Ah ! L’Afrique ! Sa savane, ses villages et ses safaris transpirent l’aventure. Cette image très romanesque ne cache pas cependant que le continent africain reste encore, en effet, bien mystérieux aux yeux de l’Occident. Et pour cause ! Citez moi un film sur ou autour de l’Afrique tourné par des africains. A moins d’être un peu calé, il y a peu voire aucune œuvre qui viennent immédiatement à l’esprit.
Une chose à mettre au clair tout de suite, il n’existe pas UNE cinématographie africaine mais plutôt panafricaine, multiple. Si celles-ci ont de la peine à s’imposer pour le moment, elles ne sont pas inexistantes pour autant…
Une industrie jeune
Le cinéma africain est encore très récent. Au Maghreb, c’est seulement après les indépendances que l’on a pu voir timidement émerger une scène autochtone. L’Afrique noire, quant à elle, subit encore les répercussions de la colonisation. Le regard et la culture africaine, largement orale, ayant été invisibilisés (coucou Nicolas Sarkozy et l’Afrique sans histoires), les cinématographies peinent à se mettre en place.
Qu’il s’agisse de l’animation ou de la prise de vue réelle, on note jusqu’ici peu de productions et surtout très peu de carrière à l’international.
Le manque d’infrastructures et des conditions économiques nécessaires ne permettent pas encore le développement d’une industrie. Le cinéma africain dépend encore largement des aides économiques extérieures.
Si un peu plus d’œuvres nous parviennent du Maghreb, les professionnels, réalisateurs, scénaristes ou acteurs, débutent souvent leur carrière en Occident et notamment en France. Gad Elmaleh ou Jamel Debbouze, par exemple, sont tous les deux des produits de l’industrie cinématographique française voire américaine. Ceux-ci n’hésitent pas cependant, et de plus en plus, à mettre en place des actions à divers niveaux pour porter le regard sur leur pays d’origine comme c’est le cas avec le Marrakech du rire initié par Jamel Debbouze.
Le continent africain dispose, de plus, d’un réseau de distribution extrêmement réduit. Très peu de salles sont implantées sur le territoire. La visibilité des regards africains passe donc grandement par les festivals comme le FESPACO, le Festival Panafricain du cinéma et de la Télévision à Ouagadougou au Burkina Faso.
Une grande partie de la population étant encore rurale, cependant, l’accès à ces événements pour les habitants est réduit d’autant plus. Des festivals itinérants ont, certes, vu le jour mais ne permettent pas encore l’accès à tous.
L’arrivée du numérique et de ses outils laisse cependant préfigurer un essor tant du domaine de la distribution que de la production.
Mais dynamique
L’essor de la vidéo a permis, en effet, une démocratisation des outils et donc des techniques créatives. Le matériel est moins coûteux que les appareillages plus classiques à la Spielberg et laisse une grande liberté de tournage. Le rendement peut alors être extrêmement rapide puisque la majorité de ces films sont tournés en 15 jours environ. Faute, cependant, d’un réseau de salles conséquent, ils sortent en grande partie directement en DVD ou via le streaming.
On voit alors s’esquisser un début d’industrie prometteuse avec notamment Nollywood au Nigéria. Il est à remarquer, d’ailleurs, que les pays francophones usent d’une démarche inspirée de la philosophie du cinéma d’auteur quand les anglophones lui préfèrent un côté plus industriel (de là à sauter en conclusion….).
Des thèmes et une autre vision de l’Afrique
Le continent n’est, malgré tout, pas absent des écrans. Il y tient, en effet, une bonne place au panthéon des mythes. Tantôt idéalisée, tantôt démonisée, la terre africaine doit principalement sa présence au cinéma au regard occidental. Des films comme Out of Africa (Sydney Pollack, 1986), Blood Diamonds (Edward Zwick, 2007), le Roi Lion (Roger Allers et Rob Minkoff, 1994) ou encore les documentaristes Raymond Depardon avec Afriques : Comment ça va avec la douleur (1996) et Jean Rouch l’ont certes mise à l’honneur mais ces œuvres restent des visions occidentales du continent.
Si les pays africains ne disposent pas en majeure partie des conditions économiques nécessaires pour permettre l’essor d’une industrie, on voit toutefois émerger ces dernières années des œuvres saluées par la scène internationale. Remarquons, par exemple, Rafiki de Wanuri Kahiu qui fut présenté au Festival de Cannes 2018 et qui dénonçait la pénalisation de l’homosexualité au Kenya.
L’appui du réseau de distribution occidental (salles et festivals) ainsi que les aides financières permettent de faire émerger récemment une voix africaine. De plus en plus d’œuvres et d’artistes sont ainsi mis en avant (doucement certes) et permettent de faire connaître le regard de cette cinématographie sur le pas de tir. Ce regard “de l’intérieur” permet alors de figurer une Afrique et ses populations sous un jour plus complexe que la version romantisée des productions occidentales. Les thèmes les plus souvent utilisés sont la violence, la guerre ou encore l’immigration ou la diaspora.
Les cinématographies africaines sont encore en plein développement. Ces dernières années ont cependant permis l’essor de quelques films notables à l’international et ce plus souvent qu’alors, ce qui laisse présager de bonnes augures pour un regard encore trop méconnu.