Couverture: Minority Report, Steven Spielberg (2002)
Une machine à apparence humaine et qui servirait nos intérêts est une idée aujourd’hui bien répandue. Tâches ingrates, impossibles à l’homme mais aussi espionnage ou prostitution, la liste de ses usages ne semble pas avoir de limite. Au delà du domaine pratique, c’est le rêve de “se rendre maître et possesseur de la Nature” qui se traduit là. La machine c’est un outil fabuleux et encore plus si elle possède l’apparence et les qualités humaines poussées dans leur extrême. C’est bien là que le bât blesse. La machine, plus forte, plus intelligente et plus belle est alors “sur” humaine. Tant qu’elle reste simple exécutante, tout va bien (pour son programmateur du moins). L’avancée des recherches en IA interroge cependant notre capacité à contrôler ce monde que nous avons créée. Le cinéma, miroir des époques et de nos peurs, n’est pas en reste quant à réfléchir autour de la question depuis bien longtemps.
Une ressemblance trompeuse
L’apparence de l’androïde est la première des problématiques. Elle nous ressemble à s’y méprendre. Très vite, on se laisse abuser. C’est d’ailleurs son intérêt premier dans une mission d’espionnage. On ne peut s’empêcher toutefois de ressentir une sorte de malaise, une sensation d’étrange. L’être en face de nous nous ressemble mais elle possède un “je ne sais quoi” qui la rend lointaine voire inaccessible. Elle nous ressemble donc mais elle n’est pas comme nous et c’est ce qui la rend si instinctivement dangereuse.
Programmée par un autre être humain, elle devient arme à l’image d’un Terminator. Elle est aussi sensible aux virus et aux failles de conception ou de défense de son système.
Plus la ressemblance est poussée et son système développé et plus c’est inquiétant. Lorsqu’elle atteint une très forte autonomie, c’est une toute autre menace. Cet individu est il réel ? Où est ce un programme voire un bug ?
Le cinéma par ses choix de cadrages, costumes … peut ainsi renforcer cette impression de malaise ou au contraire nous pousser dans une direction ou une autre (ne pas différencier les androïdes des humains ou les séparer totalement). La caméra interrogeant alors cette inquiétante étrangeté de l’androïde.
Xénophobie, racisme et autres joyeusetés de l’Autre
L’androïde est problématique quant à son apparence d’inquiétante étrangeté. C’est aussi notre rapport à l’autre et au différent qui est en action ici. Réflexe somme toute instinctif que nous aurions hérité de l’âge de pierre : l’Autre fait peur. On se méfie de celui que l’on ne connaît pas et dont les intentions ne nous semble pas claires. Plus important encore, on se méfie de ce que l’on ne comprend pas. Comment réagir en cas d’attaque ? Comment contrôler si ce n’est cet autre, au moins la situation ?
A l’écran, l’androïde est donc ségrégé, utilisé voire supprimé lorsqu’il devient trop intelligent, trop autonome ou trop … humain. Que penser de la chasse au réplicant de Blade Runner ? De l’évasion d’Ex Machina ? Les exemples ne manquent pas ainsi que les parallèles avec toute autre situation hors écran.
L’androïde c’est donc une question plus que d’actualité. L’émission de Jimmy Fallon, par exemple, présente les avancées en terme de robots dans le “Tonight Robotics” tous les ans depuis 2017 prouve d’avancées remarquables. Jimmy cependant ne peut s’empêcher de sursauter lorsque le robot Sophia lui tend la main. La machine dotée d’une IA toujours plus performante est plus que jamais au coeur des débats tant scientifiques que sociologiques. C’est surtout l’occasion pour le cinéma de science fiction de faire ce qu’il fait le mieux: imaginer, émettre des hypothèses et questionner. Celui ci permet alors d’interroger notre rapport à une technique toujours plus connectée, présente et performante. Il interroge également notre rapport à l’autre et ce, dans une situation, où pour une fois, l’Humanité ne semble pas en position de force.