Couverture: Minority Report, Steven Spielberg (2002)
Une machine à apparence humaine et qui servirait nos intérêts est une idée aujourd’hui bien répandue. Tâches ingrates, impossibles à l’homme mais aussi espionnage ou prostitution, la liste de ses usages ne semble pas avoir de limite. Au delà du domaine pratique, c’est le rêve de “se rendre maître et possesseur de la Nature” qui se traduit là. La machine c’est un outil fabuleux et encore plus si elle possède l’apparence et les qualités humaines poussées dans leur extrême. C’est bien là que le bât blesse. La machine, plus forte, plus intelligente et plus belle est alors “sur” humaine. Tant qu’elle reste simple exécutante, tout va bien (pour son programmateur du moins). L’avancée des recherches en IA interroge cependant notre capacité à contrôler ce monde que nous avons créée. Le cinéma, miroir des époques et de nos peurs, n’est pas en reste quant à réfléchir autour de la question depuis bien longtemps.
Une ressemblance trompeuse
L’apparence de l’androïde est la première des problématiques. Elle nous ressemble à s’y méprendre. Très vite, on se laisse abuser. C’est d’ailleurs son intérêt premier dans une mission d’espionnage. On ne peut s’empêcher toutefois de ressentir une sorte de malaise, une sensation d’étrange. L’être en face de nous nous ressemble mais elle possède un “je ne sais quoi” qui la rend lointaine voire inaccessible. Elle nous ressemble donc mais elle n’est pas comme nous et c’est ce qui la rend si instinctivement dangereuse.
Programmée par un autre être humain, elle devient arme à l’image d’un Terminator. Elle est aussi sensible aux virus et aux failles de conception ou de défense de son système.
Extrait: Terminator, James Cameron (1985)
Plus la ressemblance est poussée et son système développé et plus c’est inquiétant. Lorsqu’elle atteint une très forte autonomie, c’est une toute autre menace. Cet individu est il réel ? Où est ce un programme voire un bug ?
Le cinéma par ses choix de cadrages, costumes … peut ainsi renforcer cette impression de malaise ou au contraire nous pousser dans une direction ou une autre (ne pas différencier les androïdes des humains ou les séparer totalement). La caméra interrogeant alors cette inquiétante étrangeté de l’androïde.
Extrait: Metropolis, Fritz Lang (1927)
Xénophobie, racisme et autres joyeusetés de l’Autre
L’androïde est problématique quant à son apparence d’inquiétante étrangeté. C’est aussi notre rapport à l’autre et au différent qui est en action ici. Réflexe somme toute instinctif que nous aurions hérité de l’âge de pierre : l’Autre fait peur. On se méfie de celui que l’on ne connaît pas et dont les intentions ne nous semble pas claires. Plus important encore, on se méfie de ce que l’on ne comprend pas. Comment réagir en cas d’attaque ? Comment contrôler si ce n’est cet autre, au moins la situation ?
A l’écran, l’androïde est donc ségrégé, utilisé voire supprimé lorsqu’il devient trop intelligent, trop autonome ou trop … humain. Que penser de la chasse au réplicant de Blade Runner ? De l’évasion d’Ex Machina ? Les exemples ne manquent pas ainsi que les parallèles avec toute autre situation hors écran.
Extrait : 1. Blade Runner, Ridley Scott (1982), 2. Ex Machina, Alex Garland (2015)
L’androïde c’est donc une question plus que d’actualité. L’émission de Jimmy Fallon, par exemple, présente les avancées en terme de robots dans le “Tonight Robotics” tous les ans depuis 2017 prouve d’avancées remarquables. Jimmy cependant ne peut s’empêcher de sursauter lorsque le robot Sophia lui tend la main. La machine dotée d’une IA toujours plus performante est plus que jamais au coeur des débats tant scientifiques que sociologiques. C’est surtout l’occasion pour le cinéma de science fiction de faire ce qu’il fait le mieux: imaginer, émettre des hypothèses et questionner. Celui ci permet alors d’interroger notre rapport à une technique toujours plus connectée, présente et performante. Il interroge également notre rapport à l’autre et ce, dans une situation, où pour une fois, l’Humanité ne semble pas en position de force.
Alors que le Japon révolutionne le monde de la robotique en créant un androïde réceptionniste dans un grand magasin, le monde se lance à la conquête d’un nouveau défi : celui de la création d’êtres humanoïdes.
En ce mois dédié aux androïdes, il nous était impossible de ne pas parler de la série phénomène Westworld.
La série se déroule dans un parc d’attraction futuriste où nous pouvons revivre différentes périodes de l’histoire du monde comme la conquête de l’Ouest aux Etats-Unis. Les visiteurs sont guidés par les hôtes qui ne sont autres que des androïdes. Chaque visiteur peut alors vivre son histoire à sa guise sans se préoccuper des conséquences. Les Hommes peuvent ainsi dévoiler leur vraie nature et laisser libre court à leurs pulsions les plus sauvages.
Mais tout ne va pas se passer comme prévu. En effet, suite à une mises à jour, les androïdes vont être victime de nombreux bugs qui provoquent des dysfonctionnements de comportement.
Extraits : Westworld, J. Nolan et L. Joy
Mais au delà de ce bug certains de ces androïdes vont se montrer plus complexes qu’il n’y paraît et les humains ne seront pas toujours ce qu’ils prétendent être. Ainsi certains égos auront du mal à mourir et laisser la place à la génération suivante.
La série met alors en lumière un fantasme aussi vieux que le monde lui-même, celui de la vie éternelle. Car à travers ses androïdes à l’apparence humaine, qui réagissent comme des humains avec leurs émotions (même si elle sont programmées), c’est le désir d’éternité qui est mis en avant. Notre peur de mourir. Cette étape inévitable à laquelle nous sommes préparés depuis notre naissance mais qui ne cessera jamais de nous effrayer.
Au delà de notre peur de mourir c’est aussi et surtout la peur d’être oublié qui est mis en avant. Je ne peux en dire d’avantages sans risquer d’en dévoiler trop sur l’intrigue de la série. Mais ici le besoin de créer des « vies » humanoïdes est une réponse à la peur de disparaître, d’être oublié ou tout simplement de ne pas avoir le temps de terminer certaines tâche avant l’heure fatidique.
Extrait: Westworld, J. Nolan et L. Joy
Il résulte d’un besoin de reproduction, car après tout cela fait parti de nos instincts primaires. L’Être Humain a besoin de se reproduire. Alors certes, ici la reproduction n’est pas naturelle et elle ne constitue pas en la naissance d’un enfant. Mais il s’agit bien de reproduction. La reproduction de notre être, d’une version de nous qui nous paraît la meilleure, qui nous mettrait la plus en valeur à un âge où nous l’étions.
La question de l’androïde est plus que d’actualité, les avancés sont incroyables et peuvent parfois effrayer. L’histoire nous l’a démontré: de grandes avancés technologiques impliquent de grands changements dans nos modes de vies. La période de l’industrialisation avec le remplacement des hommes par les machines à entraîné de nombreuses suppressions d’emplois, avant, une fois l’adaptation faite, de permettre la création de nouveaux métiers et donc de nouveaux emplois.
Les changements de grandes envergures sont toujours effrayants. À voir à l’avenir si les androïdes ne nous remplaceront pas définitivement dans tous les corps de métier et dans la vie également. Affaire à suivre …
La saison 3 est disponible depuis le 15 mars sur OCS :
L’androïde est un emblème de la science fiction. Un succès qui fut fulgurant dès ses débuts et le place, depuis les années 1990’s principalement, à égale position (voire devant) l’extraterrestre en terme d’occurrence. La peur ne vient plus d’ailleurs mais bien de nos laboratoires. Le développement de la robotique, des réseaux et surtout de l’intelligence artificielle rendent réelles les questions (et surtout les tensions) qui se rapportent à ces machines qui parlent. Parfois désincarnée, comme le vicieux HAL 9000 (2001, l’Odyssée de l’espace, Stanley Kubrick, 1968), la machine peut revêtir un corps et se fondre dans la masse humaine.
L’automate
L’automate est un dispositif reproduisant un ensemble d’actions en autonomie. Au début du siècle dernier, on se passionne pour ses nouvelles machines qui semblent presque magiques. L’idée d’une telle machine à forme humaine fait rapidement son petit bout de chemin chez les inventeurs mais aussi (bien évidemment) chez les auteurs.
Les “puces à l’air” (C3PO, Star Wars V, l’Empire Contre Attaque, 1980), l’automate est rarement très effrayant. Son apparence l’affirme dans son rôle de machine mono-tâche qu’il suffit de débrancher. Il remplit donc plutôt des missions subalternes comme garde du corps ou majordome. Fidèle, il n’abandonne jamais son “grand constructeur” et l’accompagne dans ses aventures.
La première apparition d’un tel robot est attribuée à Méliès dans son court métrage, Coppelia, la poupée animée (1900). Ce film est cependant aujourd’hui disparu. On retrouve l’automate dans The Master Mystery (Harry Grossman et Burton L. King, 1920) ou, plus récemment la saga Star Wars avec le courtois C3PO et Hugo Cabret (Martin Scorsese, 2011).
Le choix de faire jouer les robots par de véritables humains en chair et en os présente plusieurs avantages. C’est une solution moins coûteuse en moyens techniques et financiers. C’est également le moyen de lui faire revêtir une “inquiétante étrangeté”. La machine colle parfaitement au physique humain dans ses moindres expressions. On s’y tromperait.
La machine se fait alors espionne et révèle le danger qu’elle représente pour l’humanité.
1. Metropolis, Fritz Lang (1927), 2. Blade Runner, Ridley Scott (1982)
L’hybride
Montrer à l’écran une créature qui mélange caractéristiques humaines et technologiques peut s’avérer plus coûteuse en terme d’effets spéciaux. Elle est toutefois largement utilisée ces dernières décennies. L’avancée des techniques de créations numériques permet, en effet, une esthétique plus uniforme et surtout une plus grande liberté. Ce type d’apparition révèle également l’angoisse grandissante face à des machines de plus en plus perfectionnées. Proche du cyborg, elle est physiquement et “psychiquement” créée par l’homme et se fond avec lui. Ceci révèle le côté duel d’une telle technologie : si proche et pourtant si différente.
1. Terminator (1984,2019) 2. AI, Steven Spielberg (2001)
Celui qui peut changer de forme
L’animation (et les CGI) est toutefois la technique qui laisse le plus de liberté quant à la création d’une telle créature. Les dessins animés et surtout les mangas présentent ainsi des machines capables de devenir invisibles, de changer de visage ou encore de transformer certaines parties de leur corps. La machine est alors plus qu’humaine. Elle est plurielle et protéiforme. Elle est partout et peut se glisser dans les moindres recoins connectés.
Ghost in the shell, Mamoru Oshii (1995)
Chacune des formes que revêt l’androïde traduit donc une approche différente. De l’automate au répliquant, il cristallise les questionnements de l’humanité face à une technologie qui tend à la dépasser quant à se rendre “maître et possesseur de la Nature”.
L’homme mécanique est l’outil ultime. Une grande logique, une force titanesque et surtout une absence d’émotions en font, en effet, le serviteur idéal. Connu d’abord sous le terme générique “automate”, l’androïde est un robot “qui ressemble à l’homme”. “Andros” signifie, en effet, “homme” en grec et le suffixe “oïde”, “forme”. “Andréïde” est alors le terme unisexe et “Gynoïde” désigne plutôt un automate féminin. De là, dérive l’appellation plus générique de “droïde”, largement utilisée dans la SF.
Ces robots à forme humaine c’est donc l’incarnation du fantasme d’un humain amélioré. Ceux ci, contrairement aux cyborgs qui eux sont un mélange d’organique et de mécanique, sont entièrement technologique. Plus que de l’eugénisme, l’androïde c’est l’idée de se faire démiurge, dieu tout puissant, capable de créer la vie et de la reprendre.
L’androïde c’est aussi cependant la peur de l’humain face à la machine. C’est la cristallisation des inquiétudes de l’homme face à ses faiblesses confronté à une machine si évoluée qu’elle peut le surpasser. L’androïde est double: arme et ennemi, esclave et créature supérieure.
Ces êtres tout de métal conçu c’est donc l’analyse froide. Un androïde c’est une base de données organisée et non biaisée qui prend des décisions logiques basées sur la connaissance et un certain empirisme. Une telle chose n’est pas faite pour vivre mais pour bien pour exister et servir. Il arrive cependant qu’on lui offre des capacités qui tendent à se rapprocher de l’émotion. Cinéma, littérature mais aussi de récentes recherches ne manquent pas de creuser et retourner le sujet. Il s’agit, bien souvent, d’émotions peu “dangereuses” telle que l’attachement à un maître et la loyauté envers celui ci. On ne peut que citer ici le superbe Artificial Intelligence de Steven Spielberg (attention âmes facilement émues, vous en aurez pour votre pixel). Ceci peut amener parfois lesdit “maîtres” à en oublier même le caractère mécanique de l’androïde. Il arrive parfois également que le perfectionnement (ou une erreur de code) amène ces machines à développer une réflexion individuelle et surtout un instinct de survie digne des meilleurs moments du genre humain. L’intelligence logique et analytique de la machine rencontre l’intelligence émotionnelle réservée à l’organique. C’est là que démarre les débats de comptoirs. Qu’est ce qui fait le concept appelé si égoïstement “humanité” (en comparaison avec le “monstrueux”) ?
Toutes ces réflexions et noeuds à la tête amènent surtout un questionnement plus large : qu’est ce qui fait la vie finalement ?
Petite selection (non exhaustive) des classiques de la question. A (re)voir absolument !
Terminator, réalisateurs multiples, 1984 – 2019
AI: Artificial Intelligence, Steven Spielberg, 2001
Image de couverture extraite de la série Alien Nation
Qu’il s’agisse de la lutte contre une invasion, de l’exploration des mondes galactiques voire de la cohabitation entre les différentes patrie de l’Univers, une intrigue autour des extra terrestre sied complètement au format de la série. Utilisés très souvent pour traduire les grands questionnements humains, les petits hommes verts envahissent aussi nos écrans.
Petite sélection des plus cultes de ces séries d’une autre galaxie…
X-Files, créée par Chris Carter (1994 2002)
1. Extrait série Xfiles, 2. Affiche série Xfiles
Deux agents du FBI, Dana Scully et Fox Mulder, sont chargés d’enquêter sur les dossiers non résolus appelés “Xfiles”. De nombreuses situations les confrontent au surnaturel ce qui ne manque pas d’agacer la sceptique Scully et fascine Mulder qui tente de prouver sa thèse d’un complot gouvernemental et extraterrestre. Le souvenir persistant de sa soeur disparue alors qu’il avait 12 ans continue cependant de le tourmenter.
Stargate SG 1, créée par Brad Wright et Jonathan Glassner (1997 2007)
Suite de l’intrigue développée dans le film Stargate : La porte des étoiles (R.Emmerich, 1994), que l’on vous conseille très fortement, la série s’intéresse à l’exploration intergalactique par une équipe militaire dirigée par le colonel O’Neill (interpété par Richard Dean Anderson) à travers la fameuse “porte des étoiles”. Série culte parmi le panthéon des séries, elle s’intègre dans un univers dérivé extrêmement varié avec des jeux vidéos, de société, des romans et surtout ses fameuses déclinaisons sériesques et web sériesque (Stargate Atlantis, Infinity, Univers et Origins).
Futurama, créée par Matt Groening et développée par David X Cohen (1999 2013)
https://www.youtube.com/watch?v=0rY0HJT_CvM
Accidentellement cryogénisé le 31 décembre 1999 alors qu’il livrait une pizza, Fry se réveille mille ans plus tard à New York. Le jeune homme retrouve l’un de ses descendants qui l’engage lui et ses nouveaux amis, Leela et Bender à l’entreprise de livraison Planet Express. Imprégnée de la patte de Matt Groening (Les Simpsons, Désenchanté), à voir absolument.
Star Trek, Gene Roddenbberry (1966 1969)
Extraits série Star Trek Saison 1
Difficile de parler de Star Trek dans un paragraphe, tant son univers est vaste. La toute première apparition de Spok et du capitaine Kirk date, en effet, de 1966 avec Star Trek: La patrouille du Cosmos et relate les aventures d’un vaisseau d’exploration spatiale au cours du 23e siècle. Il s’ensuivra de nombreuses déclinaisons télé mais aussi cinéma, un roman, des jeux vidéos. Un univers extrêmement fourni qui met en scène les grands questionnements de chaque époque tant politique (autoritarisme, géopolitique, lutte des classes..), sociales (racisme, droit de l’homme, féminisme..) et technologique.
Alien Nation, créée par Rockne S. O’Bannon (1989 1990)
Cinq ans après le crash de leur vaisseau dans le désert californien, les extra terrestres se sont mêlés aux humains. Localisés dans la région de Los Angeles, ils sont victimes de discrimination et de racisme. Un peu tombée dans l’oubli, il s’agit là d’une parabole alternative autour de la question encore (trop) actuelle de la xénophobie.
Les envahisseurs, créée par Larry Cohen (1967 1968)
1. Affiche série Les envahisseurs, 2. Extrait Les Envahisseurs
David Vincent les a vus. Une nuit sombre alors qu’il cherchait un raccourci le long d’une route de campagne, il s’assoupit et est témoin de l’atterrissage d’une soucoupe volante. Depuis cette nuit, il n’a de cesse de tenter de convaincre ses semblables. Il faut lutter contre ces envahisseurs qui, sous forme humaine, s’infiltrent sur la Terre dans le but de les coloniser. Avis aux amateurs de science fiction vintage.