Seuls siègent à la table ronde les chevaliers au cœur pur et surtout… viriles. Les femmes sont très minoritaires (disons le comme ça) parmi les légendaires gouvernants du royaume celte. L’histoire arthurienne comporte cependant une sélection plutôt garnie de femmes fortes et complexes. Ces figures féminines, donc, s’imposent et,il est bon de le mentionner, certaines de leurs actions changent même le cours de l’histoire.

Des femmes duelles et entières 

Morgane, Viviane (ou Nimue suivant les versions), Guenièvre ou Ygraine, les femmes sont plutôt bien représentées à Camelot. 

Celles-ci sont d’ailleurs loin de l’image de la pure jouvencelle de chevalerie. Morgane, demi-sœur d’Arthur, est sans doute l’une des plus célèbres. Magicienne, elle aime son frère autant qu’elle le déteste. Prêtresse de l’ancien culte, elle est souvent associée à l’île d’Avalon où elle emmène le roi mortellement blessé. Elle est souvent décrite comme malheureuse en amour et ayant des amants avec qui elle complote pour tuer Arthur. Elle est parfois présentée comme la mère de Mordred, enfant illégitime qu’elle aurait eu avec son frère et qui blessera à mort ce dernier. Ni totalement méchante, ni totalement pure, elle représente une image de la femme rebelle et indépendante.

Les brumes d’Avalon, Uli Edel, 2001

A l’inverse de Guenièvre, l’autre figure mythique de ce panthéon, qui tend à se rapprocher plutôt de la femme soumise et délicate. Une image qui subira toutefois un petit choc par son amour infidèle avec le chevalier Lancelot du Lac. Elle devient alors l’étincelle qui détruit l’équilibre. A son tour, Guenièvre est alors une figure duelle, un peu plus complexe que la princesse Barbie/Disney/vierge en détresse.

Le Roi Arthur, Antoine Fuqua, 2004

Viviane, tout comme Morgane, est une magicienne et, tout comme elle, son image oscille entre ombre et lumière. Si c’est elle qui donne l’épée Excalibur à Arthur, c’est elle également qui emprisonne Merlin dans une prison de courants d’air. 

Un panthéon féminin plus complexe qu’il en a l’air donc mais qui semble presque symboliser les différents archétypes du visage de la féminité. Suivant cette idée, Morgane représente alors la sorcière, Guenièvre, la sainte, Ygraine, la mère. Une analyse qui, toutefois, est soumise à notre regard moderne. 

Mythes et lectures

Des analyses de ces figures, il y en a eu au cours des siècles. La figure de Morgane, par exemple, subit de nombreuses altérations suivant les époques. D’abord prêtresse de l’ancien culte, elle devient sorcière malfaisante à l’apogée du christiannisme. Dans une lecture plus politisée du mythe, Morgane et la Dame du Lac, Nimue, représentent alors l’ancien culte qui tente de survivre malgré la christianisation massive des contrées celtiques. Leur rébellion symbolise alors la résistance des croyances traditionnelles face au monothéisme. Les diverses attaques de Morgane contre la table ronde deviennent alors le symbole d’un paganisme qui tente de survivre face à l’oppresseur symbolisé par la quête de l’artefact ultime, le Graal. 

Il existe de nombreuses lectures diverses des figures féminines au sein du panthéon arthurien. Les différentes versions et surtout les différentes époques traversées n’ont fait qu’ajouter des couches à leur mystère. Ce côté universel du mythe est d’ailleurs ce qui en fait une grande inspiration encore aujourd’hui. Il est encore tout à fait malléable malgré les (très) nombreuses interprétations qui en ont été faites. La légende arthurienne a ceci de plus qu’elle fait la part belle aux femmes et surtout à des femmes puissantes dont l’image ne cesse de se transformer.