant une semaine de reprise de cours, de travail, en bref, un dimanche morose. Jusqu’à l’arrivée d’une chanson, de cette chanson : Don’t be a fuck boy d’un certain Netherfriends. Du piano, une instru Soul Trap Rnb accompagnée de parole nous poussant à profiter de la journée et de bien plus : “Give it all you got just have fun, do what you want just don’t be a fuck boy”. Une découverte plus qu’intéressante donnant à cet après-midi tristounet un rayon de soleil.
Derrière le pseudo Netherfriends se trouve Shawn Rosenblatt, producteur, songwriter et artiste basé à Los Angeles. Il s’est lancé un défi relativement impressionnant pour l’année 2019 : sortir un album chaque vendredi, soit cinquante deux albums sur une même année composé d’une dizaine de chansons. Chaque semaine, Shawn nous transporte dans un nouvel univers. Nous allons de Weeds à Songs for flowers tout en passant par Lonely as fuck, Daddy issues, Insecure as fuck, Freckles ou encore, Ghostin’, l’album de la semaine où sont écris ces lignes. Ces “thèmes” sont développés à travers une dizaine de chansons, nous exposant introduction, développement et conclusion du sujet. Ses musiques nous font voyager d’un aspect plus mélancolique à une tonalité joyeuse et dansante procurés par les différents styles musicaux mélangés (Rap, Soul, Blues, Rock Indie..) donnant notamment naissance au Blues Trap ou encore au Country Trap.
Fuck Boy on the Internet, dernier clip posté sur son site, illustre bien le contraste de l’univers de Netherfriends : Shawn, seul dans une rue, de nuit, dansant et fumant, nous invitant à lâcher prise, à nous déconnecter des réseaux sociaux ainsi que du travail pour pouvoir enfin profiter des bons moments de notre vie que le stress ronge. En résumé, une ode à la joie, une invitation à profiter de l’instant présent, de la vie réelle.
Netherfriends nous emmène dans un univers farfelu parsemé d’humour tout en abordant des sujets plus profonds, donnant une touche joyeuse à des thèmes qui le sont moins, un bon moyen de nous montrer que rien n’est tout blanc ou tout noir.
Si il est un film culte en cette saison, c’est bien, L’Etrange Noël de Monsieur Jack ! Sorti sur nos écrans en 1993, il est aujourd’hui indissociable de l’univers de Tim Burton.
L’Etrange Noël est tiré d’un poème écrit par Burton lui même et inspiré par celui de Clement Clarke Moore, La Nuit avant Noël. On notera le titre original The Nightmare Before Christmas (Le Cauchemar avant Noël, pour les non anglophones). Ce film contient à lui seul toute l’essence de l’imaginaire du petit garçon de Burbank fasciné par le cinéma d’horreur et la littérature. On y retrouve surtout les influences du jeune Tim qui l’ont très tôt poussé vers l’animation comme une opportunité de créer “un dessin en trois dimensions”.
“Il y a très peu de projets dans lesquels on se sent impliqué personnellement. J’ai ressenti ça pour Vincent et je ressens la même chose pour l’Etrange Noël de Monsieur Jack”, déclare Burton dans ses Entretiens avec Mark Salisbury.
Avant toutes choses, petit point scénario (pour ceux qui vivrait dans une grotte): Jack Skellington, roi des citrouilles et guide de Halloween-ville, s’ennuie : depuis des siècles, il en a assez de préparer la même fête de Halloween et rêve de changement. Le hasard lui permet d’entrer dans la ville de Noël dans laquelle il découvrira des couleurs et une gaieté qui l’émerveilleront.
Vincent de l’autre côté du miroir
Tim naît le 25 août 1958 à Burbank en Californie (non loin d’Hollywood et ses hauts lieux donc). D’une nature solitaire, il y grandit entouré d’une famille quelque peu dysfonctionnelle et, surtout, surtout d’un ennui mortel. Le petit Tim est cependant, déjà, doué d’une imagination extrêmement fertile qu’il va opposer comme une arme de survie à cette existence grise. Son refuge sera alors dans la lecture (Roald Dahl, Edgar Allan Poe…) et dans le cinéma de sa ville. Il y découvre notamment les films d’horreur de la Hammer, l’acteur Vincent Price (de qui il restera un fervent admirateur) et sera fasciné par les maquettes du grand manitou Ray Harryhausen (Le Monstre du Temps Perdus, Le Septième Voyage de Sinbad..).
Burton présentera d’ailleurs très vite une certaine disposition pour cet art armé d’une caméra super 8 et de tout ce qui lui tombe sous la main. Il dessine également énormément et réalisera les premières esquisses de Jack Skellington.
Lorsqu’il a 18 ans, il intègre grâce à une bourse la California Institute of Arts (fondée dans les 60s par Walt Disney lui même). Il sera par la suite engagé dans la célèbre firme grâce à son court de fin d’étude The Stalk of the Celery Monster (1979).
Les projets qui lui sont confiés l’ennuie cependant comme Rox et Rouky (1981). “Un vrai supplice”, ira t il jusqu’à dire. Il a cependant l’occasion de travailler sur le concept de Taram et le Chaudron magique (traumatisme de toute une génération, s’il en est) pour lequel il livrera quantité de recherches graphiques qui seront malheureusement rejetées. Grâce au soutien d’un petit groupe d’exécutifs, néanmoins, il se verra alloué 60 000 dollars de budget pour Vincent, un court animé image par image et hommage à son idole Vincent Price. Le film, tiré de l’un de ses poèmes, aura même la consécration de voir Vincent Price lui même en réciter le texte !
Le film sera couronné de succès auprès des festivals de Chicago et d’Annecy. Tim rempile alors avec son interprétation personnelle de Hansel et Gretel (1982). Celui ci sera cependant diffusé sur Disney Channel à 22h30, empêchant ainsi toute découverte massive, en raison de son “univers singulier et surprenant”. Il retente l’expérience avec ce qui sera la première version de Frankenweenie (1984). C’est toutefois une nouvelle frustration pour Tim car le film est très vite interdit au moins de 12 ans ce qui compromet sa place d’avant programme pour Pinocchio. Déçu, il quitte Disney pour la Warner laquelle lui propose le long métrage Pee Wee’s Big Adventure (1985) d’après le show du clown Pee Wee (interprété par Paul Reubens) bien connu de la télévision américaine. Il rencontrera d’ailleurs sur le tournage Danny Elfman qui en compose la bande originale. Le succès est là et ce malgré une critique en majeure partie négative. Il s’ensuivra les célèbres têtes d’affiches du palmarès burtonien comme Beetlejuice (1986) et Batman Returns (1989). Il fondera sa propre entreprise de production vers la fin des années 80’s afin de ne plus être freiné dans son processus créatif.
Le projet The Nightmare Before Christmas, quant à lui, est imaginé par Tim en 1982, alors qu’il est encore animateur chez Disney. Le projet est, à l’époque, refusé par la major car “trop effrayant”. C’est dix ans plus tard, que le réalisateur encore taraudé par Jack Skellington, réussira à le produire avec cette même firme à la souris (laquelle en possède les droits en raison du statut d’employé de Tim à l’époque de sa création). L’Etrange Noël de Monsieur Jack sortira alors sur nos écrans en 1993 sous le nom de Tim Burton’s Nightmare Before Christmas (FR: Tim Burton présente: L’étrange Noël de Monsieur Jack). Seule et unique occurrence de ce genre, on notera.
Image par image
L’Etrange Noël de Monsieur Jack possède une place toute particulière dans le monde de l’animation. Le film marque, en effet, un tournant dans ce domaine si particulier. Il lui apporte, d’abord, un certain nombre d’améliorations techniques. Il permet surtout d’amener un coup de projecteur sur une technique quelque peu délaissée à l’époque par les animateurs eux mêmes.
L’animation, et particulièrement l’animation en volume (ou stop motion), est un processus long et, oserait on le dire ?, difficile. Une fois le concept, la technique et le matériau choisis (dessin ? ombres chinoises ? pâte à modeler ? poupées ?), le tournage s’avère fastidieux. Un seul mouvement consiste en une série de clichés qui le décompose. C’est une fois le tout monté que l’on obtiendra l’effet escompté suivant un certain nombre de choix (vitesse, effets…).
Cette technique reste cependant très appréciée et respecté et ce, dès les débuts de l’animation. De l’avis général, on fait remonter sa première occurrence avec The Haunted Hotel (J. Stuart Blackton, 1907).
Les puristes auront reconnus le nom du créateur des Humorous Phases of Funny Faces (1906), premier film à qui on attribue communément l’utilisation du principe de l’animation (tel que l’on entend techniquement aujourd’hui du moins).
L’un des plus grand noms de cette technique reste cependant George Pal et ses Puppetoons. Issu de la contraction de “puppet” (FR: poupées) et de “toon” (FR: dessin animé), ces petites créatures ont à leur actif un nombre certain de publicités et de longs métrages à l’esthétique travaillée (et qui n’est pas sans rappeler celle de Burton). George fut l’un des premiers à utiliser des parties du corps interchangeables pour ses poupées. Des têtes différentes pour chaque expressions ou encore des bras à intervalles différents figurent une belle avancée en ce que le risque de détérioration de la poupée est moindre. Ceci nécessite cependant la création d’un nombre plus important d’objets spécifiques. Il fallait, par exemple, pas moins de 12 paires de jambes pour une séquence de marche chez les Puppetoons.
Une technique qui sera néanmoins reprise par ses successeurs et notamment Tim Burton, lequel créera avec son équipe pour les besoins de tournage pas moins de 200 têtes de Jack Skellington différentes.
“Que vois je ?!”
Un plongeon dans la cinématographie de Tim Burton, c’est comme Jack Skellington qui plonge dans le monde de Noël. On ne sait jamais ce que l’on va y trouver mais son univers est reconnaissable entre mille. “Pour moi, travailler avec Tim, nous dit Johnny Depp, c’est comme rentrer à la maison. Une maison pleine de pièges, certes, mais de pièges confortables. Très confortables. Personne ne peut compter sur des filets de sécurité, mais c’est ici que j’ai été élevé.” (Préface Tim Burton, Entretiens avec Mark Salisbury).
Tim réussit, en effet, à nous embarquer dans son univers personnel mais d’une telle façon qu’il en réveille notre nostalgie enfantine. On pourrait presque croire à un grand frère qui nous racontera une histoire de fantôme avant de dormir.
Un univers déroutant et une imagination débordante qui ne doit pas faire oublier le talent d’animateur de Tim Burton. L’Etrange Noël mais aussi Corpse Bride (FR: Les Noces Funèbres, 2006), non contents d’être de pures merveilles visuelles, apportent leur pierre à l’édifice d’une technique si dure mais tellement magique. Il est à noter que c’est au cours du tournage de Corpse Bride que Tim aura l’idée d’utiliser une nouvelle sorte de marionnettes dont la structure permet la déformation sans en altérer le matériau (ici plastique).
Un amour pour ces poupées animées qu’il exprimera encore une fois au cours de ses Entretiens avec Mark Salisbury :“Je l’aime pour des raisons indicibles, inconscientes. L’animation image par image dégage quelque chose de magique, de mystérieux, de tactile. Je sais qu’on peut obtenir un résultat similaire, voire supérieur, avec des ordinateurs, mais sans cette qualité “fait main” qui lui donne sa résonance émotionnelle, enfin pour moi. C’est peut être un effet de la nostalgie, mais je pense que ce médium véhicule toutes ces choses”.
Si l’animation reste son domaine de prédilection, son esthétique en prise de vue réelle n’est jamais éloignée de ces “dessins en 3 dimensions” et même parfois les deux cohabitent. Ce fut le cas, par exemple avec Alice au Pays des Merveilles (2010) et Mars Attack (1996) qui usent tous les deux de prises de vues réelles et d’imagerie numérique.
Tim Burton, et ce quelque soit la technique utilisée, nous embarque dans son univers horrifico coloré. Un souci du détail, une créativité débordante et, surtout, un travail acharné ont permis d’ouvrir la trappe entre l’univers burtonien et le nôtre. L’animation par bien des égards figurent l’un des seuls art animé capable d’une telle merveille.
“Pour quelles raisons l’animation fascine-t-elle ? D’abord par son caractère magique, car elle permet de donner vie à des dessins, à des marionnettes…: il s’agit d’une forme d’illusionnisme. Mais également parce que cet art, le “septième bis”, curieusement lié ainsi à celui du cinéma, art du XXe siècle prend ses sources dans tous ceux qui l’ont précédé: la peinture, la sculpture, le dessin, la musique,la danse, la dramaturgie… L’idée d’un“art total” rêvé par les créateurs d’opéra, incarnés par certains cinémas, peut se matérialiser magistralement dans le cinéma d’animation tant il se situe à de multiples carrefours” , Olivier Cotte, 100 ans de cinéma d’animation
Ah Halloween ! Ses bonbons, ses déguisements et bien sur ses films d’horreur. A l’approche du 31 octobre, Purple Haze vous propose une sélection (non exhaustive) des séries les plus horrifiques !
Les zombies :
The Walking Dead (2010)
Comment évoquer les zombies sans parler de The Walking dead. Adaptée du comic du même nom publié pour la première fois en 2003, la série prend place lorsque Rick se réveille à l’hôpital après plusieurs mois de coma (les fans du genre auront sûrement comme un sentiment de déjà vu avec 28 jours plus tard, sortie 1 an avant le début des comics) et découvre que le monde a changé. Une guerre semble avoir éclaté, le chaos règne dans les rues et c’est alors qu’il découvre avec stupéfaction que les êtres humains ont changé. Ils sont devenus des monstres. On notera que le terme de “zombie” n’est jamais employé dans la série. Rick part alors à la recherche de sa femme et de son fils à dos de cheval portant son uniforme de shérif. Sur son chemin, il va croiser des zombies et, alors que la mort semble inévitable (à tout point de vue), croise Glenn. Lequel vient à sa rescousse et lui propose de rejoindre son groupe de survivants. Dans un climat de chaos, les hommes doivent réapprendre à vivre et se réorganise ainsi en communauté.
Fear the Walking Dead (2015)
Face au succès de The Walking Dead, un spin off ne tarde pas à voir le jour. Ainsi Fear the
Walking Dead se déroule au moment où l’épidémie est propagée. Les individus ne savent alors pas ce qui se passe ni comment venir à bout de ses monstres qui semblent ne jamais mourir. Nous suivons alors le périple de Madison, conseillère d’orientation dans un lycée de Los Angeles qui élève seule ses deux enfant Alicia, élève brillante et Nick jeune un peu à la dérive qui a sombré dans la drogue. La petite famille voit d’un mauvais oeil la nouvelle histoire d’amour de leur mère avec Chris, professeur dans le même lycée et père divorcé d’un jeune adolescent Chris. C’est donc dans ce contexte que notre famille va tenter de survivre dans un monde qui sombre peu à peu dans le chaos.
I Zombie (2015 – 2019)
Plus légère que les deux précédentes, IZombie raconte l’histoire d’Olivia Moore, une étudiante en médecine qui voit sa vie chamboulée en une soirée. Elle va ainsi être transformée en zombie. A l’inverse des zombies classiques, qui perdent toute fonction cérébrale et n’ont qu’une envie, celle de nous dévorer, Olivia conserve une vie plutôt normale (à ceci près qu’elle se nourrit désormais de cerveaux humains). En effet, elle va devenir médecin légiste ce qui s’avère pratique lorsque l’heure du repas sonne. Pratique ? Et pas qu’un peu ! Cependant, à chaque fois qu’elle dévore le cerveau d’un cadavre, elle aspire les souvenirs de la personne ainsi que ses capacités physiques et mentales. Elle va plutôt mettre ses nouveaux talents au profit de la police et apporter son aide au lieutenant Clive Babineaux.
Les sorcières :
Les Nouvelles Aventures de Sabrina (2018)
Si vous avez grandi dans les années 90, vous vous souvenez sûrement de K2A. Vous savez, cette émission qui passait les samedi et dimanche matins et qui nous diffusait des séries cultes comme Phénomène Raven, Lizzie Maguire ou encore Sabrina, l’apprenti sorcière. Et bien c’est sur cette dernière que nous allons nous pencher. Force est de constater que dans cette nouvelle version de la série, notre sorcière préférée a bien changé. Exit les aventures gentillettes d’une lycéenne un peu naïve. Aujourd’hui les histoires sont plus sombres. En effet, alors qu’elle s’apprête à célébrer son 16ème anniversaire, Sabrina doit faire un choix qui chamboulera sa vie à tout jamais: soit elle décide de se faire baptiser et de devenir membre de la satanique Eglise de la Nuit, soit elle renonce et décide de passer sa vie avec les mortels mais avec des pouvoirs d’une moindre importance. À cela, s’ajoute la menace de Madam Satan qui pèse sur toute sa famille et qui tente par tous les moyens de recruter Sabrina.
Charmed (1998)
Série culte du début des années 2000, Charmed nous raconte l’histoire des trois sœurs Halliwell qui découvrent qu’elles sont sorcières après la mort de leur grand mère. Commencent alors une lutte sans merci contre les forces du mal. Prue, Piper et Phoebe vont devoir apprendre à conjuguer leur nouvelle vie de sorcière avec leur vie de femme indépendante et ambitieuse. Alors oui ! On est d’accord, il ne s’agit pas d’une série d’horreur, mais tout de même on parle de sorcières, de démons et surtout elle reste un grand classique du genre. Enfin, la série aura permis de mettre en lumière des femmes fortes et indépendantes qui n’ont pas besoin d’hommes pour sauver le monde.
Les inclassables :
Buffy contre les vampires (1997)
Autre grand classique de la fin des années 90, Buffy contre les vampires raconte les aventures d’une jeune adolescente qui se voit confier la mission de débarrasser le monde des vampires. Elle est l’Elue, la Tueuse. A ses côtés, deux jeunes un peu naïfs et pas du tout préparés à affronter ces créatures de la nuit, Alex (Xander dans la version anglophone) et Willow. Tous les 3 arpentent les rues de Sunnydale suivant les conseils avisés de l’observateur de Buffy, Gilles. La série met non seulement en avant une femme comme héroïne badass, mais elle est également une des premières à mettre en scène un couple homosexuel. De nombreux thèmes encore tabous aujourd’hui y sont représentés comme la parole d’une femme après une agression qui n’a laissé aucune séquelle physique ou encore le viol. La série met en scène une héroïne qui allie une badass attitude et une certaine fragilité. Si la série est pleine d’humour, elle n’en est pas moins sombre. En effet, Buffy doit jongler entre sa vie d’adolescente, puis d’adulte tout en conjuguant sa vie de Tueuse. Et c’est en cela qu’elle est culte.
Penny Dreadful (2014 – 2016)
L’histoire prend place dans le Londres des années 1891, alors que le ville doit faire face à d’étranges meurtres. Vanessa Ives, une jeune femme qui possède de puissants et hypnotiques pouvoirs va alors mener l’enquête. Pour l’aider dans sa tâche, elle est accompagnée d’Ethan Chandler, un homme rebelle et violent ainsi que de Sir Malcolm, un homme riche d’un certain âge. Ensemble ils vont mener l’enquête pour découvrir quelle est cette menace qui pèse sur la ville de Londres. La série nous plonge alors dans les contes et histoires d’horreur qu’on avait l’habitude de lire à cette époque. Histoires tirées des célèbres revues dites “Penny dreadful” nommées ainsi car elles coûtaient 1 penny et étaient terrifiantes.
American Horror Story (2011)
American horror story est une des premières séries à porter sur l’horreur. Chaque saison nous raconte une nouvelle histoire. Au cours de ses 9 saisons jusqu’ici, la série nous a donc fait plonger au coeur d’une maison hantée, d’un asile un peu particulier, d’un cirque, d’un coven de sorcière, d’un hôtel ou encore d’une secte légèrement réac sur les bords. Et, même si chaque saison est différente, son créateur Ryan Murphy, a reconnu certains liens entre certaines d’entre elles.
Chaque saison explore ainsi un canon horrifique différent. Les 1ère et 6ème saisons par exemple sont le théâtre d’une maison hantée. La deuxième saison (la meilleure !) est l’objet de possession démoniaque. La saison 3, quant à elle, nous plonge dans l’univers d’un coven de sorcière. Et enfin, la dernière en date (diffusé depuis le 18 septembre sur FX) titille notre corde sensible et nous embarque dans un bon vieux slasher des années 90 comme on les aime.
Comme la diversité de cette sélection nous le prouve, l’horreur n’est pas nécessairement dans la peur classique comme on l’entend habituellement. Elle n’est pas toujours synonyme de monstres, de maison hantée ou de possession. Elle se cache également dans notre quotidien. Et c’est surement là qu’elle est la plus effrayante car c’est là qu’on l’attend le moins.
Trick or treat ? La saison d’Halloween est là ! Et avec elle ses décorations, costumes et surtout, surtout, ses soirées films d’horreur. Parmi les films cultes de cette saison, on retrouve bien évidemment : Massacre à la tronçonneuse, la série des Evil Dead, des Scream ou encore La nuit des morts vivants. Des titres qui rappelleront sûrement bien des souvenirs.
Le cinéma d’horreur et affiliés connaît un essor dantesque ces dernières années avec notamment le phénomène des séries telles que American Horror Story ou Marianne.
Démons, sorcières et autres spectres peuplent ainsi des scénarios et des univers tous plus horrifico créatifs. Mais s’il est un personnage qui met beaucoup de monde d’accord c’est bien les poupées ! Qu’elles soient décor ou au centre de l’action, ces petites créatures en appellent à une peur qui, plus qu’instinctive, réveille notre intime. Deux sorties en salles lui sont consacrées en cette année 2019, le reboot de Chucky, Child’s Play: la poupée du mal par Lars Klevberg et Annabelle 3: la maison du mal par Gary Dauberman. L’occasion de s’intéresser de plus près à ces jouets pas si innocents que cela.
L’horreur sur nos écrans
Avant toute chose, petits secrets (pas si secrets) d’histoire :
L’épouvante et le cinéma ont été dès le début presque indissociables. Notons le sursaut de panique des premiers spectateurs de l’Arrivée d’un train en gare de la Ciotat (Les frères Lumières, 1896). D’abord attraction à sensation puis divertissement des masses, le cinématographe se convertit très rapidement à l’horreur via une ambiance macabre comme, par exemple, le muet Les Vampires (L.Feuillade, 1915).
C’est grâce à l’expressionnisme allemand qui le fera genre à part entière grâce à des oeuvres aujourd’hui classiques. Nosferatu le vampire (F.W.Murnau, 1922) et Le Cabinet du Docteur Caligari (R.Wiene, 1920) en tête, lesquels sont bien souvent considéré comme les premiers films d’horreur.
Le terme “horror movies” ne verra le jour qu’en 1931 cependant avec l’adaptation du roman de Bram Stocker, Dracula, par Tod Browning avec Bela Lugosi dans le rôle principal. Son producteur Universal Pictures sortira très vite deux autres films du genre qui rencontreront également un grand succès. Celui ci poussera alors la firme à produire une série d’autres films de monstres, les “Universal Monsters” (1932/1948).
Si l’horreur subie beaucoup de censure et fut notamment cible privilégiée du code Hays, son panthéon ne cesse de s’accroître d’année en année.
Il est à noter que le terme de cinéma d’horreur regroupe plusieurs sous genre. Lesquels n’appuie pas tous sur la même corde (sensible). Les choix de mise en scène mais aussi le caractère personnel de la peur influe sur notre perception à l’écran.
On distingue ainsi :
. l’épouvante qui appuie sur son ambiance malsaine
. le slasher qui met en scène un tueur psychopathe (souvent masqué) qui persécute un groupe (genre plutôt américain et qui peut s’apparenter à notre “film de psychopathe”)
. le gore et ses scènes extrêmement sanglantes et très explicites dont l’objectif est de provoquer le dégoût chez le spectateur voire, parfois, le rire assumé tant l’explicite est “gros”
. le found footage, genre récent, qui est monté (comme son nom l’indique) à partir de rushs “trouvées” et qui joue sur une apparence de réalité. Laquelle est bien souvent renforcée par un carton au début du film qui indique le caractère “amateur” des images sur lesquelles on ne voit pas grand chose mais c’est justement de là que naît la tension
Jump scare et autres peurs bleues
Le cinéma cherche à créer une émotion chez le spectateur. Dans le cas du film d’horreur, sans grande surprise, ces émotions sont la peur et le dégoût.
Selon notre très chère Wikipédia, “la peur est une émotion ressentie généralement en présence ou dans la perspective d’un danger ou d’une menace. (…) Par extension, le terme peut désigner l’appréhension liée à des situations déplaisantes ou à des animaux. Il est alors question de phobie, du grec phobos, comme notamment, la claustrophobie, l’arachnophobie ou l’agoraphobie”. La peur renvoie donc à l’inconnu, à ce que l’on ne contrôle et/ou ne comprend pas. Elle tient également une grande part de notre irrationnel et de notre inconscient.
On a soudain les mains moites, les yeux écarquillés et le coeur qui s’accélère. C’est donc un réflexe instinctif pour ce que l’on considère comme inconnu, mauvais voire potentiellement dangereux.
De nos jours, le cinéma d’horreur s’est fabriqué ses propres codes. Portes qui grincent, murmures, silhouettes dans la pénombres… autant de “tricks” qui sont devenus (trop) classiques. Des codes dont les productions usent et abusent parfois jusqu’au ridicule voire l’ennui comme le gore qui frise parfois l’overdose ainsi que le (quand même efficace) jump scare.
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les poupées
Si elle s’invite de plus en plus régulièrement sur nos écrans, la poupée a fait son entrée relativement tard dans le bestiaire monstrueux. On retrouve bien évidemment des occurrences de mannequins, golems et autres poupées vaudous depuis bien longtemps mais la possession de poupée enfantine est assez récente.
Le terme de pédiophobie (ou “peur des petits enfants”) n’est créé qu’en 1970 par Masahiro Mori, ingénieur en robotique. Il inclut ainsi, en plus de nos amis de porcelaine, les mannequins et les robots et désigne le fait que plus un robot va ressembler à un humain et plus ses imperfections vont nous sembler monstrueuses.
Lina Rodriguez McRobbie explique dans son article pour Smithsonianmag.com, The History of Creepy Dolls, que “nos cerveaux sont tellement préparés à voir des visages et à répondre aux émotions qu’ils laissent transparaître que nous en voyons partout, sur des grilles pains, des voitures…”. La peur des poupées s’apparente donc à la peur de l’inanimé ou plutôt ce que l’on y projette. Le développement de l’intelligence artificielle, Cortana et SIRI en tête, participe de ce développement horrifique.
La poupée possédée fait peur. C’est un objet inanimé et innocent. Notre compagnon d’enfance. On ne s’en méfie pas. Sa possession par un esprit démoniaque sali alors en quelques sortes ce symbole de notre pureté et d’insouciance. Tout est question de projection et de symbole donc. La poupée, qu’elle soit Barbie ou Corolle, fut bien souvent le support de nos jeux d’enfants. Qui n’a jamais joué à la dînette ou imaginé tout un tas d’histoire donnant une vie et une personnalité à ces assemblages de plastique ?
Le cinéma d’horreur possède un bestiaire des plus fournis. Grandement inspiré de la littérature, ses monstres ont fait frissonner plus d’un. La poupée, cependant, par son accroche dans notre inconscient profond s’invite de plus en plus sur nos écrans.Si l’on a rationalisé les loups garous, nos symbole d’enfance, eux, nous mène la vie dure. Bien loin de Toy Story, la poupée s’est bel et bien installé parmi les monstres sous notre lit.
Pour les plus courageux, voici une petite liste (non exhaustive) des films de poupées à voir sur votre 31 :
. Child’s Play, Tom Holland (1988)
.Child’s Play 2 : La poupée de sang, John Lafia (1990)
. Child’s Play : La poupée du mal, Lars Klevberg (2019)
. Annabelle, John R. Leonetti (2014)
. Annabelle 2 : la création du mal, David F. Sandberg (2017)
. Annabelle 3: la maison du mal, Gary Dauberman (2019)
C’est ainsi qu’Emma Larsimon présente Marianne, entité dont elle faisait des cauchemars réguliers à l’adolescence et qui est devenue sa source d’inspiration pour une saga de best-sellers d’horreur pour jeunes adultes. Auteure à succès, antipathique et torturée, Emma décide de mettre un terme aux mésaventures de son héroïne fictive Lizzy Lark combattant la diabolique Marianne et c’est en pleine promotion du tome final qu’on la découvre. Mais la séance de dédicace vire au glauque lorsqu’une amie d’enfance surgit pour lui dire que ses histoires terrifiantes deviennent réelles, et que Marianne n’est pas imaginaire. Si elle commence par renier ces aberrations, une suite d’évènements force Emma à retourner dans son village natal pour y affronter ses démons, autant au sens littéral que figuré. Sortie le Vendredi 13 Septembre 2019, Marianne est donc la nouvelle série d’épouvante de Netflix.
Pourquoi, parmi le très vaste catalogue de la plateforme de streaming, faudrait-il s’arrêter sur cette série ?
Made in France
Tout d’abord, parce que cette série est française. Malheureusement, ce premier argument pourrait en faire fuir certains (peut-on réellement leur en vouloir ?). C’est Samuel Bodin, déjà showrunner de deux séries pour OCS (T.A.N.K. et Lazy Company) qui a réalisé les huit épisodes et les a co-écrit avec le scénariste Quoc Dang Tran. À l’image de son personnage principal Emma, il a sorti la sorcière Marianne de ses cauchemars et gardé l’idée dans un tiroir en attendant un jour l’opportunité de faire un film ou une série d’horreur. Lorsque les producteurs de Netflix ont exprimé leur envie de lire ce type de scénarios, il a sans plus attendre envoyé une petite dizaine de pages racontant son histoire. D’abord refusé puis repêché, le projet Marianne a finalement vu le jour, devenant l’une des rare des séries de genre française actuelle.
* Petite définition : en cinéma et télévision, on parle de genre pour évoquer des films et séries rattachés à un style cinématographique précis tels que les films/séries de science fiction, de guerre, d’action et bien entendu d’horreur avec toutes les sous-catégories que cela implique.
Il est certain qu’avec les productions Netflix comme Marseille ou Family Business qui ont suscité des réactions très mitigées, ou notre bonne vieille Plus Belle La Vie, on a tendance à vouloir ranger toute série française en bas de notre liste des choses à voir. Mais ici on parle bien d’un style qu’on rencontre peu chez nous, et cela a de quoi interpeller.
Et puis, petite fierté pour les bretons parmi nous : la majorité de l’action se déroule dans notre bonne vieille Bretagne, dans la bourgade fictive d’Elden. Et, bien que ce lieu soit effectivement imaginaire, le tournage s’est réellement passé dans le Finistère et les Côtes-d’Armor (à l’exception de quelques scènes tournées en Ile-de-France).
La saison de l’épouvante
Marianne n’est pas seulement française, elle est aussi horrifique. Comme dit plus tôt, c’est une série de genre, appartenant à la grande famille qu’est le registre de l’horreur. Parmi ses innombrables catégories et sous-catégories, on pourrait classer Marianne dans la branche de l’épouvante, c’est-à-dire que la tension naît d’une ambiance angoissante et malsaine, remuant nos peurs profondes plutôt que de miser sur le gore comme les slashers. Avec l’épouvante, vient la notion de surnaturel qui est, bien entendu, omniprésente dans cette série qui parle de sorcellerie et de démons.
Même si c’est une émotion universelle, la peur n’est pas ressentie de la même façon d’un individu à l’autre, donc il est impossible d’affirmer avec certitude que Marianne vous glacera les os. Cependant, les codes de l’horreur comme les portes qui grincent, les murmures dans la pénombre, les silhouettes plus ou moins visibles, toutes ces énormes ficelles que l’on a vu cent fois sont ici redoutablement bien gérées. Samuel Bodin a réussi l’exercice difficile d’appliquer les règles classiques sans faire un copié-collé de déjà-vus ennuyeux. Les premiers épisodes bénéficient par ailleurs d’un véritable atout : l’actrice Mireille Herbstmeyer qui incarne une vieille femme possédée par Marianne. Sa prestation est remarquable, parfois à un cheveux de tomber dans l’excès mais ne franchissant jamais la limite. L’avantage c’est qu’on n’en fait pas d’overdose : sans trop entrer dans les détails, Marianne change d’hôte dans la série et permet un renouvellement. Ainsi, le réalisateur se détache de cet élément phare, un choix courageux lorsqu’on sait que l’angoisse du premier arc repose entièrement sur le jeu flippant de Mireille Herbstmeyer. L’audace fait justement partie des qualités de cette série. S’il existe bel et bien un fil rouge entre les huit épisodes, la mise-en-scène n’est pas identique du début à la fin. On a des scènes d’humour voire loufoques avec l’inspecteur incarné par Albin Lenoir (Kamelott), un épisode qui se passe pendant l’adolescence d’Emma avec une vibe très Stranger Things, des séquences au rythme lent permettant à la tension de traîner douloureusement et d’autres faites d’affrontements et de cascades. La diversité des tons peut ainsi donner l’impression que la série s’éparpille, mais les intentions de Samuel Bodin étaient justement de tenter des choses et d’alterner les ambiances.
Dans ces tentatives, il y a évidemment des faiblesses. Les effets spéciaux et la mise en scène sont parfois maladroits, et le jeu est, pour certains acteurs hésitants au départ. On sent qu’on cherche à trouver ses marques dans ce registre original si rarement proposé en France. Heureusement, la série trouve rapidement ses repères et on a le droit à des scènes très bien réalisées et interprétées avec justesse.
Une touche de féminisme et un peu d’émotion
Enfin, les dernières bonnes raisons de regarder Marianne, c’est son casting féminins. Ce détail a forcément été remarqué et abordé en interview — oui, en 2019 on est encore obligé de demander à quelqu’un pourquoi il y a plus de femmes que d’hommes dans ses personnages principaux… mais passons ! —, et Samuel Bodin a tout simplement répondu qu’il avait eu envie d’écrire une « histoire de femmes ».
Ainsi, l’héroïne féminine affronte une antagoniste féminine, et compte dans ses acolytes son assistante personnelle, son amie d’enfance et sa mère. Il y a des hommes bien entendu dans cette série, mais ce ne sont pas eux qui mènent la danse. Le créateur de Marianne voulait créer des personnages indépendants et forts qui se battent avant tout pour elles-mêmes plutôt que d’être des épouses ou des mères, bref les seconds rôles que l’on donne encore trop souvent aux femmes. Et puis on appréciera le caractère singulier d’Emma : antipathique, moqueuse, insolente, parfois méchante et égoïste, arrogante et alcoolo. En face d’elle, une sorcière cruelle qui investit le corps des gens et les ronge de l’intérieur, capable des pires atrocités. On a donc un duo qui est bien loin des clichés dont on affuble les femmes dans les oeuvres de fiction. Au penchant par conséquent féministe de cette série (sans que cela soit un thème abordé directement dans la narration), on peut aussi noter que ce n’est pas une simple histoire de démons qui fait “bouh” dans le noir. En racontant les aventures d’Emma Larsimon, Samuel Bodin a voulu parler du pardon. En effet, sans expliquer le pourquoi du comment que vous irez découvrir en regardant la série, Emma a coupé les ponts avec ses amis d’enfance et ses parents. La rédemption est la quête inconsciente de la jeune femme en revenant à Elden. De plus, nous abordons ici les destins entremêlés de deux femmes qui ne trouvent pas leur place : que ça soit Emma qui est une éternelle adolescente en rébellion rongée par ses regrets ou Marianne qui n’appartient ni au monde des humains et des vivants, ni à celui des démons et des morts. Ces thématiques permettent alors à Marianne de ne pas être une suite de jumpscares avec un scénario creux, mais une véritable histoire avec du relief.
Marianne: Trick or treat ?
À sa sortie, nombreux sont les médias français qui ont descendu la série. À l’inverse, elle a rencontré un accueil chaleureux à l’international : on ne manquera pas de mentionner que Stephen King, alias le maître de l’horreur, l’a encensée. Pourquoi cette division ? Mon humble avis serait que nous ne sommes pas habitués à voir de l’épouvante à la française, car même si le style de Marianne emprunte énormément aux classiques anglo-saxons, cela reste nos paysages, notre langue et notre french touch qui est à l’écran.
De plus, le genre et plus particulièrement l’horreur ne sont pas des plus populaires chez nous. Cependant, la liberté d’expression entraîne heureusement la diversité d’opinions et certains médias ont salué son audace. Nous vivons une époque où le genre revient sur le devant de la scène et connaît un renouveau : le cinéma d’épouvante et d’auteur aux États-Unis avec des films comme Hérédité, en Corée du Sud avec Un train pour Busan et plus récemment Parasite, dans les séries avec The Haunting of Hill House et American Horror Story, ou des registres plus réalistes avec Mindhunter. Et grâce à Marianne, la France participe à ce mouvement et propose son regard. L’avantage c’est qu’avec ses références aux grands classiques comme L’Exorciste, Seven, Cujo ou encore Ju-On, elle fait des clins d’oeil aux amoureux de l’horreur sans pour autant se fermer aux néophytes. Et que l’on soit un habitué ou non, on saura reconnaître que Samuel Bodin connaît et aime profondément cet univers, et qu’il s’éclate à apporter sa pierre à l’édifice, ce qui apporte toujours un petit quelque chose au visionnage malgré ses évidentes maladresses.
En résumé, je vous recommande Marianne parce que qu’elle vous plaise ou non, que vous soyez terrorisés, émus, divertis, dérangés ou déçus, quelque soit l’opinion ou l’impression qu’elle tirera de vous, elle ne vous laissera pas indifférent, parce que Marianne ne repart jamais sans rien.