L’homme peut il survivre sur une autre planète ? Notre niveau scientifique et technologique actuel nous le permet il ?
C’est la question que se pose Andy Weir lorsqu’il publie en 2011 son premier roman The Martian. Celui-ci, qui parut tout d’abord en version électronique (via Amazon) puis sous format papier en 2014, est très vite devenu un véritable best seller. A tel point que la même année, Weir vend les droits aux productions Scott Free Productions. Son adaptation sur grand écran sort alors en 2015 sous la direction de (Monseigneur) Ridley Scott avec en lead role Matt Damon.
S’il passe relativement inaperçu face à un autre survival movie, le retentissant The Revenant (aka le sacre de Dicaprio), il figure une pierre solide à l’édifice de ce genre qui peut se révéler glissant.
Côté scénario: Lors d’une expédition sur Mars, l’astronaute Mark Watney est laissé pour mort par ses coéquipiers, une tempête les ayant obligés à décoller en urgence. Mais Mark a survécu et est désormais seul sur une planète hostile. Il va devoir faire appel à son intelligence et son ingéniosité pour tenter de survivre et trouver un moyen de contacter la Terre à 225 millions de kilomètres.
Comment s’en est donc sorti Ridley Scott avec son escapade martienne ?
Un ADN racé
Seul sur Mars c’est avant tout un maître à la caméra, j’ai nommé Ridley Scott ! Le réalisateur d’Alien (1979) et Blade runner (1982) n’est pas un complet étranger des épopées SF. Son style aux visuels superbes est ici quelque peu difficile à déceler cependant. Les représentations de la planète rouge sont magnifiques sans nul doute mais elles semblent bien secondaires faces aux péripéties bien rôdées de Mark Watney. Car oui! Si Scott nous a habitué à une maîtrise fluide de l’action, sur Mars tout se passe presque trop bien pour notre Robinson spatial comme pour le scénario.
Cependant, et malgré un manque de fantaisie certain, la machine fonctionne bien. La performance de Matt Damon y figure d’ailleurs un ingrédient de choix. Celui-ci fut d’ailleurs récompensé en 2016 par le Golden Globes du meilleur acteur dans un film musical ou une comédie. Le second survival de l’affiche 2015, The Revenant sera d’ailleurs également récompensé par la même cérémonie avec le Golden Globes du meilleur acteur dans un film dramatique pour Leonardo Dicaprio. Les deux films semblent alors comme figurer les deux versants du miroir. L’un est très psychologique, sombre voire mystique tandis que le second est beaucoup plus optimiste mais surtout beaucoup plus pédagogique !
Ridley, fidèle à lui même, réussit tout de même le pari de nous tenir en haleine tout au long du film (et ce malgré quelques moments d’égarement). La scène du sauvetage si elle est somme toute assez classique, nous laisse le coeur battant !
Et la science dans tout ça ?
Andy Weir, lorsqu’il s’attèle à la rédaction de The Martian, fait appel à des scientifiques spécialisés pour l’aider dans la construction scientifique de son récit. Quelques libertés sont prises afin d’asseoir le dramatique de la narration effectivement mais une grande partie des explications sont avérées. Non la puissance de la tempête qui causera la perte de Mark n’est pas vraisemblable. On peut cependant bien fabriquer de l’eau et faire pousser des plantes sur Mars ! Thomas Pesquet le fait déjà sur l’ISS d’ailleurs.
Seul sur Mars gère donc avec brio une dimension qui n’admet pas l’erreur: la vulgarisation scientifique. Ridley Scott (et Andy Weir) réussit à distiller des explications véritablement scientifiques sans nous ennuyer une seconde ! Il nous intéresse même !
Il s’agit alors, certes, d’un film de science fiction dans le sens où il s’agit bien d’une projection, nous ne sommes pas encore allés sur Mars ni n’avons expérimenté d’aussi long moment en dehors de notre confortable (mais sympathique) orbite terrestre, mais c’est bien de science que nous parle Mark.
Mars est la planète la plus connue du système solaire après la Terre. Nous avons donc déjà beaucoup d’indices sur sa composition et sa géographie grâce aux multiples satellites et Rovers envoyés là bas. Nous avons donc déjà une bonne connaissance du trajet et des conditions de survie sur la planète rouge. Ce qui nourrit d’ailleurs les rêves de nombres de scénaristes mais aussi de scientifiques et d’entrepreneurs comme le patron de Space X, Elon Musk.
La pomme (de terre) de la discorde
“Lorsque l’on a fait pousser quelque chose sur une terre vierge, on a colonisé cette terre”, déclare Mark Watney/Matt Damon au milieu de ces plantations de patates, citant l’université de Chicago. L’affirmation a de quoi faire réagir. Elle semble, en effet, comme un reflet de notre attitude présente face à la conquête spatiale mais aussi de celle que nous avons avec notre propre planète.
Plus tard, cependant, il ajoute que chaque pays qui participe de près ou de loin à l’exploration spatiale aurait ratifié le traité indiquant qu’aucun n’est autorisé à revendiquer un territoire spatial. Ces derniers se trouvent alors en eaux internationales. Les revendications de politique interne à l’Humanité sont donc exclues de la discussion (et c’est tant mieux). Mais qu’en est il à l’échelle de l’espèce humaine ? Mark peut il se revendiquer ainsi “premier colon martien” ?
Ridley s’intéresse également à une face de l’exploration spatiale que l’on voit (malheureusement) assez peu : la psychologie de ou des explorateurs. Mark doit, en effet, survivre seul sur une planète étrangère, sans ressources, sans moyen de communication et avec très peu de vivres. Il commence alors tout de suite ses calculs de rations et réfléchit à une stratégie agricole. Là où beaucoup se serait donné la mort de désespoir, Mark ne faiblit pas et entre tout de suite en action. Un instinct de survie incroyable qui est d’ailleurs l’un des critères de sélection au cours du recrutement spatial. Chaque astronaute doit, en effet, comme un militaire, rester calme face à la difficulté et prendre les décisions qui s’impose pour la survie de sa mission, celle de son équipe et surtout la sienne propre.
Ridley Scott avec Seul sur Mars ne signe donc pas sa Chapelle Sixtine. Un scénario somme toute assez classique et convenu ne nous permet pas d’être transcendé comme par un Blade Runner. Il explore cependant avec brio la dimension scientifique de l’exploration martienne voire même spatiale. Le personnage attachant de Mark Watney fait alors figure de professeur de physique/biologie dans un conte scientifique qui nous donne envie d’en savoir plus.