#ExploCiné: Black&White/Sin City, strip (tease) et chevaliers

#ExploCiné: Black&White/Sin City, strip (tease) et chevaliers

Et quand il aura crevé, son enfer aura un goût de paradis”. 

Sympathique comme programme non ? Bienvenue à Sin city ! 

De son véritable nom, Basin City (surnommée donc par ses habitants Sin City), la ville imaginée par le dessinateur et scénariste Frank Miller (Batman, 300, Robocop..) ne semble pas vraiment à une destination de rêve. La série de comics éponyme s’est arrêtée en 2000 après 9 ans de parution, elle fut toutefois très rapidement portée à l’écran. C’est dès 2005 que Robert Rodriguez présentera son long métrage Frank Miller’s Sin City en compétition officielle du festival de Cannes. Si il ne remporte aucune récompense, il recevra un accueil critique plutôt positif dans l’ensemble et sera suivi par Sin City: A dame to kill for à l’automne 2014.

Mais avant toute chose, petit point scénario : Sin City est une ville infestée de criminels, de flics ripoux et de femmes fatales. Hartigan s’est juré de protéger Nancy, une strip teaseuse. Marv, un marginal brutal mais philosophe, part en mission pour venger la mort de Goldie. Dwight, l’amant secret de Shellie, part en croisade contre Jackie Boy qui menace Gail et les filles des bas quartiers. Certains ont soif de vengeance, d’autres recherchent leur salut. Bienvenue à Sin City, la ville du vice et du péché. 

Un très beau casting à base de Jessica Alba, Mickey Rourke, Bruce Willis et autres Clive Owens vient compléter ce tableau que l’on pourrait presque croire sorti de quelque geste chevaleresque où le Bien et le Mal se mènent une lutte à mort.

I°. La cinéphilie, ça n’a rien de comics ? 

Fun fact, Frank Miller était assez réticent au projet lorsque Robert lui propose. La toute première scène fut d’ailleurs filmée afin de le convaincre.

Josh Harnett & Marley Shelton, Sin City (Robert Rodriguez, 2005)

Rodriguez souhaite pourtant être le plus respectueux possible de l’oeuvre et de l’auteur original. Le titre lui même en figure un bon exemple : Frank Miller’s Sin City (FR : Sin City par Frank Miller). Miller participa d’ailleurs au tournage à titre de conseil et figure d’ailleurs au générique en tant que co réalisateur. Il s’octroie de plus un rapide caméo en prêtre confesseur : 

Mickey Rourke & Frank Miller, Sin City (Robert Rodriguez, 2005)

Robert indique cependant qu’il ne souhaitait pas “adapter” le comics mais le “traduire” à l’écran avec les moyens que ce nouveau média permet. Il reprend alors la bande dessinée presque case par case mais y ajoute de petits clins d’oeil bien cinéphiliques. Un goût pour l’hommage au 7e art que Robert partage avec son ami Quentin Tarantino. Celui ci va d’ailleurs venir en aide à Rodriguez au cours du tournage. Ce dernier avait, en effet, composé une partie de la BO de Kill Bill Volume 2 pour la somme de 1$ et souhaite lui rendre la pareille. Quentin va donc conseiller son ami et même diriger l’une des scènes mythiques du film. 

Benicio Del Toro & Clive Owens, Sin City (Robert Rodriguez, 2005)

Le sabre de la dangereuse Miho est, par ailleurs, le même que ceux des Crazy 88 dans son Kill Bill Volume 2

Devon Aoki in Sin City (Robert Rodriguez, 2005) & Uma Thurman VS the Crazy 88s in Kill Bill: Volume 2 (Quentin Tarantino, 2004)

II°. Noir c’est noir

Tout comme la BD, le film par son ambiance, décor, rythme..  (par beaucoup de points donc) est construit comme une référence au film noir des années 50. Rodriguez, cependant, fidèle à lui même y ajoute de petites touches cinéphiliques en références aux codes des vieux films d’horreur. 

L’utilisation du noir et blanc, dans le comic comme dans le film participe de ce double hommage. L’apparition de tâches éparses de couleurs hautes en lumière permet ainsi de renforcer le dramatique et la température d’une scène par le contraste qu’elle crée. On aperçoit donc un lit rouge sang au coeur d’une scène d’amour qui se révélera plus passionnelle que prévue. L’un des grands méchants est, de plus, représenté avec une peau d’un jaune si lumineux qu’il crève l’écran. Le jaune figure en effet, le traître et tout son joyeux bagage dans une grande partie de sociétés d’historique catholique depuis son association avec Judas. 

Le noir et blanc structure ainsi le mouvement et l’action à l’écran.  

Elijah Wood (1) & Bruce Willis (2) in Sin City (Robert Rodriguez, 2005)

III°. Le contraste ne fait pas le moine 

La ville du vice (Sin City, vous suivez ?) est ainsi tiraillée entre les grandes forces du Bien et du Mal. Des meurtres, des viols, du cannibalisme et j’en passe, figurent en haut du prospectus quand on arrive en ville (vous suivez toujours ?). Ces grandes puissances, cependant, ne sont pas forcément là où l’on pense. Le noir et blanc nous rappelant, par contraste justement avec l’intrigue, que tout n’est pas si manichéen. 

Jackie Boy, le distingué, s’avère finalement un représentant de l’ordre mais frappe sa copine pour asseoir sa virilité face à son petit groupe. Marv, également, et même si c’est un peu cliché, est considéré par beaucoup comme un fou dangereux et malade. Il cherche toutefois à venger le meurtre de Goldie qui l’a touché de gentillesse. Il finit par se retrouver face à Kevin/Elijah Wood face à qui il ressemble plus à un enfant légèrement hyperactif et capricieux. Si l’action fait trembler la frontière qui les sépare, on finit toujours par avoir l’indication de qui est le bon et qui est le truand. A Sin City, il est risible de chercher LA brute. 

Chacun des personnages principaux ressemblent plus aux chevaliers de la table ronde. Chacun sa quête, chacun son chemin mais toujours une volonté de défendre (et principalement une femme). 

L’adaptation au cinéma du Sin City de Frank Miller se regarde bien. Les adeptes de l’ambiance Tarantino/Rodriguez ne seront pas déçus. On regrette néanmoins un manque de démarcation de la patte Rodriguez. Les deux réalisateurs et amis partagent, en effet, une grande partie de leurs goûts et références. On aura, pourtant bien aimé une affirmation personnelle plus marquée, un peu plus de Dusk till Dawn ou Planet Terror. Le choix de respecter le matériau d’origine, également, est certes louable mais peut parfois sembler plus copié collé animé qu’oeuvre. On a plaisir toutefois à voir et revoir le travail monstre de Rodriguez (comme à son habitude) et ce petit côté too much parodique dans la violence.

#ExploCiné: Tim, Jack & les poupées animées

#ExploCiné: Tim, Jack & les poupées animées

Si il est un film culte en cette saison, c’est bien, L’Etrange Noël de Monsieur Jack ! Sorti sur nos écrans en 1993, il est aujourd’hui indissociable de l’univers de Tim Burton. 

L’Etrange Noël est tiré d’un poème écrit par Burton lui même et inspiré par celui de Clement Clarke Moore, La Nuit avant Noël. On notera le titre original The Nightmare Before Christmas (Le Cauchemar avant Noël, pour les non anglophones). Ce film contient à lui seul toute l’essence de l’imaginaire du petit garçon de Burbank fasciné par le cinéma d’horreur et la littérature. On y retrouve surtout les influences du jeune Tim qui l’ont très tôt poussé vers l’animation comme une opportunité de créer “un dessin en trois dimensions”. 

“Il y a très peu de projets dans lesquels on se sent impliqué personnellement. J’ai ressenti ça pour Vincent et je ressens la même chose pour l’Etrange Noël de Monsieur Jack”, déclare Burton dans ses Entretiens avec Mark Salisbury

Avant toutes choses, petit point scénario (pour ceux qui vivrait dans une grotte): Jack Skellington, roi des citrouilles et guide de Halloween-ville, s’ennuie : depuis des siècles, il en a assez de préparer la même fête de Halloween et rêve de changement. Le hasard lui permet d’entrer dans la ville de Noël dans laquelle il découvrira des couleurs et une gaieté qui l’émerveilleront. 

Vincent de l’autre côté du miroir 

Tim naît le 25 août 1958 à Burbank en Californie (non loin d’Hollywood et ses hauts lieux donc). D’une nature solitaire, il y grandit entouré d’une famille quelque peu dysfonctionnelle et, surtout, surtout d’un ennui mortel. Le petit Tim est cependant, déjà, doué d’une imagination extrêmement fertile qu’il va opposer comme une arme de survie à cette existence grise. Son refuge sera alors dans la lecture (Roald Dahl, Edgar Allan Poe…) et dans le cinéma de sa ville. Il y découvre notamment les films d’horreur de la Hammer, l’acteur Vincent Price (de qui il restera un fervent admirateur) et sera fasciné par les maquettes du grand manitou Ray Harryhausen (Le Monstre du Temps Perdus, Le Septième Voyage de Sinbad..). 

Burton présentera d’ailleurs très vite une certaine disposition pour cet art armé d’une caméra super 8 et de tout ce qui lui tombe sous la main. Il dessine également énormément et réalisera les premières esquisses de Jack Skellington. 

Lorsqu’il a 18 ans, il intègre grâce à une bourse la California Institute of Arts (fondée dans les 60s par Walt Disney lui même). Il sera par la suite engagé dans la célèbre firme grâce à son court de fin d’étude The Stalk of the Celery Monster (1979). 

Les projets qui lui sont confiés l’ennuie cependant comme Rox et Rouky (1981). “Un vrai supplice”, ira t il jusqu’à dire. Il a cependant l’occasion de travailler sur le concept de Taram et le Chaudron magique (traumatisme de toute une génération, s’il en est) pour lequel il livrera quantité de recherches graphiques qui seront malheureusement rejetées. Grâce au soutien d’un petit groupe d’exécutifs, néanmoins, il se verra alloué 60 000 dollars de budget pour Vincent, un court animé image par image et hommage à son idole Vincent Price. Le film, tiré de l’un de ses poèmes, aura même la consécration de voir Vincent Price lui même en réciter le texte ! 

Le film sera couronné de succès auprès des festivals de Chicago et d’Annecy. Tim rempile alors avec son interprétation personnelle de Hansel et Gretel (1982). Celui ci sera cependant diffusé sur Disney Channel à 22h30, empêchant ainsi toute découverte massive, en raison de son “univers singulier et surprenant”. Il retente l’expérience avec ce qui sera la première version de Frankenweenie (1984). C’est toutefois une nouvelle frustration pour Tim car le film est très vite interdit au moins de 12 ans ce qui compromet sa place d’avant programme pour Pinocchio. Déçu, il quitte Disney pour la Warner laquelle lui propose le long métrage Pee Wee’s Big Adventure (1985) d’après le show du clown Pee Wee (interprété par Paul Reubens) bien connu de la télévision américaine. Il rencontrera d’ailleurs sur le tournage Danny Elfman qui en compose la bande originale. Le succès est là et ce malgré une critique en majeure partie négative. Il s’ensuivra les célèbres têtes d’affiches du palmarès burtonien comme Beetlejuice (1986) et Batman Returns (1989). Il fondera sa propre entreprise de production vers la fin des années 80’s afin de ne plus être freiné dans son processus créatif. 

Le projet The Nightmare Before Christmas, quant à lui, est imaginé par Tim en 1982, alors qu’il est encore animateur chez Disney. Le projet est, à l’époque, refusé par la major car “trop effrayant”. C’est dix ans plus tard, que le réalisateur encore taraudé par Jack Skellington, réussira à le produire avec cette même firme à la souris (laquelle en possède les droits en raison du statut d’employé de Tim à l’époque de sa création). L’Etrange Noël de Monsieur Jack sortira alors sur nos écrans en 1993 sous le nom de Tim Burton’s Nightmare Before Christmas (FR: Tim Burton présente: L’étrange Noël de Monsieur Jack). Seule et unique occurrence de ce genre, on notera. 

Image par image 

L’Etrange Noël de Monsieur Jack possède une place toute particulière dans le monde de l’animation. Le film marque, en effet, un tournant dans ce domaine si particulier. Il lui apporte, d’abord, un certain nombre d’améliorations techniques. Il permet surtout d’amener un coup de projecteur sur une technique quelque peu délaissée à l’époque par les animateurs eux mêmes. 

L’animation, et particulièrement l’animation en volume (ou stop motion), est un processus long et, oserait on le dire ?, difficile. Une fois le concept, la technique et le matériau choisis (dessin ? ombres chinoises ? pâte à modeler ? poupées ?), le tournage s’avère fastidieux. Un seul mouvement consiste en une série de clichés qui le décompose. C’est une fois le tout monté que l’on obtiendra l’effet escompté suivant un certain nombre de choix (vitesse,  effets…). 

Cette technique reste cependant très appréciée et respecté et ce, dès les débuts de l’animation. De l’avis général, on fait remonter sa première occurrence avec The Haunted Hotel (J. Stuart Blackton, 1907).

https://www.youtube.com/watch?v=MDRaPC4EXpo

Les puristes auront reconnus le nom du créateur des Humorous Phases of Funny Faces (1906), premier film à qui on attribue communément l’utilisation du principe de l’animation (tel que l’on entend techniquement aujourd’hui du moins).

L’un des plus grand noms de cette technique reste cependant George Pal et ses Puppetoons. Issu de la contraction de “puppet” (FR: poupées) et de “toon” (FR: dessin animé), ces petites créatures ont à leur actif un nombre certain de publicités et de longs métrages à l’esthétique travaillée (et qui n’est pas sans rappeler celle de Burton). George fut l’un des premiers à utiliser des parties du corps interchangeables pour ses poupées. Des têtes différentes pour chaque expressions ou encore des bras à intervalles différents figurent une belle avancée en ce que le risque de détérioration de la poupée est moindre. Ceci nécessite cependant la création d’un nombre plus important d’objets spécifiques. Il fallait, par exemple, pas moins de 12 paires de jambes pour une séquence de marche chez les Puppetoons. 

https://www.youtube.com/watch?v=ulISb_i3tV4&t=329s

Une technique qui sera néanmoins reprise par ses successeurs et notamment Tim Burton, lequel créera avec son équipe pour les besoins de tournage pas moins de 200 têtes de Jack Skellington différentes. 

“Que vois je ?!”

Un plongeon dans la cinématographie de Tim Burton, c’est comme Jack Skellington qui plonge dans le monde de Noël. On ne sait jamais ce que l’on va y trouver mais son univers est reconnaissable entre mille. “Pour moi, travailler avec Tim, nous dit Johnny Depp, c’est comme rentrer à la maison. Une maison pleine de pièges, certes, mais de pièges confortables. Très confortables. Personne ne peut compter sur des filets de sécurité, mais c’est ici que j’ai été élevé.” (Préface Tim Burton, Entretiens avec Mark Salisbury). 

Tim réussit, en effet, à nous embarquer dans son univers personnel mais d’une telle façon qu’il en réveille notre nostalgie enfantine. On pourrait presque croire à un grand frère qui nous racontera une histoire de fantôme avant de dormir. 

Un univers déroutant et une imagination débordante qui ne doit pas faire oublier le talent d’animateur de Tim Burton. L’Etrange Noël mais aussi Corpse Bride (FR: Les Noces Funèbres, 2006), non contents d’être de pures merveilles visuelles, apportent leur pierre à l’édifice d’une technique si dure mais tellement magique. Il est à noter que c’est au cours du tournage de Corpse Bride que Tim aura l’idée d’utiliser une nouvelle sorte de marionnettes dont la structure permet la déformation sans en altérer le matériau (ici plastique). 

Un amour pour ces poupées animées qu’il exprimera encore une fois au cours de ses Entretiens avec Mark Salisbury :“Je l’aime pour des raisons indicibles, inconscientes. L’animation image par image dégage quelque chose de magique, de mystérieux, de tactile. Je sais qu’on peut obtenir un résultat similaire, voire supérieur, avec des ordinateurs, mais sans cette qualité “fait main” qui lui donne sa résonance émotionnelle, enfin pour moi. C’est peut être un effet de la nostalgie, mais je pense que ce médium véhicule toutes ces choses”. 

Si l’animation reste son domaine de prédilection, son esthétique en prise de vue réelle n’est jamais éloignée de ces “dessins en 3 dimensions” et même parfois les deux cohabitent. Ce fut le cas, par exemple avec Alice au Pays des Merveilles (2010) et Mars Attack (1996) qui usent tous les deux de prises de vues réelles et d’imagerie numérique. 

Tim Burton, et ce quelque soit la technique utilisée, nous embarque dans son univers horrifico coloré. Un souci du détail, une créativité débordante et, surtout, un travail acharné ont permis d’ouvrir la trappe entre l’univers burtonien et le nôtre. L’animation par bien des égards figurent l’un des seuls art animé capable d’une telle merveille. 

“Pour quelles raisons l’animation fascine-t-elle ? D’abord par son caractère magique, car elle permet de donner vie à des dessins, à des marionnettes…: il s’agit d’une forme d’illusionnisme. Mais également parce que cet art, le “septième bis”, curieusement lié ainsi à celui du cinéma, art du XXe siècle prend ses sources dans tous ceux qui l’ont précédé: la peinture, la sculpture, le dessin, la musique,la danse, la dramaturgie… L’idée d’un“art total” rêvé par les créateurs d’opéra, incarnés par certains cinémas, peut se matérialiser magistralement dans le cinéma d’animation tant il se situe à de multiples carrefours” , Olivier Cotte, 100 ans de cinéma d’animation

#ExploCiné: Qui a peur de la poupée de porcelaine ?

#ExploCiné: Qui a peur de la poupée de porcelaine ?

Trick or treat ? La saison d’Halloween est là ! Et avec elle ses décorations, costumes et surtout, surtout, ses soirées films d’horreur. Parmi les films cultes de cette saison, on retrouve bien évidemment : Massacre à la tronçonneuse, la série des Evil Dead, des Scream ou encore La nuit des morts vivants. Des titres qui rappelleront sûrement bien des souvenirs. 

Le cinéma d’horreur et affiliés connaît un essor dantesque ces dernières années avec notamment le phénomène des séries telles que American Horror Story ou Marianne

Démons, sorcières et autres spectres peuplent ainsi des scénarios et des univers tous plus horrifico créatifs. Mais s’il est un personnage qui met beaucoup de monde d’accord c’est bien les poupées ! Qu’elles soient décor ou au centre de l’action, ces petites créatures en appellent à une peur qui, plus qu’instinctive, réveille notre intime. Deux sorties en salles lui sont consacrées en cette année 2019, le reboot de Chucky, Child’s Play: la poupée du mal par Lars Klevberg et Annabelle 3: la maison du mal par Gary Dauberman. L’occasion de s’intéresser de plus près à ces jouets pas si innocents que cela.

  1. L’horreur sur nos écrans 

Avant toute chose, petits secrets (pas si secrets) d’histoire : 

L’épouvante et le cinéma ont été dès le début presque indissociables. Notons le sursaut de panique des premiers spectateurs de l’Arrivée d’un train en gare de la Ciotat (Les frères Lumières, 1896). D’abord attraction à sensation puis divertissement des masses, le cinématographe se convertit très rapidement à l’horreur via une ambiance macabre comme, par exemple, le muet Les Vampires (L.Feuillade, 1915). 

Extrait des Vampires de Louis Feuillade (1915)

C’est grâce à l’expressionnisme allemand qui le fera genre à part entière grâce à des oeuvres aujourd’hui classiques. Nosferatu le vampire (F.W.Murnau, 1922) et Le Cabinet du Docteur Caligari (R.Wiene, 1920) en tête, lesquels sont bien souvent considéré comme les premiers films d’horreur. 

Nosferatu, le Vampire, F.W.Murnau (1922)

Le terme “horror movies”  ne verra le jour qu’en 1931 cependant avec l’adaptation du roman de Bram Stocker, Dracula, par Tod Browning avec Bela Lugosi dans le rôle principal. Son producteur Universal Pictures sortira très vite deux autres films du genre qui rencontreront également un grand succès. Celui ci poussera alors la firme à produire une série d’autres films de monstres, les “Universal Monsters” (1932/1948). 

Si l’horreur subie beaucoup de censure et fut notamment cible privilégiée du code Hays, son panthéon ne cesse de s’accroître d’année en année. 

Il est à noter que le terme de cinéma d’horreur regroupe plusieurs sous genre. Lesquels n’appuie pas tous sur la même corde (sensible). Les choix de mise en scène mais aussi le caractère personnel de la peur influe sur notre perception à l’écran. 

On distingue ainsi : 

. l’épouvante qui appuie sur son ambiance malsaine

. le slasher qui met en scène un tueur psychopathe (souvent masqué) qui persécute un groupe (genre plutôt américain et qui peut s’apparenter à notre “film de psychopathe”)

. le gore et ses scènes extrêmement sanglantes et très explicites dont l’objectif est de provoquer le dégoût chez le spectateur voire, parfois, le rire assumé tant l’explicite est “gros” 

. le found footage, genre récent, qui est monté (comme son nom l’indique) à partir de rushs “trouvées” et qui joue sur une apparence de réalité. Laquelle est bien souvent renforcée par un carton au début du film qui indique le caractère “amateur” des images sur lesquelles on ne voit pas grand chose mais c’est justement de là que naît la tension 

  1. Jump scare et autres peurs bleues 

Le cinéma cherche à créer une émotion chez le spectateur. Dans le cas du film d’horreur, sans grande surprise, ces émotions sont la peur et le dégoût. 

Selon notre très chère Wikipédia, “la peur est une émotion ressentie généralement en présence ou dans la perspective d’un danger ou d’une menace. (…) Par extension, le terme peut désigner l’appréhension liée à des situations déplaisantes ou à des animaux. Il est alors question de phobie, du grec phobos, comme notamment, la claustrophobie, l’arachnophobie ou l’agoraphobie”. La peur renvoie donc à l’inconnu, à ce que l’on ne contrôle et/ou ne comprend pas. Elle tient également une grande part de notre irrationnel et de notre inconscient. 

On a soudain les mains moites, les yeux écarquillés et le coeur qui s’accélère. C’est donc un réflexe instinctif pour ce que l’on considère comme inconnu, mauvais voire potentiellement dangereux.  

De nos jours, le cinéma d’horreur s’est fabriqué ses propres codes. Portes qui grincent, murmures, silhouettes dans la pénombres… autant de “tricks” qui sont devenus (trop) classiques. Des codes dont les productions usent et abusent parfois jusqu’au ridicule voire l’ennui comme le gore qui frise parfois l’overdose ainsi que le (quand même efficace) jump scare. 

  1. les poupées 

Si elle s’invite de plus en plus régulièrement sur nos écrans, la poupée a fait son entrée relativement tard dans le bestiaire monstrueux. On retrouve bien évidemment des occurrences de mannequins, golems et autres poupées vaudous depuis bien longtemps mais la possession de poupée enfantine est assez récente. 

Le terme de pédiophobie (ou “peur des petits enfants”) n’est créé qu’en 1970 par Masahiro Mori, ingénieur en robotique. Il inclut ainsi, en plus de nos amis de porcelaine, les mannequins et les robots et désigne le fait que plus un robot va ressembler à un humain et plus ses imperfections vont nous sembler monstrueuses. 

Lina Rodriguez McRobbie explique dans son article pour Smithsonianmag.com, The History of Creepy Dolls, que “nos cerveaux sont tellement préparés à voir des visages et à répondre aux émotions qu’ils laissent transparaître que nous en voyons partout, sur des grilles pains, des voitures…”. La peur des poupées s’apparente donc à la peur de l’inanimé ou plutôt ce que l’on y projette. Le développement de l’intelligence artificielle, Cortana et SIRI en tête, participe de ce développement horrifique. 

La poupée possédée fait peur. C’est un objet inanimé et innocent. Notre compagnon d’enfance. On ne s’en méfie pas. Sa possession par un esprit démoniaque sali alors en quelques sortes ce symbole de notre pureté et d’insouciance. Tout est question de projection et de symbole donc. La poupée, qu’elle soit Barbie ou Corolle, fut bien souvent le support de nos jeux d’enfants. Qui n’a jamais joué à la dînette ou imaginé tout un tas d’histoire donnant une vie et une personnalité à ces assemblages de plastique ? 

Le cinéma d’horreur possède un bestiaire des plus fournis. Grandement inspiré de la littérature, ses monstres ont fait frissonner plus d’un. La poupée, cependant, par son accroche dans notre inconscient profond s’invite de plus en plus sur nos écrans.Si l’on a rationalisé les loups garous, nos symbole d’enfance, eux, nous mène la vie dure. Bien loin de Toy Story, la poupée s’est bel et bien installé parmi les monstres sous notre lit. 

Pour les plus courageux, voici une petite liste (non exhaustive) des films de poupées à voir sur votre 31 : 

. Child’s Play, Tom Holland (1988) 

.Child’s Play 2 : La poupée de sang, John Lafia (1990) 

. Child’s Play : La poupée du mal, Lars Klevberg (2019) 

. Annabelle, John R. Leonetti (2014) 

. Annabelle 2 : la création du mal, David F. Sandberg (2017) 

. Annabelle 3: la maison du mal, Gary Dauberman (2019) 

. Ghostland, Pascal Laugier (2018) 

. The Boy, William Brent Bell (2016)

#Inthejungle : Apocalypse Now, final cut & trip auditif

#Inthejungle : Apocalypse Now, final cut & trip auditif

This is the end

Beautiful friend

This is the end

My only friend

Pour le début de son film Apocalypse Now, Francis Ford Coppola a trouvé ironique de jouer The End, des Doors (inutile des les présenter n’est ce pas ?). À l’écran des images superposées : une forêt bombardée qui prend, des hélicoptères dans le ciel dont les hélices se confondent avec celles d’un ventilateur, le visage du personnage principal à l’envers. Pas de titre, pas de nom, seulement la musique et le son entêtant des machines.

Remettons nous dans le contexte rapidement : sorti en 1979, Apocalypse Now nous emporte en pleine guerre du Viet Nam et raconte l’histoire de Willard, un soldat désoeuvré croupissant dans une chambre d’hôtel à Saïgon et qui, entre deux bouteilles d’alcool, ne songe qu’à retourner au combat car c’est la seule chose qu’il saisit désormais. Son souhait est alors plus ou moins exaucé : on lui ordonne d’aller exécuter secrètement le colonel Kurtz qui a fui l’armée et s’est réfugié au fin fond de la jungle, au-delà même de la frontière. Là-bas, il a rassemblé un petit groupe de fidèles et mène des attaques terribles contre « l’ennemi ».

Il s’agit d’une adaptation de la nouvelle Heart Of Darkness, de Joseph Conrad, qui, elle, se passait en Afrique. Les deux oeuvres ont en commun le protagoniste remontant un sinistre fleuve à la recherche d’un homme qui a sombré dans la folie.

Les Origines

Une version inachevée du film est projetée pour la première fois en Mai 1979, au Festival de Cannes. Une claque, qui décrochera la Palme d’Or et fera un véritable pied de nez aux journalistes du monde entier qui avait rebaptisé le film Apocalypse When ? à cause des retards et des problèmes rencontrés lors de la production. C’est toujours avec honnêteté que Francis Ford Coppola évoquera ce qui s’est passé sur ce tournage mémorable, jusqu’à dire à la conférence de presse cannoise : « Mon film ne parle pas du Viet Nam. Mon film est le Viet Nam. »

On sait que le réalisateur a aussi dit que l’art naît parfois d’accidents, et on peut dire que ce film là les a collectionné : un typhon qui détruit le décor de fin, l’acteur principal Martin Sheen qui fait une crise cardiaque et doit être doublé par son frère, Marlon Brando qui refuse de tourner quoique ce soit pendant près d’une semaine… Un endettement de 30 millions de dollars pour Coppola qui veut à tout pris faire ce film et un cauchemar pour l’équipe qui, au lieu de six semaines restera plus d’un an aux Philippines pour tourner les 200 heures de rushes d’Apocalypse Now… Doit-on enfoncer le clou et préciser que les hélicoptères étaient prêtés par le gouvernement philippin et décollaient en plein milieu des scènes pour partir servir leur État ?

Si vous voulez en savoir plus sur les coulisses de ce tournage, je vous conseille le documentaire Heart of Darkness : Apocalypse of a filmmaker, réalisé par la femme du réalisateur et devenu aussi culte que le long-métrage.

https://www.youtube.com/watch?v=lxowb5IQRuI

Malgré l’enfer qu’aura pu être la production de ce film, Coppola tient à s’y replonger à deux reprises : la première en 2001 en sortant la version Apocalypse Redux, à laquelle il rajoute quasiment une heure de film. La seconde fois, c’est à l’occasion des 40 ans du film pour sortir Apocalypse Now : Final Cut.

Le spectateur au coeur des ténèbres

Si je devais décrire ce film en un mot, je choisirais immersion. Quand les lumières de la salle s’éteignent, dès l’intro, nous nous retrouvons au Viet Nam.

Pour la version Final Cut, les équipes sont allées repêcher les pellicules originales et les ont restaurées. Il faut savoir qu’une bonne partie du film se passe de nuit, et des détails jusque là cachés dans la pénombre deviennent visibles. On voit mieux cette jungle qui nous engloutit quand elle se referme sur les personnages et les couleurs de jours sont davantage flamboyantes.

L’esthétique reste cependant très sombre, et c’est ce qui a fait l’originalité visuelle de ce film : l’audace de sous-exposer les scènes. En cinéma, pour être certain que l’action soit bien visible, on a tendance à vouloir tout éclairer. Darius Khondji, chef opérateur, avait dit à ce sujet : « Si vous inondez de lumière, c’est que vous avez peur. »

Personne n’a eu peur sur ce film là, que ça soit la séquence de guerre nocturne où les personnages n’apparaissent que quand les flashs des bombes les éclairent ou le personnage du colonel Kurtz émerge si peu des ténèbres qu’on le ne voit quasiment jamais entier. 

Un trip auditif

Ce qui a marqué également avec ce film, c’est son mixage sonore. Et pour cause, c’est avec lui qu’on a utilisé pour la première fois le 5.1. Sans entrer dans de trop longs détails techniques, il s’agit d’un système audio à cinq voies et c’est grâce à ça que l’on a l’impression d’être « entouré » par le son dans les salles de cinéma ou chez soi lorsqu’on possède une installation de la sorte. D’où le titre générique de « 5.1 Surround ». C’était déjà une prouesse à l’époque. Walter Murch, qui a chapeauté le montage et le mixage sonore d’Apocalypse Now, est, d’ailleurs, venu participer pour la version de 2019. Il a alors travaillé à partir des masters sons originaux trouvés dans une poubelle et produit une version sonore étoffée mais surtout oppressante.

Regarder Apocalypse Now, c’est aussi l’écouter. Un concert de tonnerres, de bruits de jungle et d’animaux nous embarque dans ce bourbier tropical, la musique des Doors et la bande originale psychédélique nous font planer, le mythique passage de la musique de Wagner mariée aux bruits des bombes et des tirs déclenchent en nous quelques frissons.

Le Final Cut

Il y a des choses qui ne changent pas entre les versions, comme le jeu juste époustouflant mené par des monstres même dans les rôles secondaires, tels que le très jeune Laurence Fishburne en soldat immature, ou Robert Duvall et son iconique Lieutenant Bill Kilgore qui « aime l’odeur du napalm au petit matin ».

Coppola a déclaré que ce montage inédit était la meilleure version d’Apocalypse Now qui existe. Il est vrai que la « meilleure version » dépend de celui qui la regarde : certains resteront à jamais fidèles à l’originale de 79, d’autres préfèreront Redux (2001) qu’ils jugent plus complète. D’une durée de 3h02 qui coupe la poire en deux entre la première (2h33) et la seconde (3h30), Final Cut se débarrasse cependant de certaines longueurs sans s’amputer de scènes devenues mythiques telle que la séquence dans la plantation française et d’autres scénettes que je vous laisserais (re)découvrir.

Cette version a également le mérite d’être celle qui est la plus proche de ce que le réalisateur veut dans un univers hollywoodien où le final cut appartient souvent aux producteurs et aux studios. 

Quand le film se termine, il n’y a aucun titre au générique. Si l’on fait attention, dans le décor de fin on aperçoit un graffiti : Apocalypse Now. Les lumières se rallument et les gens restent assis un bon moment plutôt que de se lever directement, comme s’ils étaient surpris de découvrir qu’ils sont assis sur leurs fauteuils dans une salle de projection et non pas sur le fleuve en pleine guerre.

#IntoTheJungle: ExploCiné/Platoon

#IntoTheJungle: ExploCiné/Platoon

La représentation de la guerre à l’écran n’est jamais chose facile. Le souci de véracité (historique ou narrative), les choix de scénario ou de montage sont autant de caractéristiques qui classent l’oeuvre du côté de la contestation, du documentaire voire de la propagande. 

La guerre du Vietnam, en particulier, fut (et est toujours) largement contée au cinéma. Le conflit reste encore, en effet, une large cicatrice sur la joue de l’Oncle Sam. 

C’est ainsi en mars 1987, seulement 10 ans après la fin des combats, que le réalisateur Oliver Stone présente sa vision du conflit avec Platoon. Il s’agit là du film qui le projettera sur le devant de la scène, notamment en raison de la controverse qu’il créera. 

Oliver Stone (JFK, Snowden…),  qui se spécialisera par la suite sur le film de combat (sur le terrain ou politique), est avant tout un vétéran de la Guerre du Vietnam au sein de laquelle il s’est engagé volontairement. Platoon s’inspire donc directement de son expérience au front comme une sorte de catharsis. 

Petit point synopsis as usual : En septembre 1967, Chris Taylor, dix neuf ans, rejoint la compagnie Bravo du 25e régiment d’infanterie près de la frontière cambodgienne. Chris, issu d’une famille bourgeoise, s’est engagé volontairement. Mais la réalité est tout autre et ses idéaux vont voler en éclats. 

Platoon c’est le premier volet d’une trilogie que construira Stone autour de la Guerre du Vietnam (avec Né un 4 juillet et Entre ciel et terre) Ses lead roles sont tenues par un jeune Charlie Sheen, William Dafoe et est l’une des premières apparitions à l’écran d’un certain Johnny Depp. Le film remporta également plusieurs Oscars en 1986 (dont meilleur film et meilleur réalisateur)

A l’état naturel 

Le conflit, finalement, est assez naturel. C’est par notre expérience et nos lois (Coucou Rousseau et le Pacte Social) que nous avons crée le concept d’Humanité pour nous éloigner de celui de l’Animal. La jungle de la modernité occidentale ce sont les grattes ciels et les jardins clôturés. La guerre, cependant, répond à ses instincts les plus primitifs. 

A l’écran, dans Platoon la jungle, comme un Etat naturel, est présente au premier plan. Elle devient presque personnage à part entière voire ennemi tentaculaire.  Dès son arrivée, Chris en fait les frais. Des fourmis venimeuses s’immiscent sous ses vêtements et des sangsues s’accrochent à ses joues. Les éléments le mettent également à mal et il fait un malaise peu après le début de sa première mission. 

Ce qui tue le plus d’hommes, toutefois, c’est l’homme lui même. Poussé par son instinct de survie, il revient à la bestiale loi du Talion par la vengeance aveugle de ses semblables GIs ou Vietcongs. Une escalade de la violence provoquée et expliquée par le très simple “c’est la guerre” ou autrement dit, tue ou c’est toi qui sera tué. 

Les factions américaines portent également à demi mot le germe des conflits qui séparent ses hommes. Un exemple criant en est l’étonnement des amis de Charlie lorsqu’ils lui demandent pourquoi il est sur le front malgré son air éduqué. On envoie pas les riches au casse pipe déclarent ils. L’un des soldats ajoutera plus tard également qu’on veut toujours “faire tomber le noir au plus bas de l’échelle”. 

Light and Dark 

Le coeur de Platoon s’apparente alors plus à une guerre entre la Bête et l’Humanité. Ce combat est illustré par la guerre civile au sein même de la faction. Les Sergent Barnes et Elias représentent alors chacun l’un des camps qui s’affrontent en chacun des soldats. Elle est également la représentation type de la formation de groupes autour d’un leader fort et charismatique qui fait alors office de gourou. Un petit big up de Stone à la Maison Blanche ? 

Là où  Apocalypse Now (Francis Ford Coppola, 1979), le superbe, s’intéresse à l’individualité, Platoon se penche plutôt sur les relations sociales, la collectivité et leurs impacts. Les GIs sont, en effet, traqué, perdu dans un environnement qui leur est hostile et doivent défendre leur vie pour une guerre à laquelle ils ne croient plus. Une situation extrême qui appelle chez certains un retour aux instincts primitifs de l’animal quand certains prennent la décision de rester dans les codes et tabous de l’humanité. L’attaque du village de civils est alors la cristallisation de ce conflit intérieur dans sa dimension individuelle ou collective. 

Oliver Stone ou l’Amérique racontée 

Si Oliver Stone est aujourd’hui un habitué de la critique frontale envers le gouvernement US, à l’époque Platoon fit pas mal de bruit. Si il fut quelque peu éclipsé par Apocalypse now, il n’en est pas moins une oeuvre de tout premier ordre. Là où le premier montrait comment l’armée venait à se nécroser par des soldats en quête de sens (qu’ils ne retrouvaient plus dans la bataille), le second choisit de montrer le point de vue d’un simple soldat volontaire qui se trouve confronté à une horreur qu’il ne comprend pas. Platoon c’est alors un témoignage sous forme de fiction aux accents autobiographiques comme peut l’être Valse avec Bachir (Ari Folman, 2008). On ne voit pas l’envergure de la guerre comme dans Apocalypse Now, on est au coeur du conflit tel que le voyait un simple soldat sans autres contacts avec l’extérieur et la hiérarchie que ses officiers. C’est ainsi le visage de la guerre dans toute sa vérité qui explose à l’écran. 

La scène finale termine d’installer Platoon dans une contestation qui prend alors la forme d’une mise en garde. Le discours de Chris, blessé nous l’affirme. Une image, cependant, est encore plus parlante : la vue depuis son hélico de secours composée d’un charnier aux dimensions extraordinaires dans lequel sont rassemblés par des GIs mal en point les corps des Vietcongs éparpillés un peu partout sur le front.

Mark Bowden, 1968
Photo qui inspirera l’une des plus célèbres scènes de Platoon

Platoon c’est une autre vision de la guerre et de l’Amérique. Le film fit largement polémique à sa sortie et son réalisateur reçut nombre de menaces de mort. Il est également à noter qu’il fut interdit au Vietnam en raison de la description qui était faite de son peuple. Stone nous place dans la peau d’un soldat sur le terrain pour un témoignage immersif au discours philosophique. Le choix de sortir ce film quelques années seulement après la fin du conflit lui permet alors d’appliquer ses propres commandements. “Ceux qui ont survécu ont le devoir de reconstruire et d’enseigner ce que nous savons”, déclare Chris à bord de l’hélico infirmier. 

Oliver Stone n’aura alors de cesse d’apporter critique et contre vision de l’Amérique afin que plus jamais une guerre aussi insensée n’ai lieu. 

Pour aller plus loin : 

https://www.franceinter.fr/emissions/si-l-amerique-m-etait-contee/si-l-amerique-m-etait-contee-25-janvier-2014