#Explociné: Extraterrestre/ La cohabitation

#Explociné: Extraterrestre/ La cohabitation

Sur une idée originale de Maureen Temporel

Dans les 70’s et 80’s, dans le même temps que lʼarrivée des films traitant la rencontre Humanité/ Extraterrestres, on assiste à l’arrivée de films dans lesquels lʼespèce terrienne et les autres formes de vie cohabitent ensemble dans ce vaste territoire quʼest lʼUnivers.

On observe alors la montée en puissance de l’idée d’une Fédération. Illustrée dans nombre de films à succès, elle rencontre un rapide succès auprès du public et des scénaristes. Celle ci traduit la tendance contemporaine pour un idéalisme fort, un monde sans guerre et des populations unies derrière une seule nationalité sans discrimination d’espèce.

Cette vague d’optimisme est fortement liée à la forte médiatisation du programme Apollo et des suites que pourrait avoir la Conquête spatiale. La multitude de témoignage autour des UFO à cette époque témoigne également de cet intérêt grandissant pour l’exploration spatiale et, surtout, l’accueil de la différence.

On observe également le succès des comics adaptés de plus en plus souvent sur grand écran. Comics dans lesquels nombre de super héros (et leur némésis, les super méchants) viennent d’autres planètes voire galaxie, soit dit en passant.

Saga Star Wars, réalisateurs multiples, 1977 – 2019 

https://www.youtube.com/watch?v=g6PDcBhODqo

Saga Star Trek, réalisateurs multiples, 1979 – 2016 


Dune, David Lynch, 1984 


Men In Black, Barry Sonnenfeld, 1997


Le cinquième élément, Luc Besson 1997 

#ExploCiné: Extraterrestre/ Films & Envahisseurs (1/4)

#ExploCiné: Extraterrestre/ Films & Envahisseurs (1/4)

Films et envahisseurs

Sommes nous seuls dans l’Univers ?

Question éternelle à laquelle aucune réponse fixe n’a été apportée à ce jour, elle a travaillé bien des esprits.

L’Humanité depuis toujours imagine des races autres que la sienne qui peupleraient le monde dans lequel nous évoluons. Dans l’Antiquité, on parlait de dieux et de titans, et puis les sciences nous ont fait découvrir un ciel en constante expansion avec d’autres planètes que la nôtre orbitant autour d’étoiles semblables à notre Soleil. C’est alors qu’on a commencé à parler des hommes verts, des habitants de la Lune, des martiens ; en bref, des extraterrestres.

Comme avec tous les sujets qui fascinent, le cinéma s’en est emparé. Les films de science fiction peuplés d’extraterrestres sont apparus en nombre dans les années 1950, mais en réalité les créatures célestes sont là depuis le tout début du 7è Art : en 1902, dans Le Voyage dans la Lune de George Méliès, les héros rencontrent les sélénites, habitants de la Lune en atterrissant sur celle-ci.

Plus d’un siècle après leur premier rôle à l’écran, les extraterrestres ont été imaginés et traités sous maintes et maintes formes.

Episode I : Humains VS Extraterrestres

Impossible de parler d’extraterrestres sans avoir le mot « envahisseurs » dans un coin de la tête. En effet, nous leur avons très tôt donné le rôle d’hostiles colonisateurs ayant traversé l’espace pour venir éradiquer l’Humanité et profiter des ressources terrestres. Bien entendu, toute ressemblance avec des faits historiques est totalement fortuite… En réalité, pas du tout. On sait bien que le cinéma reflète souvent le mal de son époque.

Dans les années 1950, la phobie de l’invasion qui a par le passé tourmenté bien des nations est à son comble. Les deux blocs Etats-Unis et URSS mènent la Guerre Froide, et les cinéastes américains s’emparent de cette peur de l’envahisseur (consciemment ou non) en donnant le mauvais rôle aux extraterrestres. Plus forts, plus avancés, en soucoupe ou d’apparence humaine, les aliens ont de nombreuses fois tenté d’envahir la Terre de stratégies diverses et variées. On vous propose de redécouvrir les grandes guerres Terriens VS Extraterrestres à travers onze films cultes.


La Guerre des Mondes / War of Worlds, Byron Haskin (1953) et Steven Spielberg (2005)

Les extraterrestres de notre imagination viennent d’un peu partout dans l’univers mais nos voisins favoris restent les martiens, avec lesquels nous n’avons pas toujours entretenu des relations pacifistes.

En 1898, le célèbre auteur de science-fiction H.G.Wells publie La Guerre des Mondes où les martiens envahissent la Terre. En 1953, Byron Haskin réalise la première de nombreuses adaptations de ce roman, du même nom. En 2005, Steven Spielberg a transporté l’histoire à notre époque et a transformé le protagoniste solitaire de base en père de famille raté (leitmotiv du réalisateur).

Les deux versions ont d’intéressant que chacune est une métaphore de menace différente. Les extraterrestres de la version 1953 pourront être vus, remis dans le contexte de Guerre Froide, comme une peur de l’invasion soviétique. La version des années 2000 quant à elle fait plusieurs allusions discrètes mais poignantes à l’Holocauste et au attentats du 11 Septembre : les personnages pulvérisés en cendres, les vêtements des défunts qui défilent dans la rivière. On pourrait remonter plus loin et rappeler que le roman fut écrit et publié peu de temps après la Guerre de Sécession américaine, où Nord et Sud tentèrent de s’entretuer, voulant gagner le contrôle sur le territoire l’un de l’autre. Une invasion martienne certes, mais pas moins une image d’invasion humaine.


L’invasion des profanateurs de sépultures / The Body Snatchers, Don Siegel, 1956

Dans ce film-ci, les extraterrestres ne débarquent pas à grand coups de soucoupes volantes et d’explosions, mais de façon beaucoup plus sournoise. Pendant la nuit, ils s’emparent des corps humains, les transformant en êtres sans émotions et se propageant comme un fléau.

À l’époque de sa sortie, le film fut bien sûr vu comme une métaphore de la peur du communisme. Les extraterrestres étaient les soviétiques communistes tentant de contaminer le monde entier. Avec le recul, plusieurs personnes ont alors pensé que c’était tout l’inverse : au lieu de critiquer le communisme, ce film critiquait le McCarthysm. En effet, le film est sorti pendant la période où le sénateur McCarthy censurait et condamnait les personnes soupçonnées d’avoir des affinités avec l’idéologie communiste. Bon nombre de personnalités du milieu du cinéma souffrirent de cette chasse aux sorcières et essayèrent de la dénoncer via leur film, dont peut-être celui-ci.

Une interprétation plus simple fut apportée par le réalisateur lui-même : pour lui, le film parle avant tout des responsables des studios qui charcutaient les scénarios à des fins commerciales.

Après tout ça, la meilleure façon de se faire une opinion sur ce que raconte en seconde lecture L’invasion des profanateurs de sépultures est quand même de regarder ce qui est devenu un film culte du cinéma de science-fiction. 


Invasion Los Angeles / They Live !, John Carpenter, 1988

Musclé, chevelure fournie des années 80, solitaire, désagréable mais un peu séducteur quand même, l’anti-héros parfait typique de John Carpenter est notre personnage principal pour ce film de science fiction. Il se retrouve par accident en possession de lunettes de soleil un peu hors norme : lorsque le protagoniste les met, il peut alors voir que derrière les panneaux publicitaires se cachent des messages d’asservissement : « Obéissez », « Consommez », «Conformez-vous », « Restez endormis ». Il se rend aussi compte avec horreur que certains humains ne sont pas ce qu’ils ont l’air d’être, mais on vous laisse découvrir leur apparence en regardant le film.

L’idée est la suivante : des extraterrestres ont pris forme humaine et gouvernent le monde en nous abrutissant grâce à des signaux subliminaux diffusés via les panneaux, les magazines, la télévision… 

Inspiré de ces théories du complot où les extraterrestres auraient pris le contrôle des masses, le film livre une critique totalement assumée du gouvernement américain et du capitalisme. L’alien, au départ envahisseur venu d’ailleurs, s’utilise de plus en plus comme critique de l’envahisseur intérieur avec l’émergence de la méfiance à l’égard des gouvernements.

Fait intéressant : le propos de Invasion Los Angeles est encore bel et bien d’actualité, peut-être même plus qu’à l’époque de sa sortie…


Independence Day, Roland Emmerich, 1996

Extraterrestre, invasion, guerre. Bien sûr qu’on ne pouvait pas parler de tout ça sans passer par Independance Day.

Le scénario ne réinvente rien : des aliens débarquent sur Terre en soucoupes volantes gigantesques, se placent au-dessus des plus grandes villes et commencent à les détruire. L’objectif ? Coloniser la Terre, comme ils l’ont fait avec d’autres planètes. Rien de très original jusqu’ici.

Drôle et léger, Independance Day est souvent critiqué pour sa glorification excessive des États-Unis. Beaucoup de gens retiendront le discours du Président américain, la bataille finale avec maintes explosions et le fait que la guerre contre les extraterrestres est remportée le 4 Juillet, date de la fête nationale américaine et anniversaire de leur Indépendance. Ce qui est amusant cependant quand on le regarde, c’est de noter que (attention spoiler, même si nous estimons qu’il y a prescription) ce n’est pas l’armée américaine qui sauve réellement le monde.

C’est un scientifique écolo juif joué par Jeff Goldblum et un pilote afro-américain marié à une strip-teaseuse qui parviennent à pénétrer le vaisseau mère pour désactiver de l’intérieur son bouclier, et un ivrogne qui réussit le tir qui le fait exploser (là où le Président s’est raté). Pour l’époque, le réalisateur a eu du courage en faisant des trois sauveurs de l’Humanité tout ce que la société puritaine rejète !


Mars Attack !, Tim Burton, 1996

https://www.youtube.com/watch?v=ukTX26ca9gU

Dans ce film-ci, la Terre se fait attaquer par… les martiens, pour changer ! Ils atterrissent même au Nevada. Arrivant avec un message de paix, ils déclenchent l’euphorie chez la population qui est heureuse de les accueillir. Sauf que, comme tous bons aliens qu’ils se respectent, ils sont en réalité venus nous envahir.

Jusqu’ici, pas de palme de l’originalité. Jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’il s’agit d’une parodie des films de science-fiction des années 50. Tim Burton, qui a grandi avec ce cinéma là, le tourne en dérision à l’extrême, que ce soit dans l’esthétique comme dans la narration, jusqu’à la résolution qui sauve l’Humanité de son éradication.


Starship Troopers, Paul Verhoeven, 1997

Dans un futur lointain, les pays de la Terre se sont rassemblés sous la Fédération Terrienne, qui explorent et colonisent des planètes. Sur l’une d’elle ils se retrouvent face à la civilisation des Arachnides qui leur résiste, déclenchant ainsi une guerre interstellaire. On suit des jeunes soldats dans cet affrontement très gore, une violence que l’on connaît au réalisateur Paul Verhoeven (Total Recall, Robocop).

Adapté du roman Étoiles, garde à vous ! de Robert A.Heinlein, le film prend le contrepied du roman pro-militariste en proposant une critique acerbe du fascisme et de l’impérialisme américain. En effet, les héros servent de chair à canon et sont motivés à faire partie de l’armée à cause des privilèges accordés à ceux qui acceptent de suivre leur service militaire, obéissant aux ordres des responsables dont le costume est inspiré de ceux de la Gestapo…

Désormais, nous sommes les envahisseurs, et pas seulement de façon métaphoriques comme dans les films précédents où les aliens sont souvent des images des humains. Dans Starship Troopers, l’Humanité est la menace, au même titre que les créatures arachnéennes. Un film devenu culte à son tour car, sur fond de massacre assourdissant, il a su bouleverser les codes.


Cloverfield, Matt Reeves, 2008

Une bande d’amis à New York célèbrent le futur départ de l’un d’eux au Japon. La soirée vire au cauchemar lorsque la ville se fait attaquer. La menace n’est pas immédiatement identifiée, jusqu’à ce qu’on aperçoive la silhouette d’un immense monstre.

Ici, on renoue avec la bonne vieille formule de l’extraterrestre venu détruire la Terre. Sauf que ce n’est pas sur le scénario que joue Matt Reeves mais sur la réalisation : Cloverfield est tourné en found footage. C’est à dire qu’il est filmé comme si l’un des personnages du film avait enregistré toute l’action sur sa caméra dont on retrouvait les vues.

Anxiogène et immersif, Cloverfield nous met réellement à la place des envahis de part sa narration.


District 9, Neil Blomkamp, 2009

Un immense vaisseau s’immobilise au-dessus de Johannesburg. Les aliens ne viennent pas pour nous envahir, mais plutôt par accident, et sont alors considérés comme des réfugiés. Le gouvernement les place sous la responsabilité de la multinationale MNU, qui les entasse dans un bidonville et cherche à voler et utiliser leur armement. Un agent de la MNU chargé de faire se déplacer les populations extraterrestres se retrouve contaminé par une étrange substance et doit se réfugier auprès de ceux qu’il a aidé à persécuter.

District 9  s’attaque au douloureux sujet du racisme et de la xénophobie au travers de ce qui est infligé aux extraterrestres. Le sort qui leur est réservé est inspiré de faits réels puisque le réalisateur s’est basé sur l’Apartheid qui séparait les blancs des noirs en Afrique du Sud et dans d’autres pays alentours.

Très puissant, ce film place lui aussi les humains en tant qu’antagonistes mais sans leur donner le rôle d’envahisseurs. En plus de traiter du passé, il dénonce également les problèmes liés à l’immigration qui sont toujours d’actualité, dix ans après la sortie du film.

Neil Blomkamp signe un premier long métrage avec une réalisation névrosée et un jeu d’acteur très juste dans un univers en autodestruction.


Avatar, James Cameron, 2009

On ne pouvait bien sûr pas parler d’affrontement humains contre extraterrestres en passant à côté d’Avatar.

2154, Jake Sully, ancien marine paraplégique arrive sur la lune Pandora, dans le système stellaire d’Alpha Centauri A. Comme il possède le même génotype que son frère jumeau décédé, il est recruté pour prendre part au programme Avatar qui consiste à posséder des corps semblables à celui des autochtones humanoïdes, les Na’vis afin de pouvoir évoluer sur Pandora et dialoguer avec eux. Le véritable objectif pour la plupart des humains est surtout de récupérer et d’exploiter les ressources de la planète. Jake se retrouve au coeur du conflit entre les Na’vis et les humains qui se battent, les uns pour préserver leur habitat, les autres pour y creuser d’immenses mines.

Nombre de personnes y ont vu une critique du sort réservé aux Natifs américains par les européens à leur arrivée sur le Nouveau Monde, pointant d’ailleurs d’un doigt moqueur les similitudes entre Avatar et l’histoire de Pocahontas (plutôt la version Disney). Le parallèle est totalement légitime, mais James Cameron voulait aussi dénoncer des faits plus actuels puisqu’il s’est inspiré de la situation en Amérique du Sud où les gouvernements détruisent peu à peu l’Amazonie et les personnes qui y vivent au profit de l’exploitation de ses terres.

Au-delà de ce message politique, Avatar aborde aussi les liens entre science et religion avec les croyances des Na’vis qui vénèrent un être biologiquement réel, Ewa. On apprécie aussi toujours la tendance féministe du réalisateur qui montre le déséquilibre de la civilisation humaine patriarcale, opposée à celle des Na’vis où les hommes et les femmes sont égaux et commandent ensemble.


Ce n’est pas en 10 films que l’on peut résumer plus d’un siècle d’invasion… Les extraterrestres nous ont attaqué via d’autres formes inventives et bien des films auraient pu être cités comme Transformers où ils se métamorphosent en voitures, Pacific Rim où ils émergent d’une brèche sous l’océan, ou encore l’intéressant Oblivion et ses aliens manipulateurs. Nous avons vu qu’à travers ces films, les extraterrestres permettent d’exorciser notre peur de l’autre et de se faire attaquer. Lorsqu’on regarde tous ceux que les aliens ont servi à représenter, on se rend compte que les extraterrestres sont, et ont toujours été, des humains.

#ExploCiné: Masque/Eyes Wide Shut, sexe, alcôve et pouvoir

#ExploCiné: Masque/Eyes Wide Shut, sexe, alcôve et pouvoir

Dernier film de Stanley “controlfreak” Kubrick, Eyes Wide Shut est également l’un des plus nébuleux. Stanley est connu, il est vrai, pour ses oeuvres plutôt conceptuelles. EWS traîne, en plus, une réputation d’oeuvre inachevée. Le réalisateur, en effet, connu pour ses retouches de dernière minute, décède quelques mois avant sa sortie. C’est d’ailleurs sur la base du doute qui entoure son statut d’oeuvre complète que la critique s’empresse de dénigrer le film au moment de sa sortie. Ce n’est qu’un peu plus tard qu’il acquiert ses lettres de noblesse. 

La place centrale que tient l’érotisme dans son esthétique, également, n’est certes pas pour ravir la majorité. D’aucuns y ont vu, d’ailleurs un film vulgaire et lent. Il n’en est rien (pour la vulgarité tout du moins). Le film, tourné entre novembre 1996 et janvier 1998 en Angleterre est l’adaptation sur écran de La Nouvelle Rêvée d’Arthur Schnitzler. Mouvements de caméra fluide, plans travaillé, le goût prononcé pour la (magnifique !) composition de son photographe de réalisateur est au rendez vous. L’intrigue, quant à elle, reste fidèle à l’oeuvre originelle mais renferme des trésors de symbolisme kubrickien une fois transposée à l’écran. 

Domination et féminisme 

L’érotisme, on l’a dit, tient une place toute particulière dans EWS. Femmes nues et prostitution côtoient les, plus discrètes, caresses conjugales. Le sexe est présent dans les dialogues et est au coeur même de l’intrigue en ce que Bill ne peut se départir des confessions de sa femme. La caméra se fait voyeuriste et entraîne le spectateur au coeur de l’intimité de la famille Hartford. 

La revue Positif pointe cependant, dans un article titré “Le secret de la Pyramide”, une signification beaucoup plus sérieuse qu’un simple rincement d’oeil. Eyes Wide Shut se fait  alors résolument féministe. Domino, la prostituée, la jeune fille du magasin de costumes et même Alice, les personnages féminins sont ici toujours placés sous le joug de la domination masculine. La scène de la cérémonie secrète renferme alors tout le symbolisme de cette interprétation. Le cercle de femmes cristallise ainsi les abus subit par le “beau sexe”. Les masques représentent alors la dissociation de ces femmes des abus qu’elles ont pu subir et surtout le caractère systématique de ces derniers.

La présence de nombreux colliers ras du cou chez les personnages féminins serait un indice de plus pour signifier ce statut d’esclave de la gente masculine. 

Le personnage d’Alice Hartford, surtout, fait l’objet d’un traitement tout particulier. La jeune mère de famille avoue, tout d’abord, à son mari ses penchants adultères et met ainsi la lumière sur les désirs féminins. “J’aurai abandonné famille et maison sur le champ”, dit elle. Une réaction qui est bien loin du cliché de la mère de famille parfaite qu’elle enseigne à sa propre fille. La scène du cours de math au cours de laquelle elle lui apprend à compter les revenus de personnages fictifs masculins est édifiante. La femme est belle, s’occupe des enfants, des comptes et est, surtout, vénale.

Une théorie répandue serait qu’Alice, elle même se soit retrouvée dans le rôle de la victime d’abus physique (en plus du carcan moral s’entend). Celle ci est corroborée par la symétrie des plans d’entrée du film (Alice qui se déshabille) et du cercle de femmes (qui se déshabille presque en miroir).  

L’apparition du masque dans le lit conjugal appuie également cette interprétation. Les révélations des derniers jours ont permis à Bill d’ouvrir les yeux sur le genre féminin et principalement sa femme qu’il prenait pour acquise. Le masque est tombé, il la découvre enfin. La (fameuse) dernière réplique du film appuie alors la réappropriation de sa sexualité par une femme oppressée par le préceptes d’une féminité qui lui est étrangère. 

“Vous dites que c’est une farce ?!”

Le centre de l’intrigue c’est la cérémonie. Chorégraphiée au millimètre, des psalmodies inversées, des symboles de partout, c’est l’ordre qui tente de contenir le chaos. 

L’auteur du Da Vinci Code (2000), Dan Brown, déclare, by the way, que Kubrick lui aurait inspiré son portrait des sociétés secrètes. 

Les participants après un important cérémonial laisse donc libre cours à leurs passions. Cette catharsis parfaitement orchestrée reste toutefois à visage couvert. Le masque est libérateur. Une fois revêtu, l’identité disparaît. Les passions peuvent alors se déchaîner sans retenue qu’elle soit sociétale ou personnelle. 

Les membres de cette société secrète kubrickienne, d’ailleurs, ont d’autant plus besoin du masque qu’ils figurent les grands du monde “réel”. “Je ne pense pas que vous réalisiez dans quel pétrin vous vous êtes fourré la nuit dernière. Que pensez vous avoir vu ? Ce n’était pas de simples gens ordinaires. Si je vous dis leur nom, et je ne le vous dirai pas, mais si je le faisais, je ne pense pas que vous passeriez une bonne nuit.”, crie Ziegler à Bill lorsque celui ci commence à fouiner un peu trop. 

Les réunions des riches et puissants de ce monde, objet de nombreux fantasmes et théories, continuent, en effet, de fasciner les profanes non autorisés à pénétrer les arcanes du pouvoir. On notera d’ailleurs pour la petite parenthèse histoire que de telles réunions masquées et costumées ont largement eu cours au sein des différentes cours d’Europe et le sont encore dans les cercles les plus sélectifs. 

Pouvoir 

L’objet principal de l’intrigue semble toutefois les jeux de pouvoir tout animal qu’ils puissent être. La société secrète n’est qu’un prétexte pour illustrer la vie underground, les bas fonds d’une société régie par une classe fermée aux non initiés. L’ordre imposé au cours de l’événement permet alors de légitimer les pulsions universelles. Plus encore, c’est l’individu confronté à la société et ses principes qui est, par miroir, figurée ici. Les relations hommes/femmes, les puissants et les autres, le couple… tout est question de pulsion et, surtout de domination (des autres et de soi). 

Les bons parents respectables se disputent à propos de leurs flirts respectifs le pétard à la main. Le père va se laisser tenter par une prostituée. La mère, quant à elle, avoue avoir eu le désir de tout quitter pour le regard d’un autre homme. Les puissants usent de leur position et de leurs ressources pour de sympathiques soirées voyeuristes. On joue avec la vérité. Victor assure avec force à Bill que ce qu’il a vu au cours de la soirée n’était que bluff et mascarade pour lui faire peur. Le gala de la première action du film contient ainsi en substance tout le discours… Jusqu’à ce cri de Victor : “bas les masques”. 

Kubrick nous livre ainsi une nouvelle variation de l’un de ses thèmes fétiches: le conditionnement. Celui ci est, en effet, très largement représenté dans sa filmographie. Son illustration la plus emblématique reste cependant la violente séance de thérapie du comportement dans Orange Mécanique (1972). Plus subtile ici, la manipulation est inhérente à la société. On manipule le peuple, son image et surtout soi même pour satisfaire les principes, l’ordre établi voire son propre statut. Le cadre des festivités de Noël (fête familiale et emplie de magie fantasmagorique) participe ainsi de cette apparence de conte voire de rêve symbolique que le cinéma, comme la psychanalyse, met en lumière.

#ExploCiné: Masque/ American Beauty, le rêve américain démasqué

#ExploCiné: Masque/ American Beauty, le rêve américain démasqué

En un sens, je suis déjà mort”, “j’ai perdu quelque chose”, déclare Lester Burnham dans le monologue d’amorce aka personnage principal d’American Beauty (1999). L’homme est lessivé, “léthargique” comme il le dit lui même. Il a pourtant tout ce que l’on souhaiterait: un job, une femme, un enfant et une maison. Il n’est pas heureux cependant et se trouve coincé dans un modèle qui n’est pas le sien. Le changement ne va cependant pas tarder et faire tomber le(s) masque(s).  

C’est une superbe parabole sans fard (ou presque) que nous livre Sam Mendès et son oeuvre désormais cultissime, primée 14 fois sur 16 nominations (dont Oscar du meilleur film). Le réalisateur britannique fut d’ailleurs recommandé par Steven “Dieu” Spielberg, lequel a apporté un peu de son regard avisé sur le tournage. C’est dire ! Kevin Spacey dans le rôle principal et un scénario par Alan Ball (True Blood, Six Feet Under…), bref, un générique tout en Beauty pour une histoire pas si rose (vous l’avez ?).

Apparences & Perfection

Quel meilleur cadre pour un jeu de cache cache d’intrigues scandaleuses que la famille ? 

Celle ci figurent en effet le lieu parfait pour toute étude sociale en ce qu’elle constitue un microcosme divers et varié. Il n’y a qu’à voir le nombre d’oeuvres à but “d’exploration sociologique” qui utilisent ce cadre : Millenium (2009, Niels Arden Oplev) dont vous devez absolument lire le roman de base, Le Prénom (2012, Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte), Rocco et ses frères (1960, Luchino Visconti), Hannah et ses soeurs (1986, Woody Allen)…pour n’en citer qu’un échantillon. 

C’est cependant du rêve américain à la Desperate Housewives qu’il est question ici et, par extension, du fantasme de la parfaite famille moderne. La pression est forte. On veut y coller coûte que coûte…même si cela revient à sombrer dans une prison dorée. Devant les amis, devant les membres même de sa famille, on s’y accroche. Il faut sourire, montrer qu’on a du succès, que l’on rentre dans le moule quoi. Ceci à tel point que l’individu derrière le masque de sourire s’efface doucement. Notre sympathique Lester dit lui même s’être “réveillé” suite à sa première rencontre avec la belle Angela Hayes. “Notre mariage n’est qu’une devanture. Une publicité pour faire croire que tout va bien alors qu’on est loin d’être standard”, crie t il à sa femme workaholic psychotique. Cette femme qui est d’ailleurs l’incarnation même de cette pression sociale tant elle l’a interiorisé. Elle finit par perdre le contrôle de ce personnage qu’elle s’est construit. La scène de sa crise de nerf pour une maison invendue en est l’illustration même.

Il se met alors à tout envoyer valser et (re)commence à vivre sa meilleure vie sans plus se soucier des règles de conduite d’un quarantenaire de banlieue. Le père de son nouvel ami, Ricky Fitts, en comparaison tient plus de la cocotte minute. Son fils, réfractaire à la morale paternelle stricte, militaire et franchement homophobe, devient alors le parfait punching ball pour laisser aller ses frustrations.

Le lien du couple Jane/Ricky, adolescents rebelles et artistes à fleur de peau avec ceux de leurs parents est, d’ailleurs, plus que flagrant de contrastes. L’inexpérience est, ici, l’allié en ce que le masque, plus fin, n’est pas encore tout à fait défini. 

Extrait American Beauty (Sam Mendes, 1999)

Beauté & brutalité 

Notre Lester ne sera malheureusement apaisé que dans la mort. Libéré de toutes ces intrigues qui faisaient sa vie, il se souvient des longues soirées à regarder le vent jouer avec les branches des arbres. Il trouve alors cela tellement beau qu’il en est envahi d’un immense sentiment de gratitude. Il est reconnaissant d’avoir simplement été autorisé à passer dans un monde si beau et d’avoir pu le contempler ne serait ce qu’un moment.

Le monologue de Richy face à sa plus belle prise, également, rejoint ce message et va même plus loin encore. Il y a tellement de beauté dans le monde, dit il, que ça en est presque insupportable. 

Tout est Beauté. Celle ci dépendrait du regard cependant. Il faut alors apprendre à regarder sans filtre.  

La Beauté se fait donc ici femme fatale baudelairienne. Elle obsède. On tente d’y résister. Elle déchire et brutalise. Celle ci est alors représentée, non pas comme un “rêve de pierre” comme chez le poète, mais sous les traits d’une jeune fille aux fleurs. Elle réveille Lester et lui rappelle ce qui lui manque tant. Un wake up call qui ne sera pas au goût de son entourage qui, lui, n’est pas prêt à faire tomber le masque et les faux semblants. 

Le rôle de la caméra est alors central de le processus de destruction du masque. Le jeune Richy ne cesse de filmer ce qui l’entoure. Il documente ce monde qu’il trouve violemment beau. Les gens, les plantes, les phénomènes naturels… tout est matière à révéler sa beauté. La caméra devient alors outil de vérité là où le regard est baisé par le psychologique. Le cinéma mais surtout l’Art (avec un grand A) est, de ce fait, nécessaire. 

American Beauty c’est donc, plus qu’une crise de la quarantaine aux faux airs thriller ish. C’est une critique du fantasme de la vie parfaite dans les banlieues américaine mais surtout de la société moderne. Un vie où la pression sociétal est tel que l’on doit ériger des masques comme des murs entre le monde et soi. L’Art sous les traits de la caméra devient le médiateur et l’artiste le fou gênant à l’image de Richie guidant Lester.

#ACTU: Oscars 2020

#ACTU: Oscars 2020

La nuit dernière (décalage horaire oblige) s’est déroulée, la 92e cérémonie des Oscars au sein du Dolby Theatre de Los Angeles (CA, USA). Une soirée au palmarès attendu mais qui nous a quand même réservé quelques surprises. Retour … 

Palmarès 

. Sans grande surprise, le coréen Bong Joon ho et son Parasite dominent la soirée et continue son ascension avec sa victoire pour le Meilleur film, Meilleur réalisateur et Meilleur film en langue étrangère (entre autres). Il entre ainsi dans la légende comme le premier film sud coréen à remporter l’Oscar du Meilleur réalisateur.

. Le Meilleur court métrage, lui, revient à The Neighbor’s Window écrit et dirigé par Marshall Curry. 

. Le Meilleur documentaire, quant à lui, est remporté par American Factory de Steven Bognar et Julia Reicher. 

. Le prix de la Meilleur actrice va à notre Bridget Jones préférée, Renée Zellweger pour Judy de Rupert Gold. 

. Sans grande surprise, une fois encore, l’award du Meilleur acteur est remporté par Joaquin Phoenix pour sa superbe performance dans Joker de Todd Philipps. Rôle pour lequel il a, d’ailleurs, perdu pas moins de 23 kg ! 

. Le Meilleur second rôle féminin revient à Laura Dern dans le film Netflix Marriage story de Noah Baumbach. 

. Le Meilleur second rôle masculin, lui, revient à l’hilarant Brad Pitt pour le tarantinesque Once Upon a Time …in Hollywood. 

. Le Meilleur film d’animation est remporté par Toy Story 4 de Josh Cooley tandis que celui du Meilleur court métrage d’animation revient à l’émouvant Hair Love écrit et réalisé par Matthew A. Cherry. 

. Côté musique, l’award de la Meilleure chanson originale va à (I’m Gonna) Love Me Again de la BO du biopic Rocketman de Dewter Fletcher et la Meilleure bande originale à Joker. 

Performances

. On notera la standing ovation qui a accompagné la performance surprise du roi Eminem reprenant son désormais classique Lose Yourself. 

. Billie Eilish rend un vibrant hommage aux disparus du show business avec une superbe reprise de Yesterday des Beatles 

https://www.youtube.com/watch?v=FKmqtaxIS3Y

. Disney Company était dans le game avec la performance de Idina Menzel et la superbe Aurora pour Into the Unknown tout droit sorti de la BO de Frozen 2

https://www.youtube.com/watch?v=iI_cnK_YSro

. Sir Elton John, également, nous a offert une énergique performance de sa chanson désormais oscarisée: 

What’s the tea ? 

Cette année encore, le hastag #Oscarsowhite est de la partie. C’est toutefois sur le front de la parité que les participants à la 92e cérémonies des Oscars se sont fait remarquer. Pour la deuxième année consécutive, en effet, la catégorie Meilleur réalisateur (la plus prestigieuse de toutes) est entièrement masculine. 

Natalie Portman, tout d’abord, arbore sur le tapis rouge un ensemble Dior dont le revers de la cape a été tissé des noms des réalisatrices dont les oeuvres ont été nommés dans plusieurs compétitions cette année mais qui n’ont pas eu la chance de concourir pour le titre de Meilleur réalisateur. 

C’est ensuite au tour de Laura Dern. La lauréate du prix de la meilleure interprétation féminine déclare sur scène que si elle pouvait donner son Oscar à Greta Gerwig, directrice des Filles du Docteur March, elle le ferait sur le champ. 

Sigourney Weaver, Brie Larsson et Gal Gadot ont annoncé, quant à elle, qu’elles étaient un trio assez puissante et de continuer en plaisantant, qu’elles allaient lancer un fight club dans les coulisses. “Même les hommes sont acceptés.. à condition que vous ne portiez pas de short. C’est comme ça. Vous n’avez juste pas le droit”, déclarent elles. Elles annoncent également que le perdant devra répondre aux questions des journalistes sur ce que c’est d’être une femme à Hollywood. Les trois stars finissent par conclure en affirmant que “toutes les femmes sont des héroïnes”. 

Les trois actrices soulignent également que c’est la première fois (en 92 ans tout de même) qu’une femme cheffe d’orchestre est choisie pour diriger la soirée. Eimear Noone est, by the way, reconnue pour son travail en matière de jeux vidéo. 

Il est à noter d’ailleurs que la compositrice de la bande originale de Joker était la première femme à être oscarisée dans cette catégorie. 

L’avènement d’une sororité hollywoodienne, un Oscar sud coréen… Les 2020’s seront elles la décennie du changement ?