La recherche du bonheur. L’Illumination. Vaste sujet. Cette problématique emmène son lot de questionnements douteux et de phrases bateaux.
La route de l’initiation est toutefois largement représentée au cinéma et dans la littérature. Cette thématique figure ainsi un genre à part entière au sein de laquelle la route devient le symbole du chemin vers le sens de la vie.
Le Little Buddha de Bernardo Bertolucci (1993) et Hector et la recherche du bonheur de Peter Chelsom (2014) réussissent cependant à explorer le thème de façon légère et sans (trop) de clichés.
Commençons par un petit point scénario: Hector est un psychiatre londonien à la vie bien ordonnée et sans remous. Il s’enfonce cependant petit à petit dans une profonde crise existentielle : qu’est ce que le bonheur ? Suis – je heureux ? Et sinon, comment l’atteindre ? Il part alors sur la route afin de trouver des réponses et (pourquoi pas ?) l’épiphanie tant souhaitée. Notons qu’il s’agit bien de l’adaptation du roman éponyme de François Lelord paru en 2002.
Little Buddha, quant à lui prend les traits de Jesse, petit garçon américain qui serait la réincarnation d’un grand maître bouddhiste. Un vieux moine le prend alors sous son aile et le guide sur les voies du Buddha à travers les aventures du prince Siddhartha.
Leurs castings respectifs sont plutôt réussi avec, notamment, Simon Pegg (Shaun of the Dead) dans le rôle d’Hector pour l’un et Keanu Reeves (Matrix, John Wick..) pour l’autre. Des compagnons de routes 4 étoiles pour un voyage inspirant au cours duquel la route se fait véritable chemin initiatique voire fantasmagorique.
L’élèv(ation)
Les deux oeuvres permettent ici une vraie identification au personnage principal. L’élève est aussi et surtout le spectateur après tout. Si elle est assez évidente pour Hector,Jesse cristallise également une vision certaine du spectateur.
L’aventure d’Hector c’est un peu celle de Mr. Tout le monde finalement. C’est en cela que réside son essence “good vibes”. Qui ne s’est jamais interrogé sur le sens de sa vie ? Et surtout qui n’a jamais souhaité tout quitter pour partir à l’aventure ?
On se reconnaît donc très facilement en Hector, bien dans sa vie où rien ne manque sinon l’essentiel, la spontanéité. Une crise du “où vais je ? Dans quel état j’erre ?” que tout le monde traverse un jour ou l’autre.
Jesse, quant à lui, symbolise plutôt l’Homme au début de sa quête de sens. L’individu ordinaire est alors un enfant à qui il faut enseigner les grands préceptes du monde.
De l’art de vivre
L’art tient également une grande place dans le processus initiatique. Il permet, en effet, de visualiser, imager et interpréter l’enseignement qui est alors dispensé au cours de la (ou les) leçons.
Hector, par exemple, emporte avec lui un petit carnet dans lequel il consigne ce qu’il tire de ses péripéties. La route et ses étapes se mêlent au dessin et autres réflexions à la manière du carnet de voyage ou plutôt d’un journal pas si intime. Ce voyage se fait alors tant physique que spirituel. Partir à la recherche du bonheur serait donc partir en quête de qui l’on est et de ce que l’on souhaite. L’apparition d’Hector enfant à plusieurs reprises puis de celui-ci se changeant en homme adulte participe de cette dynamique. Le dessin apporte alors une dimension onirique et mystique à cette aventure.
Jesse, notre little Buddha, lui use de la littérature bouddhiste et notamment des légendes autour de la naissance de cette religion. Le conte est d’ailleurs utilisé dans ses fonctions d’enseignement dès les premières scènes du film ! Le principe du film d’initiation, lui même, est d’ailleurs construit en ce sens rappelons le.
Qu’il soit oral, écrit ou dessiné, la narration est alors présenté comme le moyen privilégié d’illustrer ces leçons de vie.
Eclaircissements
Si les deux oeuvres traitent le même sujet à savoir l’initiation, leur moralité n’est pas tout à fait la même. Ils empruntent cependant tous les deux le même outil, à savoir le voyage donc la Route dans tous ses sens. Elle est, en effet, le chemin physique en ce que chacun des personnages sort de sa zone de confort et part vers le vaste monde. Elle symbolise également le concept légendaire du voyage intérieur.
Hector recherche toutefois un sens à donner à sa vie terrestre actuelle tandis que Jesse se voit offrir une Illumination plus complexe à base de réincarnation. Deux versions qui se rejoignent autour d’une grande question: comment être pleinement vivant. Deux aventures qui se complètent en somme.
La recherche de l’Illumination est donc un thème largement exploré au cinéma. Marqué par les problématiques de chaque époques, le message distillé, si il est toujours plus ou moins le même en substance s’adapte. L’avancée de la cause écologique voit fleurir ses dernières années quantité de retours à la nature sauvage à l’image de Into the Wild (Sean Penn, 2007). Little Buddha et Hector et la recherche du bonheur traitent principalement de l’homme face à son propre mysticisme dans une société toujours plus mondialisée. On notera toutefois que si Little Buddha a reçu la Caméra d’or de Berlin en 1994, Hector peine à se détacher du lot (assez impressionnant) d’oeuvres initiatiques.
“En faisant ce film, je voulais rappeler des choses qui ont fait mes films mais aussi les remettre au présent” .
Le 29 mars 2019, Agnès Varda s’éteint à Paris. Une vague d’émotion soulève le monde culturel. L’ouverture du festival de Cannes 2019 sera d’ailleurs l’occasion de lui rendre un hommage en grande pompe avec le discours d’Edouard Baer et le (très beau) “Sans toi”, tiré de la BO de Cléo de 5 à 7 (1962) interprété par Angèle.
Agnès Varda c’était une artiste prolifiquement curieuse. Agnès Varda c’était une figure de la Nouvelle Vague française. L’une des seules féminines d’ailleurs.
Agnès Varda c’était avant tout Agnès. Accessible. Indubitablement moderne. Libre.
Son dernier film, Varda par Agnès (2019), fut disponible sur Youtube via la chaîne Arte cinéma suite à sa disparition. Autoportrait en forme de travelling documentaire discontinu, Agnès explore la Mémoire(s) de Varda comme une dernière masterclass.
L’influence de la nouvelle vague
Agnès commence sa carrière en tant que photographe avant de se lancer dans le cinéma un peu comme ça, au hasard de sa curiosité. Elle réalise alors son premier long métrage, en 1955, La pointe courte et, déjà, les traits de son style bien à elle se font sentir.
L’influence de son époque tout d’abord. Il s’agit, en effet, des débuts de la période “hippy” et surtout, surtout, de la Nouvelle Vague. Période mouvementée s’il en est.
Elle fut la femme de Jacques Demy et amie de Godard et Jim Morrison. Son oeuvre tant cinématographique que plastique et photographique est imprégnée de ces influences et de ce rapport au monde si caractéristique.
Varda par Agnès ne fait pas exception. On retrouve la très grande importance accordée au montage mais aussi à la couleur, à la musique et la diction. Le film n’est plus seulement un conte narratif, mime d’une quelconque réalité. C’est une oeuvre complète tant au niveau de sa narration que de son identité visuelle ou musicale.
Elle teste. Elle invente. Elle s’amuse avec la caméra et le spectateur comme, par exemple, avec son “fondu à la couleur” (parce qu’après tout pourquoi n’aurions nous que des “fondus au noir” ?)
Exploratrice du regard
Agnès Varda est avant tout une très très bonne documentariste. Le mouvement des Blacks Panthers, le combat pour l’avortement ou encore la Guerre du Vietnam (1955-1975) sont passés devant son objectif.
Elle filmera néanmoins en priorité ce qui se trouve près d’elle. Le quotidien, les gens et les lieux qu’elle connaît. Elle recherche principalement ceux qu’elle appelle “les vrais gens”. Ces personnes, ces lieux et ces situations de tous les jours qui lorsque l’on y accorde un regard révèlent tant. C’est ainsi le regard que nous portons aux choses du monde qui interroge Agnès.
Ce n’est donc pas un documentaire au sujet d’elle même que nous livre la réalisatrice. Il s’agit là, en effet, beaucoup plus d’une balade, au gré de sa mémoire, certes, mais également de ses idées. C’est une réelle causerie entre Agnès et l’objectif, son vieil ami, support d’un regard magnifié.
Le regard ne devient cependant oeuvre qu’une fois réfléchi et travaillé. Notre inconscient est ainsi le filtre premier ; au cinéma, c’est le montage.
“Je signe tout mes montages.(…) C’est la vraie écriture au cinéma”, déclare Agnès à Léa Salamé pour l’émission Stupéfiant ! Fidèle à ses premiers amours cinématographiques, elle use et s’amuse du montage pour créer le discours mais aussi et surtout l’émotion souhaitée. Le montage devient ainsi le principe de notre imaginaire qui se superpose à l’image perçue par la caméra ou l’oeil. La causerie/mémoires de Varda par Agnès ne déroge pas à la règle et nous propose une pérégrination aux côtés de ce et ceux qui l’ont inspiré.
Paysage mental
Varda par Agnès trouve ainsi sa place au sein de son oeuvre complète en ce qu’il regroupe ses inspirations mais aussi ses réflexions et confessions. C’est un véritable journal intime artistique qu’elle nous dévoile. Il est à remarquer, par ailleurs que Varda aime à distiller des bribes d’Agnès au sein de ses productions en général, à divers degrés.
Les deux causeries, ici, revêtent cependant un caractère plus intime. Agnès revient sur ce qui a fait Varda. Dates, lieux, personnes, réflexions, tout est présent dans ce carnet de croquis qui se transforme au fil de la timeline en un carnet de voyage coloré et bien rempli.
“Si on ouvre les gens, on trouverait des paysages. Si on m’ouvrait, on trouverait des plages”, s’amuse Agnès, dans sa chaise de direction, face à la mer.
Une sociologie de l’imaginaire
Varda par Agnès c’est donc une entrée dans la réflexion de Varda presque comme une masterclass. Le déroulement et les choix autour du film viennent ainsi illustrer les confessions contées et rythment la balade.
Cette réflexion autour du cinématographe mais encore plus autour de l’art et du regard font de son oeuvre entière un recueil ludique et presque sociologique.
La question de l’image, notamment, est au centre du discours et permet ainsi d’appuyer le rapport entre image et imaginaire. Elle interroge ainsi tant ce que l’on voit que notre perception du réel et surtout sa hiérarchisation.
Pourquoi prête t on plus attention à certaines choses ?
Qu’est ce qui fait que je ressente cela à la vue de ceci ?
Pourquoi cela est il comme cela ? Ne pourrait il pas être comme ceci ?
Elle insiste principalement et surtout sur “(l’importance) de filmer des choses que l’on ne comprend pas. Parce que même au cinéma, c’est important de sentir, d’éprouver”.
Il est très compliqué d’écrire à propos d’Agnès Varda, autant l’oeuvre que le personnage. Outre l’émotion de son décès, encore trop récent, Agnès c’est une oeuvre plutôt conséquente. Elle fut prolifique autant en quantité qu’en qualité. Son travail fut comme sa vie divers et ludique. Il est surtout accessible et ouvert à la réflexion face à notre perception individuelle. Celle ci en retire alors ce qui lui plaira comme un miroir. Un journal intime collectif et pour tous.
“C’est comme cela que je finis cette causerie. Je disparais dans le flou. Je vous quitte.”
Voilà. Agnès a finit sa causerie. Elle s’enfonce dans la brume. Elle part vers on ne sait où. C’est fini.
Une suite à Blade runner ? S’attaquer à un tel monument est risqué. Un casting de rêve et un patrimoine ADN cultissime permet cependant d’espérer une oeuvre de cinéma et non un énième remake. La sortie de séance me laisse mitigée cependant…
L’HERITIER Petit point scénario: La ségrégation humains contre répliquants n’a pas été levée. La nouvelle génération d’androïde est même réduit à l’état de parfaits esclaves obéissants. Toutes traces de la rébellion ainsi que ces initiateurs ont été annihilés. C’est dans ce climat que l’officier K interprété par Ryan Gosling opère en tant que Blade runner. Sa vie est rythmée par sa femme virtuelle et ses missions pour l’administration humaine quand il découvre un secret qui pourrait tout changer. Il se fait alors, à son tour, proie. Son seul espoir est de retrouver un ancien blade runner porté disparu… Rick Deckard. On peut être déçu par ce scénario qui, certes, est plutôt prometteur mais n’a rien d’original ni de révolutionnaire. Le jeu des acteurs n’a néanmoins rien à se reprocher même si on a connu de meilleurs jours à Jared Leto. Le scénario laisse cependant une importante impression de déjà vu après l’essor des Hungers Games, Ghost in the Shell et autres Her. Pire encore, la lenteur contemplative de l’action ne va qu’en se renforçant jusqu’à faire naître un sentiment d’ennui au milieu de la projection. Si le film n’apporte donc pas la profondeur de lecture du premier volet, il intègre cependant une réflexion assez joliment amenée. C’est la notion d’humanité elle-même qui est ici questionnée. Est elle l’apanage de l’être humain ? Quelles limites donner à l’organique au vu des progrès technologiques ? Autant de questionnements qui s’adaptent comme un écho à notre époque. Tout ceci orchestré en trois grands actes qui font de Blade Runner 2049 un véritable opéra au visuel industriel, ponctué de néons et de grognements métalliques assourdissants.
UN OPERA C’est justement son aspect visuel qui fait de ce film un véritable petit bijou contemplatif. Chaque plan est orchestré avec brio. Une scène, principalement, cristallise ce chant tragique entre processeurs et coeurs naturels. On a le souffle coupé à la vue de cette répliquante qui naît sous nos yeux et ceux de K. La caméra sépare ici complètement l’être technique de l’être organique pour interroger ensuite une possible fusion. Organisme technique et organique se mêlent afin de créer un nouveau vivant et ouvrent ainsi sur une nouvelle dimension. Cette scène regorge alors à elle seule d’un milliers de questions tant par sa beauté que par ce qu’elle implique.
La puissante technologie se rappelle d’ailleurs au spectateur tout au long du film et complète l’ambiance par un fracas assourdissant qui ponctue l’action à intervalles réguliers comme pour rappeler la tension qui se joue à l’écran. L’adaptation et l’évolution de l’ambiance noire du film de Ridley Scott est également bien présente. Si l’on retrouve l’ambiance apocalyptique et très Soleil vert, le néon et l’hologramme coloré ajoutent une touche post XXIe qui s’intègrent assez dans le paysage urbain de 2049. L’esthétique cypher punk règne alors sur cette ambiance apocalyptique bondée où l’individu n’est plus. K n’est pas unique mais un numéro de série. L’être se perd au milieu de la masse sombre des personnages qui contraste avec les publicités colorées.
LA SUITE… L’esthétique vient ici sauver ce qui aurait pu être un énième film de science fiction. Il s’agit d’une suite, effectivement, en ce que la réflexion suit ici une véritable progression vis à vis du premier opus. C’est un exercice difficile, il est vrai, en ce que continuité doit co-exister avec un certain renouvellement. Blade runner 2049 réussit cependant à ne pas se départir de l’héritage de son énorme prédécesseur. Il paraît cependant soumis à ce dernier et ne parvient pas vraiment à se fonder une identité propre. Ryan Gosling s’efface devant Harrison Ford de même que Blade runner 2049 laisse la place au premier opus. Le renouvellement promis est alors caduque.
UNE JOLIE COQUILLE VIDE ? Blade runner 2049 par une esthétique et un traitement sonore travaillés, figure un véritable opéra contemplatif. Il n’arrive cependant pas à convaincre totalement et soulève ainsi bon nombre de questions sur le genre même de la science fiction et son avenir. Le nouveau ne parvient pas à se créer une identité propre face à l’ancien. Un hommage aux premiers classiques du genre se transforme en suprématie de ceux ci de sorte qu’un cercle vicieux narratif se met en place. Le questionnement eugénique est aujourd’hui, en effet, le sujet central étudié par bien des aspects sur le grand mais également le petit écran. La série Westworld ou encore les films Ghost in the shell et Her en sont pour preuves. Blade Runner 2049 n’apporte alors aucune nouveauté de traitement d’une thématique déjà bien usée. Le film délaisse sa recherche d’identité propre pour la noyer dans de belles (il est vrai) images techniquement (re)travaillées, à l’instar de K et de ses concitoyens. Le syndrome Star Wars VII règne encore en maître sur les salles obscures. On peut alors se questionner sur un possible renouvellement narratif du genre ou si l’on ne peut plus espérer que de jolis et aveuglants bijoux.
C’est au cours d’un partenariat avec l’exposition J’y crois, j’y crois pas autour de la sorcellerieau Champs libres à Rennes que le ciné-club Le Tambour choisit de consacrer une soirée autour de cette question. Le couple art et ésotérisme accouche souvent d’enfants hors normes et c’est donc intriguée que je me suis rendue à la projection.
La séance de 20h30 était consacrée à l’oeuvre du thaïlandais Apichatpong Weerasethakul Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses viesantérieures tandis que celle de 18h projetait la version 4K de 2016 de la Belladonna of Sadness de Eiichi Yamamoto.
Un peu de contexte avant toute chose:
Il s’agit là du troisième opus d’Animerama, série de trois animés pour adultes, d’Oamu Tezuka dont l’influence reste visible même s’il n’a pas participé à la réalisation. Sa sortie en 1973 rencontre un faible succès malgré une nomination à l’Ours d’or au Festival de Berlin. Belladonna est notamment le dernier film des studios Mushi Production avant la faillite de ceux-ci. Dernière pièce du triptyque de Tezuka, il s’agit là d’un véritable ovni.
Ce chef d’oeuvre visuel a cependant inspiré et inspire encore de nombreux artistes tout domaines confondus.
La figure de la sorcière: un pamphlet féministe
Le synopsis s’inscrit dans l’époque médiévale. Deux paysans, Jean et Jeanne s’aiment et vont demander l’autorisation du seigneur du village afin de se marier. Celui-ci fait néanmoins valoir son droit de cuissage et laisse sa garnison violer sauvagement la pauvre Jeanne. Les deux jeunes gens, traumatisés ne s’en remettront pas. Jean, honteux et déshonoré, délaisse Jeanne qui s’enfuit dans la forêt et pactise avec le Diable.
Il est très rapidement visible que l’inspiration première de la Belladonna est le traitement de la figure de la “Sorcière”dans la littérature contemporaine. La plus grande influence de toute semble ainsi être Jules Michelet et son essai éponyme, La Sorcière.
Le réalisateur tout comme l’écrivain s’intéresse ainsi à l’image et au pouvoir de la gente féminine dans une société largement dominée par les hommes. La sorcière, grande prêtresse et autre ensorceleuse est, en effet, devenu depuis quelques décennies une sorte d’icône de la lutte pour l’empowerment des femmes. Ce dont il s’agit ici, en effet, c’est d’une femme bafouée qui se transforme alors en un symbole de révolte mais surtout.. de puissance, d’autorité et donc un dangereux ennemi du pouvoir en place.
L’être charismatique se fait créature du démon, condamnable. L’usage de l’animation permet alors d’appuyer un propos qui se veut dénonciateur. Il permet également et surtout d’instaurer un dialogue avec le subconscient du spectateur sans en retirer quelque violence.
Le discours de Jules Michelet s’inscrit alors dans la mouvance de libération sexuelle mais aussi féministe en pleine expansion au moment de la sortie de cette Belladonna sur les écrans.
Sex, drugs et kaléidoscope
Ce qui fait de ce film un véritable objet non identifiable c’est avant tout son univers esthétique. Lui aussi s’inscrit dans son époque et porte la marque de cette période prolifique dont elle emprunte une certaine attirance pour le kaléidoscope et le mandala.
Polymorphe, le graphisme alterne fusain, papier collé, aquarelle et encre sous la direction artistique de Kurni Fuksi. On y retrouve de nombreuses références picturales telles que Gustav Klimt ou l’Art Nouveau. La représentation du viol ou, encore des sabbats païens dans la forêt emmenés par Jeanne sont imprégnés de cette esthétique psychédélique presque psychotique. La suggestion furieuse et organique des couleurs et des formes permet ainsi de traduire une violence qui surpasse le visible.
C’est ainsi dans un véritable trip embrumés de vapeurs de belladone et de LSD que nous plonge la Belladonna of sadness à la suite de ses fidèles. Un sabbat coloré enlevé par une bande son superbe pour une oeuvre et un combat qui n’ont (malheureusement) pas pris une ride.
Les graphismes, la musique … chaque partie du film de Eiichi Yamamoto est un véritable chef d’oeuvre. La musique originale de Massako Satô a d’ailleurs fait l’objet d’un vinyle tandis que le maître Hayao Miyazaki avoue avoir été fortement influencé par le travail d’Eiichi Yamamoto sur cet Animerama. Quoiqu’il en soit, et malgré une violence certaine du discours, Belladonna of Sadness est une formidable expression du bouillonnement artistique et sociétal de son époque.