À moins d’avoir passé ces 10 dernières années dans une caverne vous n’avez pas pu passer à côté de la folie qui s’est opérée autour des séries.En effet, la multiplication des plateformes de streaming (Netflix, OCS, Canal Play, Amazon Prime …) , des applications dédiées aux séries (TV Time …), et les stratégies de marketing de plus en plus élaborées à l’image de Game of Thrones ou Netflix nous prouvent que de nos jours les séries sont un véritable phénomène. Mais alors pourquoi ? Pourquoi maintenant et pas avant ? Parce que oui les séries n’ont rien de nouveau pour preuve les interminables rediffusions de Zorro sur France 3 que mes grands parents regardaient déjà dans des temps anciens. Essayons alors de comprendre comment est né un tel engouement autour du genre.
Les origines
Je vous le disais les séries n’ont rien de nouveau. Si l’on s’intéresse uniquement à la télévision, il faut remonter à la fin des années 1940 et les débuts de la télévision commerciale aux États-Unis pour voir apparaître les premières séries. Cependant, si on prend seulement le terme de série au sens large son origine est dans ce cas beaucoup plus ancienne. Le roman feuilleton date de l’année 1836 avec les nouvelles de Maupassant, Balzac ou encore Charles Dickens. Si le genre est à l’époque critiqué, il va ouvrir la voie au feuilleton audiovisuel.
Dans les années 1910, Pierre Souvestre et Marcel Allain donnent naissance au personnage de Fantômas sous la forme d’un feuilleton littéraire. Il rencontre un tel succès qu’il est adapté au cinéma avec dans les rôles principaux Louis de Funès et Jean Marais.
Les débuts des séries peuvent principalement être imputés à la littérature mais, la radio n’est pas en reste. En effet, au début des années 1930 la radio s’essaye au soap opéra. Ces séries sont alors sponsorisées par des marques de savon (le mot soap signifiant savon en anglais) et ont pour objectif de prendre dans leur filet la fameuse ménagère américaine. On retrouve alors tous les codes qui régissent les séries d’aujourd’hui : des rebondissements, des coups de théâtre et des fins d’épisodes qui laissent l’histoire en suspens donnant inévitablement envie au spectateur de connaître la suite et créent donc l’attente. Peu à peu le genre va se développer et se démocratiser à la télévision.
En pleine période de l’âge d’or des séries télévisées (le premier), 1959 pour être précis « La quatrième dimension », fait son apparition. Elle dépeint la société de manière assez philosophique. Chaque décennie suivante connaîtra alors son lot de séries à succès. Entre 1960 et 1970, la télévision est de plus en plus présente dans les foyers américains. Les séries vont donc se multiplier à l’image de « Ma sorcière bien aimée », « Star Trek », « Columbo » ou encore « Mission impossible ».
Même si l’effet de mode tarde à traverser l’Atlantique, l’Europe n’est pas en reste quant à la production de série. Ainsi, dans les années 1960 la France voit naître des « Belphégor » ou encore « Janine Aimée ». Nos amis britanniques, quant à eux, sont les premiers véritables concurrents des américains, avec les cultissimes « Chapeau melon et bottes de cuir », « Doctor Who » et « Le prisonnier ».
Le deuxième âge d’or
Si les premières séries font leur apparition dans les années 1940, il faudra cependant attendre 1997 pour voir les séries se développer de manière significative. C’est avec la chaîne américaine HBO que le genre va peu à peu donner un nouveau visage à la télévision. Le fait que celle-ci soit payante lui confère une certaine indépendance dont les chaînes classiques ne disposent pas. HBO va donc commencer à produire des séries aussi géniales que dérangeantes et qui cassent les codes de la télévision. Naissent alors les géniales « Oz », « Sex and the city », « Les Soprano », « The Wire » ou « Six feet under » pour ne citer qu’elles. Le succès est tel que les autres chaînes du câble se lancent dans l’aventure et proposent à leur tour des séries plus audacieuses comme « Nip/Tuck » sur FX, ou « Weeds » et « Dexter » sur Showtime. https://www.youtube.com/watch?v=zeKBCXL5ys8
En France, même si les années 1980 ont leur lot de séries à succès telles que Dallas, le genre se démocratise également en 1997 grâce à la cultissime trilogie du samedi qui a bercé mon enfance sur M6. Grâce à la chaîne française nous avons pu découvrir des séries américaines telles que « X-Files », « Charmed », « Stargate SG1» ou encore « Buffy contre les vampires ». Le phénomène ne fera alors que croître et les années 2000 verront éclore de nombreuses séries qui resteront cultes comme « Desperate Housewives »,« Dr House », « Lost », « 24 Heures chrono » ou encore « Les experts ».
L’ère du numérique
Mais c’est surtout à l’ère du numérique que les séries se développent et prennent une réelle ampleur. L’expansion du numérique et de l’instantanéité de nos modes de consommations provoquent une multiplication des séries et de leurs canaux de diffusion. Les séries ne se regardent plus uniquement devant un seul écran. Aujourd’hui, on peut regarder un épisode devant son écran d’ordinateur, sur sa tablette ou même sur son téléphone.
Pour preuve l’épisode interactif de Black Mirror qui permettait aux spectateurs de décider, via leur téléphone, de la suite des événements. Ou encore les applications qui permettent d’organiser ses séries, d’être tenu au courant de la date de diffusion des prochains épisodes, et découvrir de nouvelles séries. C’est le cas de l’application TV Show Time.
À cela s’ajoute la multiplication des séries. Tous les ans des centaines de séries sont diffusées le choix est donc vaste et grâce aux plateformes de streaming légales (Netflix,OCS…), ou illégales, les saisons peuvent être regardées d’une traite. De cette pratique est né ce que l’on appelle le binge watching.
En effet, Netflix est devenu un géant de l’audiovisuel avec des séries à succès produites aux États-Unis, en France, en Espagne, en Italie, bref partout dans le monde. La plateforme permet aux séries de dépasser les frontières. Les américains qui, d’habitude, inondent nos écrans avec leurs séries, découvrent à leur tour les séries européennes et se retrouvent victimes du phénomène espagnol “La Casa de Papel”. La série est un tel succès qu’elle reçoit le prix de la meilleure série de l’année lors des Emmy Award de 2018, devenant ainsi la première série espagnole à remporter ce prestigieux trophée.
La plateforme permet donc aux pays européens de rentrer en concurrence avec les pays anglo-saxons qui d’habitude règnent en maître sur l’univers audiovisuel.
La représentativité dans les séries
La série est un véritable phénomène de société et cette société justement, elle s’emploie à la dépeindre de toutes les façons possibles.
L’anglaise Skins, nous raconte le quotidien de jeunes un peu paumés auprès desquels il est facile de s’identifier à l’inverse de la série Gossip Girl qui nous dresse le portrait d’une jeunesse dorée. Car c’est ça aussi le secret du succès planétaire des séries, leur capacité de permettre aux spectateurs de se reconnaître.
Qui ne s’est jamais senti concerné par la scène qui se déroulait devant nos yeux. Qu’il s’agisse d’une scène de rupture, de perte douloureuse, d’une soirée complètement imprévisible ou tout simplement de purs moments de joie, on s’est tous identifiés au moins une fois aux personnages et aux situations de nos séries favorites. Pour prendre exemple sur une excellente série, combien de fois il m’est arrivé de me dire face à une situation du quotidien « tiens c’est comme dans cette scène d’ « How i met your mother » ». Ou encore la fin du lycée, qui signifiait une période de transition énorme pour la jeune fille que j’étais à l’époque, mes personnages favoris des « Frères Scott » vivaient à ce moment la même situation que moi et passaient par les mêmes émotions.
De nombreux comptes sur les réseaux sociaux reprennent des citations venant de différentes séries. Des citations dans lesquelles on peut s’identifier. Ce sentiment d’appartenance est encore plus présent aujourd’hui à l’heure de la représentativité des genres, des religions, des cultures … Et ça, les scénaristes l’ont très bien compris. À l’image de Shonda Rymes la célèbre showrunner américaine des séries à succès Grey’s Anatomy, Scandal et How to Get Away With Murder. Shonda, en effet, a mis un point d’honneur à ce que chaque communauté, chaque genre, orientation sexuelle et religion soient représentés en mettant un accent un peu plus prononcé sur « le girl power » voire même le « black girl power ».
Le développement des séries françaises
Les américains sont incroyablement prolifiques en matière de création de séries et leurs projets inondent nos plateformes chaque année. Cependant, la France n’est pas en reste. En effet, elle a saisi l’importance et l’enjeu autour des séries. C’est surtout grâce à la politique ambitieuse de Canal + que le genre se développe dans notre pays. En 2005, « Engrenages » va ouvrir la voie aux autres séries. S’ensuit alors de nombreuses créations françaises produites par Canal + dans un premier temps comme « Le Bureau des légendes », ou encore « Versailles ». D’autres groupes tels que France Télévision vont produire leurs propres séries comme « Dix pour Cent » laquelle nous peint d’ailleurs l’envers du décor de la production audiovisuelle. Ou encore TF1 et son adaptation du roman de Joël Dicker « L’affaire Harry Quebert ». Plus récemment, c’est le géant Netflix qui a décidé d’investir en France et de créer ses propres fictions françaises. Nous avons donc pu observer les relations de différents individus dans « Plan Coeur » ou encore les histoires politiques d’un maire en fin de carrière dans « Marseille » Et enfin M6 avec la génialissime Kaamelott qui va d’ailleurs bénéficier d’une suite au cinéma.
La reconnaissance
La série est aujourd’hui un genre à part entière et si, à l’origine un acteur commençait sa carrière dans une série dans le but de propulser sa carrière au cinéma de nos jours la frontière entre grand et petit écran n’est plus aussi imperméable.
En effet, à l’instar de Georges Clooney qui a lancé sa carrière dans la cultissime Urgence, de nombreux acteurs se tournent aujourd’hui vers les séries. C’est le cas de Glenn Close, Kevin Spacey ou plus récemment Julia Roberts et Nicole Kidman. D’autre part, si la mode était à l’origine d’adapter des séries au cinéma, le phénomène est s’inverse de nos jours. De plus en plus de films sont adaptés pour le format télévisuel.
Preuve ultime de la reconnaissance du show business et encore plus du numérique, Netflix pourra faire concourir ses films lors de la prochaine cérémonie des Oscars en 2020. Le numérique semble être la suite logique de l’audiovisuel. Reste à savoir si les deux peuvent cohabiter ou si l’avènement de l’un entraînera la chute de l’autre.
Affaire à suivre …