“Aucun homme n’est une île, complet en soi-même; chaque humain est une partie du continent, une partie du tout”, John Donne in Devotions (1624)
Cette leçon essentielle, Robinson, Chuck Noland (Seul au monde, Robert Zemeckis, 2001) ou encore Pi Patel (L’Odyssée de Pi, Ang Lee, 2012) l’apprennent brutalement.
Le film de survie (ou, en anglais, le “Survival”) est aujourd’hui un genre cinématographique à part entière et sous catégorie du film d’aventure. Le pitch met ainsi en place un personnage ou un groupe de personnages qui se retrouvent brutalement bloqués en milieu hostile. Isolés de la civilisation, le ou les protagoniste(s) ne peuvent alors compter que sur leur ingéniosité pour survivre.
La solitude mais aussi la vie en pleine nature amène alors son lot de questions et réflexions philosophiques. Le personnage autant que le spectateur est ainsi amené à réfléchir au sens du monde qu’il s’est construit (ou que l’on a construit pour lui) et à remettre en perspective sa place en tant qu’être humain et maillon d’un écosystème fragile.
La définition même de ce milieu hostile évolue au cours des explorations et de l’expansion des sociétés. Initialement, on retrouve l’île perdue en plein océan. Petit à petit, cependant, l’homme s’aventure aux confins de son univers. La nature coupée du monde et, surtout, de la technologie reste cependant un classique inépuisable de (re)mise en perspective de nos vies.
Les Robinsons, plus qu’une aventure quelconque, appellent ainsi à une prise de recul sur ce qui fait sens dans nos vies humaines. Contact humain, nourriture, eau, temps… sont ainsi des luxes qu’une telle aventure nous fait apprécier.
Nos survivals préférés :
Robinson Crusoe, Rod Hardy et George Miller (II), 1997
Aussi appelé par la presse, “The Prince of Puck” (FR: Le prince du vomi), le réalisateur John Waters est une figure indétrônable du cinéma.
Né aux alentours de Baltimore en 1946, il s’est fait connaître par ses films et son attitude résolument provocatrice. Attitude qu’il cultive depuis son enfance dans une école catholique qui forgera son humour corrosif et dénonciateur. Ouvertement gay, il n’hésite pas à parler crûment à l’antenne au grand dam des présentateurs et autres producteurs qui ont bien du mal à le contenir.
John Waters, le ver dans la pomme hollywoodienne
Impossible d’oublier un film de John Waters ! D’abord cinéaste underground, faisant débat au sein même des communautés marginales qu’il défend, il est désormais reconnu comme un grand artiste. Il fait aujourd’hui parti des grands de ce monde qu’il a tant déconstruit. La plus grande des ironies pour le citer directement. Le réalisateur insiste cependant “Je n’ai pas changé. La société, oui” (discours de remise des diplômes de l’école de design de Rhode Island, 2015). Une société qu’il n’a cependant de cesse de questionner à coups d’humour cru voire très (très) cru. C’est donc à base de snuff movies qu’il dissémine (plus ou moins) discrètement son indignation et ses uppercuts sociétales. Pink Flamingos (1972), Female Trouble (1974) ou encore Desperate Living (1977) sont ainsi le cri de la communauté underground, ceux que l’on nomme les “freaks”. Point de maître cérémonie ici, les monstres choisissent ici eux-mêmes leurs numéros de cirque. Un seul objectif: pousser le concept de dégoût à son maximum.
Divine et le contre pouvoir de l’artiste
La Water touch c’est l’excès dans tous les domaines mais surtout du mauvais goût. Le réalisateur, d’ailleurs, s’en revendique. La caméra est son arme et le trash, sa munition. Le tout doit être enrobé de suffisamment d’humour et de second degrés. “Rappelez vous, si vous arrivez à faire rire un idiot, au moins vous l’aurez fait écouter avant qu’il fasse quelque chose de stupide”, explique-t-il pendant son discours aux diplômés 2015 de l’école de design de Rhode Island.
Le réalisateur, par l’invraisemblance des situations qu’il s’agisse d’une drag queen qui se viole elle même, de trafic humain ou de l’envoi d’excréments par la poste , montre l’invraisemblance du rejet de situations qui sont, de fait, minimisées (ex: l’homosexualité, le travestissement…).
La violence avec laquelle on brise les codes à l’écran se nourrit ainsi de la violence qu’ont subit ses communautés et surtout de leur colère accumulée.
La drag queen Divine, aka Glenn Milstead (1945-1988), est d’ailleurs l’incarnation de cette colère. Jeune homosexuel martyrisé et solitaire lorsqu’il rencontre John à l’école, il se métamorphose à l’écran en un personnage rocambolesque et haut en couleur. Il apparaîtra dans presque tous les films du réalisateur et deviendra une figure du monde de la nuit et des milieux queer, jusqu’à sa disparition brutale en 1988 des suites d’une fibromyalgie .
Pour entrer dans le monde de John et de ses dreamlanders (nom donné à son équipe), petite sélection des grands classiques qu’il faut avoir vu au moins une fois:
Attention : Ces films sont, pour la plupart classés violent, obscènes et autres joyeusetés. A ne pas mettre sous toutes les paires d’yeux.
En ce mois des fiertés il nous était impossible de ne pas parler de la magnifique série Sense8 (2015, Lana et Lilly Wachowski).
Quelle série mieux que celle-ci pourrait mettre en avant la tolérance.
Elle retrace le parcours de huit individus à travers le monde reliés de manière surnaturelle. Ainsi chacun a accès aux compétences et savoir de l’autre. On les appelle alors les Sensitifs. L’intrigue prend place lorsqu’une femme se suicide dans les ruines d’un temple. La connexion entre nos héros est alors activée et chacun partage les expériences de l’autre. Mais ils ne sont pas les seuls à posséder ces pouvoir et une organisation aux motivations douteuses tente par tous les moyens de les capturer.
L’idée de départ intervient après « une conversation à propos des façons dont la technologie nous unit et nous divise mutuellement ». Les soeurs Lana et Lilly Wachowski décident alors d’explorer les liens entre l’empathie et l’évolution dans l’humanité tout en mettant en avant des thèmes tels que la politique, la religion, l’identité, la sexualité ou encore le genre.
Ses réalisatrices, Lana et Lilly Wachowski, mettent un point d’honneur à se distinguer par la diversité de leur casting. Ce n’est pas étonnant quand on sait qu’elles-mêmes ont opéré un changement de sexe. Ainsi une des actrice est transgenre, il s’agit Jamie Clayton l’interprète de Nomi Marks. Quant au reste du casting il est de nationalité très variée : Afrique, Corée du Sud, Inde, Allemagne, Angleterre, Espagne, États-Unis.
Autre particularité à noter, les scènes qui se déroulent dans des pays étrangers ont été réellement tournées dans ces pays. Le tournage a eu lieu dans 9 villes de 8 pays différents. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la série a pris fin coûtant trop chère à réaliser.
Sense8 est une ode à l’amour, la tolérance et la fraternité. Elle est une série qui fait profondément du bien. Mêlant rire et pleurs, nous avons le sentiment d’être connecté avec ses personnages et de ressentir chacune de leurs émotions. Si la série est parfois dans l’excès, elle nous aura touché par son message bienveillant et optimiste.
Est il besoin de définir ce qu’est une drag queen au temps de Rupaul’s et du succès de sa Drag Race ? Un peu oui ! Il existe encore tant de clichés et d’incompréhension autour de ces queens.
Une queen donc est un homme ou une femme (même si homme plus médiatisé) qui crée une identité féminine basée sur des archétypes féminins extravagants à la manière d’un jeu de rôle. Il convient toutefois de les différencier du français “transformiste” (en: female impersonator) qui va le plus souvent parodier des célébrités. La drag queen, au contraire, va créer toute une identité spécifique à son personnage le plus souvent à but de divertissement comique.
Make up, couture, danse et lip sync sont les bases de la discipline. Le plus important, toutefois, est l’attitude et la personnalité ! La drag queen est là avant tout pour le show.
L’un de ses représentants les plus célèbre est l’américain Rupaul. Icône aux USA, il chante, il fait le show et surtout il professe la liberté d’expression et le self love. L’interprète de Cover Girl use ainsi de sa voix et de son influence depuis 2009 avec la fameuse émission Rupaul’s drag race (disponible sur Netflix) qui met en compétition des queens de tous horizons. Le programme a d’ailleurs remporté 3 Emmys (2017, 2018 et 2019) dans la catégorie “Meilleure émission de compétition/ télé réalité”.
Le Drag, au même titre que le voguing, est un art inscrit dans l’ADN de la culture LGBT même si elle s’étend de plus en plus grâce à une médiatisation croissante (merci Rupaul).
A l’écran, les queens sont bien présentes. Qu’il s’agisse de rôles de figuration ou du centre de l’intrigue et si elles n’axent pas toujours leur discours sur le militantisme, leur caractère comique et libéré bouscule les codes.
Kinky Boots, Julian Jarrold (2005)
The Rocky Horror Picture Show, Jim Sharman (1975)
Priscilla, folle du désert, Stephan Elliott (1995)
Danse née dans les années 70 dans les clubs gays et trans aux USA. Elle a notamment connu son apogée à New York dans les années 80. Arrivée quelques dizaines d’années plus tard en France. Le mouvement est encore aujourd’hui extrêmement populaire et s’étend à d’autres strates sociales grâce aux artistes qui continue de s’en inspirer et de le faire vivre: Kiddy Smile (lequel a d’ailleurs joué sur le perron de l’Elysée, rien que ça) par exemple mais surtout Madonna et son “Vogue” qui a permis de faire connaître cet univers au grand public…
Le principe est simple : danser en reproduisant des mouvements inspirés des poses des mannequins et principalement du magazine Vogue des années 60’s. Au fil des années, le répertoire et le vocabulaire s’est diversifié. On retrouve principalement des termes anglophones, héritage de la scène new yorkaise, comme le Death Drop, le peeling…
Historiquement, les danseurs se regroupent en “houses”. Lesquelles portent la plupart du temps des noms inspirés des grands couturiers et marques de luxe. Ces houses dirigées par un “Père” ou une “Mère” s’affrontent au cours de “ball”. Celle ci permettaient (et permettent encore) à la communauté LGBT et surtout la communauté noire et latino LGBT de se rassembler, d’échanger et de revendiquer une identité communautaire.
Si elle décline un peu au cours des années 1990 (notamment en raison de l’épidémie du sida qui a énormément impacté la communauté tant médicalement que dans l’opinion publique), elle n’a pas disparu totalement et revit aujourd’hui grâce à de nouveaux adeptes parfois même sans revendications particulières. Le voguing est cependant inséparable de son contexte social et historique. Elle crée un univers et un lieu d’empowerment et d’expression de toute une communauté.
Si la culture Vogue est de plus en plus représentée au cinéma (mais pas que), il s’agit souvent de clins d’oeil, de quelques mouvements par ci par là. Encore un peu discret mais bien présent ! On vous a tout de même préparer une petite sélection des films qui mettent en avant ou qui tourne autour de cette ballroom scene :