#ExploCiné : Extraterrestre / Le monstre

#ExploCiné : Extraterrestre / Le monstre

Qu’ils soient la métaphore de tel ou tel gouvernement, idéologies ou simple moyen d’exorciser la peur de se faire exterminer, les extraterrestres sont avant tout la matérialisation de notre peur de l’autre. L’Autre est différent, déformé, monstrueux, menaçant, dangereux. Il prend maintes formes pour nous traquer, il se glisse dans des conduits ou investit nos corps.

Après avoir exploité les Universal Monsters (Dracula, Frankenstein, la Momie…) et les figures du fantastique, le cinéma d’épouvante s’est très vite emparé de ces nouveaux et redoutables antagonistes aux apparences et pouvoirs sans limites venus d’autres planètes. L’heure n’est plus aux créatures revenues d’entre les morts et les loups-garous, les années 50 voient apparaître la peur du nucléaire, la Conquête Spatiale qui ouvre de nouvelles portes sur des mondes inexplorés et enfin des méchants d’une toute autre nature. Qu’on tombe sur eux dans l’espace ou qu’ils viennent à nous sur Terre directement, leur but est sensiblement le même : nous détruire. À l’inverse des films d’action et de guerre, les films d’horreur préfèrent un extraterrestre plus ou moins unique, qui s’attaque à un petit groupe de personne ou une ville, plutôt qu’une armée contre une nation. 

Danger planétaire / The Blob, Irwin Yeaworth, 1958

Une météorite s’écrase sur Terre, près de la maison d’un vieil homme. Il s’approche de la curiosité, qui s’ouvre en deux et libère une masse gélatineuse rouge qui s’agglutine autour de son bras. Dans sa panique, le pauvre homme part en courant et se retrouve sur la route, rencontrant deux jeunes (Steve et Anne). Après avoir tenté de le libérer du « Blob » sans succès, ils décident de l’emmener chez le médecin..

Même s’il ne fait clairement plus aussi peur qu’à sa sortie, The Blob est aujourd’hui encore un film culte, typique de l’émergence du cinéma de genre. Tout comme la plupart des films sortis dans ces années là, le Blob est une métaphore de la peur de l’autre dans le contexte de Guerre Froide. Le choix du rouge peut autant être attribué à son apparenté avec le sang qu’au communisme. Ceci dit, à l’instar de L’invasion des profanateurs de sépultures, on pourrait avec le recul penser que l’alien maléfique n’est pas une métaphore de l’URSS mais du maccarthysme (système de censure américain anti-communiste).

The Blob a été extrêmement populaire à sa sortie parce qu’il était dans la veine de ces films où les adolescents étaient les héros, le plus souvent opposés à une autorité plus âgée qui refuse de les écouter et en subit les sinistres conséquences. En effet, dès le milieu des années 1950, la jeunesse américaine envahit les salles de cinéma et cherche à trouver des protagonistes qui lui ressemblent. Balayant ainsi le cinéma classique hollywoodien où les adultes prédominent, c’est toute une vague de films qui va virer de bord et donner les premiers rôles à de jeunes acteurs. 

En parallèle, l’avancée de la Conquête Spatiale et les premières affaires d’ufologie suscitent l’intérêt pour le spatial. S’emparant alors de cette source de menace éventuelle, le cinéma d’horreur réunit les deux tendances : des adolescents face à une créature venue de l’espace, et ça donne The Blob.

Solaris, Andreï Tarkovski, 1972

Le titre du livre d’origine de Stanislas Lem et de son adaptation filmique vient du nom de la planète autour de laquelle va se dérouler l’histoire. Elle est recouverte d’un océan qui pourrait s’avérer être une nouvelle forme de vie intelligente, une créature avec laquelle le contact est impossible malgré les nombreuses études scientifiques menées. Un psychologue, Kris Kelvin, connu pour ses recherches sur la planète, est envoyé sur la station qui orbite autour d’elle afin de répondre à un étrange message de son ancien professeur. Ce dernier s’y trouve avec les deux derniers scientifiques de la mission, et tous les trois accueillent le personnage dans une ambiance totalement paranoïaque. Dès sa première nuit dans le vaisseau, Kris tombe nez à nez avec sa femme qui s’est pourtant suicidé des années auparavant…

Solaris n’est pas un film d’épouvante à proprement parlé, et il ne vous effraiera pas autant que les grands classiques horrifiques. Cependant, c’est bel et bien une ambiance de thriller psychologique mêlée au genre de la science fiction que nous avons devant nous. La planète Solaris, réelle entité vivante, créée des copies conformes des êtres chers perdus de l’équipage. Sombrant peu à peu dans la folie et la paranoïa, les personnages se retrouvent à ne plus discerner le vrai du faux, et plus dangereux encore : à ne plus en avoir envie. Car quand une âme aimée revient d’entre les morts, même s’il s’agit d’une illusion, pourquoi ne pas s’en réjouir ? Pour les amateurs d’histoires d’extraterrestres et de science fiction un peu délirante, ce film est l’occasion de découvrir le cinéma du célèbre réalisateur russe Andreï Tarkovski.

Alien, Ridley Scott, 1979

À bord du cargo spatial Nostromo, l’équipage est tiré de son hibernation par l’ordinateur de bord qui a détecté un signal dans une planète voisine. Ils se rendent à la surface et découvre la carcasse d’un vaisseau avec à l’intérieur des milliers d’oeufs extraterrestres…

Comment peut-on parler d’extraterrestre et de film d’horreur sans mentionner le chef d’oeuvre du genre, Alien, de Ridley Scott ? On ne présente plus le Xénomorphe, créature sortie de l’imagination de l’artiste suisse H.R.Giger et du créateur d’effets spéciaux italien Carlo Rambaldi, cette espèce de reptile quasiment invincible a terrorisé des générations entières et fait sans doute partie des premières images que l’on a lorsqu’on entend le mot « alien ».

Ce qui a aussi fait le charme d’Alien, ce n’est pas seulement son antagoniste mythique, c’est aussi son héroïne principale : Ellen Ripley. Interprétée par Sigourney Weaver, cette femme badass a su devenir un personnage aussi culte que le film dans lequel elle évolue à une époque où les premiers rôles étaient réservés aux hommes. Aujourd’hui, on aime à redécouvrir Alien pour son ambiance lourde, son rythme maîtrisé et son univers vertigineux, avec le labyrinthe du Nostromo et l’horreur des créatures qui osent s’y infiltrer.

Et tant qu’à évoquer cet incontournable, autant se souvenir de ses deux premières suites : Aliens de James Cameron et Alien 3 de David Fincher. Chacun en va de son opinion quant à quelle suite est la meilleure, quelle suite est une honte infâme à l’oeuvre originale. Si les deux premières ont leur lot de défauts, la trilogie originelle d’Alien a ça d’intéressant : trois films liés par la même histoire, mais unique en leur genre. James Cameron a choisi d’attaquer l’inattaquable en le transformant davantage en film d’action, mettant plutôt en avant l’aspect badass d’Ellen Ripley et créant au passage la Mère Alien, ou Reine Alien, monstre magnifique et terrifiant. David Fincher, bien que la réalisation d’Alien 3 ait été une lente agonie, a su malgré tout livrer un film torturé, qui renoue avec le côté sombre et gore du premier en poussant les cursus et jouant avec des anti-héros. 

The Thing, John Carpenter, 1982

En Antarctique, une équipe de scientifique découvre la carcasse d’un vaisseau spatial extraterrestre enterrée sous la glace. Dans le roman écrit par John W.Campbell et sa première adaptation par Christian Nyby (1951), un cadavre inhumain est découvert, ramené à la base, et se révèle être vivant. L’équipe se rend vite compte que l’alien peut se cacher parmi eux : il peut copier l’apparence et la personnalité de n’importe quel humain ou animal…

Dans la seconde adaptation par John Carpenter, la créature d’un autre monde a déjà pris la forme d’un être vivant quand elle est ramenée à la base. Là où le premier film s’éloignait quelque peu de l’histoire originale, The Thing de 1982 la suit plutôt bien. Peu à peu, les têtes tombent, et la suspicion contamine les membres de l’équipe. La créature apparaît plusieurs fois sous sa « vraie » forme : entre deux métamorphoses, une masse de chairs écorchées et des traits déformés, monstrueux, dégoulinants de sang. Les effets spéciaux pratiques n’ont pas vieilli, pas plus que le rythme certes moins pressé que de nos jours.

Une raison de plus de redécouvrir ce huis-clos glacé et temple de la paranoïa ? Une bande son angoissante signée par le grand Ennio Morricone.

Predator, John McTiernan, 1987

Un vaisseau spatial d’origine inconnue largue une capsule qui s’écrase sur Terre, en Amérique centrale. Un officier des forces spéciales (joué par l’immortel Schwarzenegger) est envoyé dans la jungle sous prétexte d’un sauvetage… Mais il n’est en rien. Non seulement c’est pour une toute autre mission secrète qu’on l’a embarqué dans cet enfer, mais il ne s’attend pas à être confronté à une créature humanoïde meurtrière et invincible.

Aujourd’hui, et peut-être même à l’époque, Predator a pu faire sourire. Au départ, le pitch a tout du film d’action avec ses héros excessivement musclés armés jusqu’aux dents. Cependant, lorsque le Predator commence à décimer les membres de l’équipe envoyée dans cette jungle poisseuse, on s’engouffre dans un film sanglant. S’il a peut-être un peu mal vieilli aujourd’hui et n’effraie plus autant qu’avant, Predator reste un classique de film gore qu’on prend plaisir à découvrir ou re-découvrir, d’autant plus qu’il a quand même donné vie au célèbre et redoutable Predator, et sa tête de porte bonheur.

Le village des damnés, Wolf Rilla (1960) et John Carpenter (1995)

La petite bourgade de Midwich est témoin d’un étrange phénomène : d’un seul coup, tous ses habitants (humains comme animaux) s’évanouissent. Quelques heures plus tard tout rentre dans l’ordre, mais plusieurs semaines après l’événement une dizaine de femmes découvrent qu’elles sont enceintes. Lorsque les enfants viennent au monde, ils ont l’air normaux si on fait fi de leurs cheveux blancs comme neige et de leurs personnalités froides…

Initialement intitulé Les coucous de Midwich, le roman de John Wyndham publié en 1957 aura deux adaptations. La première en 1960, titrée Le village des damnés de Wolf Rilla, et la seconde de John Carpenter en 1995, portant le même nom. Le livre a depuis été réédité sous le même titre que les deux longs-métrages.

S’il s’agit d’un film d’invasion extraterrestre, il appartient néanmoins à la branche de l’épouvante grâce à son ambiance particulièrement anxiogène. En effet, ici pas de soucoupes volantes qui se battent avec l’armée mais une ribambelle d’enfants, beaux visages angéliques malgré l’insensibilité qui transparaît par leurs yeux. Les deux films montrent des parents désemparés par leur nature. Et même lorsqu’ils arrivent à admettre ce que leur progéniture est réellement, comment l’affronter ?

Les deux adaptations livrent des histoires loin des clichés du genre où l’alien est une abominable créature sur laquelle il est si facile de tirer. C’est encore plus pervers que The Thing ou L’invasion des profanateurs de sépultures où les extraterrestres prennent la forme d’humains adultes. Ici, la menace se cache derrière le visage de l’innocence.

En s’emparant de l’extraterrestre comme grand méchant de ses films, le cinéma d’horreur en a fait l’image de notre peur de l’autre. Il n’y a qu’à se rappeler l’étymologie du nom de l’un des plus terrorisant des aliens, le Xénomorphe : xéno, qui veut dire « étranger » en grec ancien pour comprendre que ces êtres sont tous des images de ce que nous redoutons chez les autres de notre espèce. Hideux monstres ou manipulateurs aux visages humains, les extraterrestres nous ont poursuivi dans des dédales de paranoïa et de hurlements en se servant de nos peurs les plus ancrées.

#ExploCiné: Extraterrestre/ Films & Envahisseurs (1/4)

#ExploCiné: Extraterrestre/ Films & Envahisseurs (1/4)

Films et envahisseurs

Sommes nous seuls dans l’Univers ?

Question éternelle à laquelle aucune réponse fixe n’a été apportée à ce jour, elle a travaillé bien des esprits.

L’Humanité depuis toujours imagine des races autres que la sienne qui peupleraient le monde dans lequel nous évoluons. Dans l’Antiquité, on parlait de dieux et de titans, et puis les sciences nous ont fait découvrir un ciel en constante expansion avec d’autres planètes que la nôtre orbitant autour d’étoiles semblables à notre Soleil. C’est alors qu’on a commencé à parler des hommes verts, des habitants de la Lune, des martiens ; en bref, des extraterrestres.

Comme avec tous les sujets qui fascinent, le cinéma s’en est emparé. Les films de science fiction peuplés d’extraterrestres sont apparus en nombre dans les années 1950, mais en réalité les créatures célestes sont là depuis le tout début du 7è Art : en 1902, dans Le Voyage dans la Lune de George Méliès, les héros rencontrent les sélénites, habitants de la Lune en atterrissant sur celle-ci.

Plus d’un siècle après leur premier rôle à l’écran, les extraterrestres ont été imaginés et traités sous maintes et maintes formes.

Episode I : Humains VS Extraterrestres

Impossible de parler d’extraterrestres sans avoir le mot « envahisseurs » dans un coin de la tête. En effet, nous leur avons très tôt donné le rôle d’hostiles colonisateurs ayant traversé l’espace pour venir éradiquer l’Humanité et profiter des ressources terrestres. Bien entendu, toute ressemblance avec des faits historiques est totalement fortuite… En réalité, pas du tout. On sait bien que le cinéma reflète souvent le mal de son époque.

Dans les années 1950, la phobie de l’invasion qui a par le passé tourmenté bien des nations est à son comble. Les deux blocs Etats-Unis et URSS mènent la Guerre Froide, et les cinéastes américains s’emparent de cette peur de l’envahisseur (consciemment ou non) en donnant le mauvais rôle aux extraterrestres. Plus forts, plus avancés, en soucoupe ou d’apparence humaine, les aliens ont de nombreuses fois tenté d’envahir la Terre de stratégies diverses et variées. On vous propose de redécouvrir les grandes guerres Terriens VS Extraterrestres à travers onze films cultes.


La Guerre des Mondes / War of Worlds, Byron Haskin (1953) et Steven Spielberg (2005)

Les extraterrestres de notre imagination viennent d’un peu partout dans l’univers mais nos voisins favoris restent les martiens, avec lesquels nous n’avons pas toujours entretenu des relations pacifistes.

En 1898, le célèbre auteur de science-fiction H.G.Wells publie La Guerre des Mondes où les martiens envahissent la Terre. En 1953, Byron Haskin réalise la première de nombreuses adaptations de ce roman, du même nom. En 2005, Steven Spielberg a transporté l’histoire à notre époque et a transformé le protagoniste solitaire de base en père de famille raté (leitmotiv du réalisateur).

Les deux versions ont d’intéressant que chacune est une métaphore de menace différente. Les extraterrestres de la version 1953 pourront être vus, remis dans le contexte de Guerre Froide, comme une peur de l’invasion soviétique. La version des années 2000 quant à elle fait plusieurs allusions discrètes mais poignantes à l’Holocauste et au attentats du 11 Septembre : les personnages pulvérisés en cendres, les vêtements des défunts qui défilent dans la rivière. On pourrait remonter plus loin et rappeler que le roman fut écrit et publié peu de temps après la Guerre de Sécession américaine, où Nord et Sud tentèrent de s’entretuer, voulant gagner le contrôle sur le territoire l’un de l’autre. Une invasion martienne certes, mais pas moins une image d’invasion humaine.


L’invasion des profanateurs de sépultures / The Body Snatchers, Don Siegel, 1956

Dans ce film-ci, les extraterrestres ne débarquent pas à grand coups de soucoupes volantes et d’explosions, mais de façon beaucoup plus sournoise. Pendant la nuit, ils s’emparent des corps humains, les transformant en êtres sans émotions et se propageant comme un fléau.

À l’époque de sa sortie, le film fut bien sûr vu comme une métaphore de la peur du communisme. Les extraterrestres étaient les soviétiques communistes tentant de contaminer le monde entier. Avec le recul, plusieurs personnes ont alors pensé que c’était tout l’inverse : au lieu de critiquer le communisme, ce film critiquait le McCarthysm. En effet, le film est sorti pendant la période où le sénateur McCarthy censurait et condamnait les personnes soupçonnées d’avoir des affinités avec l’idéologie communiste. Bon nombre de personnalités du milieu du cinéma souffrirent de cette chasse aux sorcières et essayèrent de la dénoncer via leur film, dont peut-être celui-ci.

Une interprétation plus simple fut apportée par le réalisateur lui-même : pour lui, le film parle avant tout des responsables des studios qui charcutaient les scénarios à des fins commerciales.

Après tout ça, la meilleure façon de se faire une opinion sur ce que raconte en seconde lecture L’invasion des profanateurs de sépultures est quand même de regarder ce qui est devenu un film culte du cinéma de science-fiction. 


Invasion Los Angeles / They Live !, John Carpenter, 1988

Musclé, chevelure fournie des années 80, solitaire, désagréable mais un peu séducteur quand même, l’anti-héros parfait typique de John Carpenter est notre personnage principal pour ce film de science fiction. Il se retrouve par accident en possession de lunettes de soleil un peu hors norme : lorsque le protagoniste les met, il peut alors voir que derrière les panneaux publicitaires se cachent des messages d’asservissement : « Obéissez », « Consommez », «Conformez-vous », « Restez endormis ». Il se rend aussi compte avec horreur que certains humains ne sont pas ce qu’ils ont l’air d’être, mais on vous laisse découvrir leur apparence en regardant le film.

L’idée est la suivante : des extraterrestres ont pris forme humaine et gouvernent le monde en nous abrutissant grâce à des signaux subliminaux diffusés via les panneaux, les magazines, la télévision… 

Inspiré de ces théories du complot où les extraterrestres auraient pris le contrôle des masses, le film livre une critique totalement assumée du gouvernement américain et du capitalisme. L’alien, au départ envahisseur venu d’ailleurs, s’utilise de plus en plus comme critique de l’envahisseur intérieur avec l’émergence de la méfiance à l’égard des gouvernements.

Fait intéressant : le propos de Invasion Los Angeles est encore bel et bien d’actualité, peut-être même plus qu’à l’époque de sa sortie…


Independence Day, Roland Emmerich, 1996

Extraterrestre, invasion, guerre. Bien sûr qu’on ne pouvait pas parler de tout ça sans passer par Independance Day.

Le scénario ne réinvente rien : des aliens débarquent sur Terre en soucoupes volantes gigantesques, se placent au-dessus des plus grandes villes et commencent à les détruire. L’objectif ? Coloniser la Terre, comme ils l’ont fait avec d’autres planètes. Rien de très original jusqu’ici.

Drôle et léger, Independance Day est souvent critiqué pour sa glorification excessive des États-Unis. Beaucoup de gens retiendront le discours du Président américain, la bataille finale avec maintes explosions et le fait que la guerre contre les extraterrestres est remportée le 4 Juillet, date de la fête nationale américaine et anniversaire de leur Indépendance. Ce qui est amusant cependant quand on le regarde, c’est de noter que (attention spoiler, même si nous estimons qu’il y a prescription) ce n’est pas l’armée américaine qui sauve réellement le monde.

C’est un scientifique écolo juif joué par Jeff Goldblum et un pilote afro-américain marié à une strip-teaseuse qui parviennent à pénétrer le vaisseau mère pour désactiver de l’intérieur son bouclier, et un ivrogne qui réussit le tir qui le fait exploser (là où le Président s’est raté). Pour l’époque, le réalisateur a eu du courage en faisant des trois sauveurs de l’Humanité tout ce que la société puritaine rejète !


Mars Attack !, Tim Burton, 1996

https://www.youtube.com/watch?v=ukTX26ca9gU

Dans ce film-ci, la Terre se fait attaquer par… les martiens, pour changer ! Ils atterrissent même au Nevada. Arrivant avec un message de paix, ils déclenchent l’euphorie chez la population qui est heureuse de les accueillir. Sauf que, comme tous bons aliens qu’ils se respectent, ils sont en réalité venus nous envahir.

Jusqu’ici, pas de palme de l’originalité. Jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’il s’agit d’une parodie des films de science-fiction des années 50. Tim Burton, qui a grandi avec ce cinéma là, le tourne en dérision à l’extrême, que ce soit dans l’esthétique comme dans la narration, jusqu’à la résolution qui sauve l’Humanité de son éradication.


Starship Troopers, Paul Verhoeven, 1997

Dans un futur lointain, les pays de la Terre se sont rassemblés sous la Fédération Terrienne, qui explorent et colonisent des planètes. Sur l’une d’elle ils se retrouvent face à la civilisation des Arachnides qui leur résiste, déclenchant ainsi une guerre interstellaire. On suit des jeunes soldats dans cet affrontement très gore, une violence que l’on connaît au réalisateur Paul Verhoeven (Total Recall, Robocop).

Adapté du roman Étoiles, garde à vous ! de Robert A.Heinlein, le film prend le contrepied du roman pro-militariste en proposant une critique acerbe du fascisme et de l’impérialisme américain. En effet, les héros servent de chair à canon et sont motivés à faire partie de l’armée à cause des privilèges accordés à ceux qui acceptent de suivre leur service militaire, obéissant aux ordres des responsables dont le costume est inspiré de ceux de la Gestapo…

Désormais, nous sommes les envahisseurs, et pas seulement de façon métaphoriques comme dans les films précédents où les aliens sont souvent des images des humains. Dans Starship Troopers, l’Humanité est la menace, au même titre que les créatures arachnéennes. Un film devenu culte à son tour car, sur fond de massacre assourdissant, il a su bouleverser les codes.


Cloverfield, Matt Reeves, 2008

Une bande d’amis à New York célèbrent le futur départ de l’un d’eux au Japon. La soirée vire au cauchemar lorsque la ville se fait attaquer. La menace n’est pas immédiatement identifiée, jusqu’à ce qu’on aperçoive la silhouette d’un immense monstre.

Ici, on renoue avec la bonne vieille formule de l’extraterrestre venu détruire la Terre. Sauf que ce n’est pas sur le scénario que joue Matt Reeves mais sur la réalisation : Cloverfield est tourné en found footage. C’est à dire qu’il est filmé comme si l’un des personnages du film avait enregistré toute l’action sur sa caméra dont on retrouvait les vues.

Anxiogène et immersif, Cloverfield nous met réellement à la place des envahis de part sa narration.


District 9, Neil Blomkamp, 2009

Un immense vaisseau s’immobilise au-dessus de Johannesburg. Les aliens ne viennent pas pour nous envahir, mais plutôt par accident, et sont alors considérés comme des réfugiés. Le gouvernement les place sous la responsabilité de la multinationale MNU, qui les entasse dans un bidonville et cherche à voler et utiliser leur armement. Un agent de la MNU chargé de faire se déplacer les populations extraterrestres se retrouve contaminé par une étrange substance et doit se réfugier auprès de ceux qu’il a aidé à persécuter.

District 9  s’attaque au douloureux sujet du racisme et de la xénophobie au travers de ce qui est infligé aux extraterrestres. Le sort qui leur est réservé est inspiré de faits réels puisque le réalisateur s’est basé sur l’Apartheid qui séparait les blancs des noirs en Afrique du Sud et dans d’autres pays alentours.

Très puissant, ce film place lui aussi les humains en tant qu’antagonistes mais sans leur donner le rôle d’envahisseurs. En plus de traiter du passé, il dénonce également les problèmes liés à l’immigration qui sont toujours d’actualité, dix ans après la sortie du film.

Neil Blomkamp signe un premier long métrage avec une réalisation névrosée et un jeu d’acteur très juste dans un univers en autodestruction.


Avatar, James Cameron, 2009

On ne pouvait bien sûr pas parler d’affrontement humains contre extraterrestres en passant à côté d’Avatar.

2154, Jake Sully, ancien marine paraplégique arrive sur la lune Pandora, dans le système stellaire d’Alpha Centauri A. Comme il possède le même génotype que son frère jumeau décédé, il est recruté pour prendre part au programme Avatar qui consiste à posséder des corps semblables à celui des autochtones humanoïdes, les Na’vis afin de pouvoir évoluer sur Pandora et dialoguer avec eux. Le véritable objectif pour la plupart des humains est surtout de récupérer et d’exploiter les ressources de la planète. Jake se retrouve au coeur du conflit entre les Na’vis et les humains qui se battent, les uns pour préserver leur habitat, les autres pour y creuser d’immenses mines.

Nombre de personnes y ont vu une critique du sort réservé aux Natifs américains par les européens à leur arrivée sur le Nouveau Monde, pointant d’ailleurs d’un doigt moqueur les similitudes entre Avatar et l’histoire de Pocahontas (plutôt la version Disney). Le parallèle est totalement légitime, mais James Cameron voulait aussi dénoncer des faits plus actuels puisqu’il s’est inspiré de la situation en Amérique du Sud où les gouvernements détruisent peu à peu l’Amazonie et les personnes qui y vivent au profit de l’exploitation de ses terres.

Au-delà de ce message politique, Avatar aborde aussi les liens entre science et religion avec les croyances des Na’vis qui vénèrent un être biologiquement réel, Ewa. On apprécie aussi toujours la tendance féministe du réalisateur qui montre le déséquilibre de la civilisation humaine patriarcale, opposée à celle des Na’vis où les hommes et les femmes sont égaux et commandent ensemble.


Ce n’est pas en 10 films que l’on peut résumer plus d’un siècle d’invasion… Les extraterrestres nous ont attaqué via d’autres formes inventives et bien des films auraient pu être cités comme Transformers où ils se métamorphosent en voitures, Pacific Rim où ils émergent d’une brèche sous l’océan, ou encore l’intéressant Oblivion et ses aliens manipulateurs. Nous avons vu qu’à travers ces films, les extraterrestres permettent d’exorciser notre peur de l’autre et de se faire attaquer. Lorsqu’on regarde tous ceux que les aliens ont servi à représenter, on se rend compte que les extraterrestres sont, et ont toujours été, des humains.

#ACTU : Berlinale 2020

#ACTU : Berlinale 2020

Ca y est ! Le premier grand festival de cinéma de l’année s’est terminé et le moins qu’on puisse dire c’est que ce ne fut pas de tout repos. 

Du 20 février au 1er mars, en effet, se tenait la 70e Berlinale (aka Festival international du film de Berlin). C’est un duo de dirigeants qui signe sa première édition cette année, à savoir Carlo Chatrian (ancien directeur artistique du Festival de Locarno) et Mariette Rissenbeek (ex gérante de la section parallèle German Films). Ces derniers remplacent Dieter Kosslick, en poste depuis 2001. 

Cette édition, si elle est certes moins controversée que sa soeur française, n’en demeure pas moins riche de moments forts. 

Palmarès 

. Ours d’or : There Is No Evil, Mohammad Rasoulof 

. Ours d’argent/ Grand prix du jury : Never Rarely Sometimes Always, Eliza Hittman 

. Ours d’argent/ Mise en scène : The woman who ran, Hong Sang soo 

. Ours d’argent/ Meilleure actrice : Paula Beer pour Ondine (Christian Petzold) 

. Ours d’argent/ Meilleur acteur : Elio Germano pour Caché (Giorgio Diritti) 

. Ours d’argent/ Meilleur scénario: Favolacce, Damiano et Fabio D’innocenzo 

. Ours d’argent / Meilleure contribution artistique : Jürgen Jürges pour la photographie dans DAU. Natasha 

. Ours d’argent du 70e anniversaire : Effacer l’historique, Benoît Delépine et Gustave Kervern 

. Ours d’or d’honneur : Helen Mirren 

Une édition à haute valeur engagée 

Une minute de silence fut observée avant la projection du film d’ouverture, My Salinger Year (par Philippe Falardeau avec Sigourney Weaver), en hommage aux victimes de la double fusillade ayant fait neuf morts à Hanau, près de Francfort. L’équipe du festival déclare un peu plus tôt dans un communiqué “sa détresse et sa peine” après ces événements à caractère xénophobe et affirme son engagement contre la violence. 

La polémique était malheureusement également de la partie. Des propos de Jeremy Irons datant de 2016, en effet, ont été exhumés et ont été largement diffusé afin de contester sa légitimité à la présidence du jury de cette année. L’acteur qui avait déclaré au cours d’une conférence de presse que “l’avortement est un péché” (mais aussi “ qu’elle devrait avoir le droit de choisir”) est revenu sur cette déclaration et mentionne qu’il a “évolué” et soutient désormais des associations pro IVG et contre les violences faites aux femmes. 

Les révélations sur le passé nazi d’Alfred Bauer, fondateur de la Berlinale, ont également secoué la sphère du cinéma. Il était effectivement de notoriété publique qu’il avait travaillé avec l’office du cinéma du gouvernement nazi au cours des années 1940. Un article de l’hebdomadaire allemand Die Zeit indique toutefois que sa filiation avec ledit gouvernement serait plus étroite que cela. L’administration du festival a alors très vite annoncé la suspension du prix Alfred Bauer qui récompensait jusqu’ici une oeuvre qui ouvre de nouvelles perspectives ou offre une vision esthétique novatrice et singulière. Une enquête est ouverte et le prix est remplacé par un ours d’argent. 

L’un des pics de cette édition restera cependant la remise de l’Ours d’or à Mohammad Rasoulof pour son There Is No Evil mosaïque de quatre histoires traitant de la peine de mort en Iran. Le film, tourné illégalement, et le statut de son réalisateur considéré comme un dissident par le gouvernement iranien ne lui ont pas permis de se rendre en Allemagne pour le festival. C’est sa fille, Baran Rasoulof, également actrice dans le film qui est venu chercher le prix à sa place. Un moment fort en émotion… 

Baran Rasoulof acceptant l’Ours d’or pour son père Mohammad Rasoulof

Un palmarès attendu quoique très riche, de l’engagement et de l’émotion sont les éléments principaux de cette nouvelle édition. Une Biennale qui ouvre la voie à une année 2020 qui s’annonce riche en cinéma.

#ExploCiné: Masque/Eyes Wide Shut, sexe, alcôve et pouvoir

#ExploCiné: Masque/Eyes Wide Shut, sexe, alcôve et pouvoir

Dernier film de Stanley “controlfreak” Kubrick, Eyes Wide Shut est également l’un des plus nébuleux. Stanley est connu, il est vrai, pour ses oeuvres plutôt conceptuelles. EWS traîne, en plus, une réputation d’oeuvre inachevée. Le réalisateur, en effet, connu pour ses retouches de dernière minute, décède quelques mois avant sa sortie. C’est d’ailleurs sur la base du doute qui entoure son statut d’oeuvre complète que la critique s’empresse de dénigrer le film au moment de sa sortie. Ce n’est qu’un peu plus tard qu’il acquiert ses lettres de noblesse. 

La place centrale que tient l’érotisme dans son esthétique, également, n’est certes pas pour ravir la majorité. D’aucuns y ont vu, d’ailleurs un film vulgaire et lent. Il n’en est rien (pour la vulgarité tout du moins). Le film, tourné entre novembre 1996 et janvier 1998 en Angleterre est l’adaptation sur écran de La Nouvelle Rêvée d’Arthur Schnitzler. Mouvements de caméra fluide, plans travaillé, le goût prononcé pour la (magnifique !) composition de son photographe de réalisateur est au rendez vous. L’intrigue, quant à elle, reste fidèle à l’oeuvre originelle mais renferme des trésors de symbolisme kubrickien une fois transposée à l’écran. 

Domination et féminisme 

L’érotisme, on l’a dit, tient une place toute particulière dans EWS. Femmes nues et prostitution côtoient les, plus discrètes, caresses conjugales. Le sexe est présent dans les dialogues et est au coeur même de l’intrigue en ce que Bill ne peut se départir des confessions de sa femme. La caméra se fait voyeuriste et entraîne le spectateur au coeur de l’intimité de la famille Hartford. 

La revue Positif pointe cependant, dans un article titré “Le secret de la Pyramide”, une signification beaucoup plus sérieuse qu’un simple rincement d’oeil. Eyes Wide Shut se fait  alors résolument féministe. Domino, la prostituée, la jeune fille du magasin de costumes et même Alice, les personnages féminins sont ici toujours placés sous le joug de la domination masculine. La scène de la cérémonie secrète renferme alors tout le symbolisme de cette interprétation. Le cercle de femmes cristallise ainsi les abus subit par le “beau sexe”. Les masques représentent alors la dissociation de ces femmes des abus qu’elles ont pu subir et surtout le caractère systématique de ces derniers.

La présence de nombreux colliers ras du cou chez les personnages féminins serait un indice de plus pour signifier ce statut d’esclave de la gente masculine. 

Le personnage d’Alice Hartford, surtout, fait l’objet d’un traitement tout particulier. La jeune mère de famille avoue, tout d’abord, à son mari ses penchants adultères et met ainsi la lumière sur les désirs féminins. “J’aurai abandonné famille et maison sur le champ”, dit elle. Une réaction qui est bien loin du cliché de la mère de famille parfaite qu’elle enseigne à sa propre fille. La scène du cours de math au cours de laquelle elle lui apprend à compter les revenus de personnages fictifs masculins est édifiante. La femme est belle, s’occupe des enfants, des comptes et est, surtout, vénale.

Une théorie répandue serait qu’Alice, elle même se soit retrouvée dans le rôle de la victime d’abus physique (en plus du carcan moral s’entend). Celle ci est corroborée par la symétrie des plans d’entrée du film (Alice qui se déshabille) et du cercle de femmes (qui se déshabille presque en miroir).  

L’apparition du masque dans le lit conjugal appuie également cette interprétation. Les révélations des derniers jours ont permis à Bill d’ouvrir les yeux sur le genre féminin et principalement sa femme qu’il prenait pour acquise. Le masque est tombé, il la découvre enfin. La (fameuse) dernière réplique du film appuie alors la réappropriation de sa sexualité par une femme oppressée par le préceptes d’une féminité qui lui est étrangère. 

“Vous dites que c’est une farce ?!”

Le centre de l’intrigue c’est la cérémonie. Chorégraphiée au millimètre, des psalmodies inversées, des symboles de partout, c’est l’ordre qui tente de contenir le chaos. 

L’auteur du Da Vinci Code (2000), Dan Brown, déclare, by the way, que Kubrick lui aurait inspiré son portrait des sociétés secrètes. 

Les participants après un important cérémonial laisse donc libre cours à leurs passions. Cette catharsis parfaitement orchestrée reste toutefois à visage couvert. Le masque est libérateur. Une fois revêtu, l’identité disparaît. Les passions peuvent alors se déchaîner sans retenue qu’elle soit sociétale ou personnelle. 

Les membres de cette société secrète kubrickienne, d’ailleurs, ont d’autant plus besoin du masque qu’ils figurent les grands du monde “réel”. “Je ne pense pas que vous réalisiez dans quel pétrin vous vous êtes fourré la nuit dernière. Que pensez vous avoir vu ? Ce n’était pas de simples gens ordinaires. Si je vous dis leur nom, et je ne le vous dirai pas, mais si je le faisais, je ne pense pas que vous passeriez une bonne nuit.”, crie Ziegler à Bill lorsque celui ci commence à fouiner un peu trop. 

Les réunions des riches et puissants de ce monde, objet de nombreux fantasmes et théories, continuent, en effet, de fasciner les profanes non autorisés à pénétrer les arcanes du pouvoir. On notera d’ailleurs pour la petite parenthèse histoire que de telles réunions masquées et costumées ont largement eu cours au sein des différentes cours d’Europe et le sont encore dans les cercles les plus sélectifs. 

Pouvoir 

L’objet principal de l’intrigue semble toutefois les jeux de pouvoir tout animal qu’ils puissent être. La société secrète n’est qu’un prétexte pour illustrer la vie underground, les bas fonds d’une société régie par une classe fermée aux non initiés. L’ordre imposé au cours de l’événement permet alors de légitimer les pulsions universelles. Plus encore, c’est l’individu confronté à la société et ses principes qui est, par miroir, figurée ici. Les relations hommes/femmes, les puissants et les autres, le couple… tout est question de pulsion et, surtout de domination (des autres et de soi). 

Les bons parents respectables se disputent à propos de leurs flirts respectifs le pétard à la main. Le père va se laisser tenter par une prostituée. La mère, quant à elle, avoue avoir eu le désir de tout quitter pour le regard d’un autre homme. Les puissants usent de leur position et de leurs ressources pour de sympathiques soirées voyeuristes. On joue avec la vérité. Victor assure avec force à Bill que ce qu’il a vu au cours de la soirée n’était que bluff et mascarade pour lui faire peur. Le gala de la première action du film contient ainsi en substance tout le discours… Jusqu’à ce cri de Victor : “bas les masques”. 

Kubrick nous livre ainsi une nouvelle variation de l’un de ses thèmes fétiches: le conditionnement. Celui ci est, en effet, très largement représenté dans sa filmographie. Son illustration la plus emblématique reste cependant la violente séance de thérapie du comportement dans Orange Mécanique (1972). Plus subtile ici, la manipulation est inhérente à la société. On manipule le peuple, son image et surtout soi même pour satisfaire les principes, l’ordre établi voire son propre statut. Le cadre des festivités de Noël (fête familiale et emplie de magie fantasmagorique) participe ainsi de cette apparence de conte voire de rêve symbolique que le cinéma, comme la psychanalyse, met en lumière.

# ACTU : Gloomy eyes, pépite d’Arte 360°

# ACTU : Gloomy eyes, pépite d’Arte 360°

C’est grâce au  festival digital My French Film Festival que je vais pouvoir vous parler de mon coup de coeur du momoent. Mais avant un petit mot sur ce festival unique en son genre. D’abord, il est totalement digital et met en lumière le film francophone avec une sélection de courts et longs métrages. Par ailleurs, c’est la 10ème édition cette année. Il se déroule du 16 janvier au 16 février 2020 et vous pouvez y accéder via ce lien : https://www.myfrenchfilmfestival.com/fr/

Les visionnages sont gratuits pendant toute la durée du festival et vous pouvez même voter pour vos films favoris. En effet, trois prix sont alors décernés : le prix du jury, le prix du public et le prix de la presse internationale. Lors de mes visionnages j’ai pu découvrir trois court-métrages en collaboration avec Arte. Ces derniers sont des films qui relatent les coulisses de trois tableaux connus (Le Cri de Munch, L’île des morts de Böcklin et Un Bar au Folies Bergères de Manet) en transportant le spectateur dans une expérience immersive car en vidéo à 360° et disponible, pour certains, sur Steam (une plateforme de téléchargement de jeux vidéos) afin d’expérimenter même la VR. La VR est ce procédé par lequel on créer une copie d’un monde réel mais en format virtuel. La création d’objets, de lieux etc. en 3D est un élément de ce procédé mais la VR se veut très immersive notamment jusqu’à suivre les mouvements du protagoniste et alors adapter le monde en fonction de ceux-ci. Très souvent la VR demande le port d’appareillage spécifique comme un casque. 

Je me suis alors demandé si Arte proposait d’autres programmes de la sorte. Et évidemment je n’ai pas été déçue. J’ai tout simplement cherché sur notre cher YouTube et je suis tout de suite tombée sur une mini série de trois épisodes sortie d’ailleurs quelques heures avant la rédaction de cet article mi-février. Cette mini série est intitulée Gloomy Eyes. L’illustration de la vidéo a un design très cartoonesque mais avec un esprit (attention) “gloomy”, c’est-à-dire un peu sinistre. Mais ça a piqué ma curiosité et j’ai donc décidé de cliquer sur la première vidéo.

Et là, c’était fini, j’étais accro. Les vidéos durent entre 7 et 15 minutes, ce qui est très court d’autant plus que ce sont des vidéos de très belle qualité. 

L’histoire est très simple : la terre est plongée dans les ténèbres pour une période indéfinie alors que l’humanité est divisé entre ce qu’il reste d’humains et de l’autre côté des zombies. Dans ce fabuleux monde vivent nos deux personnages principaux Nina, une humaine et Gloomy, un zombie, qui a des yeux qui brillent. Ces deux enfants vont se rencontrer et vouloir profiter de leur belle amitié voire amour. Évidemment, pas besoin de préciser que tout ne va pas se passer comme prévu, mais ça, vous le verrez par vous même.

En tout cas, ces épisodes sont tellement poétiques, les personnages principaux sont trognons et on s’y attache très rapidement. L’ambiance est aussi fabuleuse. De préférence il faut regarder ses épisodes avec un appareillage VR mais rien qu’avec des écouteurs on peut déjà les apprécier à leur juste valeur. Le design est très soigné, volontairement sombre, on cherche les couleurs et les lumières qui sont utilisés avec parcimonie et c’est ce qui fait la force du projet. Je trouve également que le narrateur, Tahir Rahim (Le Prophète) est très bon et cela participe à l‘ambiance générale. De plus, la fonction 360° est plutôt bien exploitée et on doit même l’utiliser afin de suivre les différents personnages dans les épisodes. Les angles et les mises en scènes sont très diversifiés, on ne s’ennuie pas et les transitions sont également très bien amenées. Bref, si vous voulez prendre une petite demi-heure pour vous aujourd’hui, n’hésitez plus et cliquez ici pour le premier petit chef d’oeuvre.

A défaut d’attendre que quelqu’un mette des paillettes dans votre vie, prenez les choses en main et amenez-y un peu de poésie et de lumière.

#ExploCiné: Masque/ American Beauty, le rêve américain démasqué

#ExploCiné: Masque/ American Beauty, le rêve américain démasqué

En un sens, je suis déjà mort”, “j’ai perdu quelque chose”, déclare Lester Burnham dans le monologue d’amorce aka personnage principal d’American Beauty (1999). L’homme est lessivé, “léthargique” comme il le dit lui même. Il a pourtant tout ce que l’on souhaiterait: un job, une femme, un enfant et une maison. Il n’est pas heureux cependant et se trouve coincé dans un modèle qui n’est pas le sien. Le changement ne va cependant pas tarder et faire tomber le(s) masque(s).  

C’est une superbe parabole sans fard (ou presque) que nous livre Sam Mendès et son oeuvre désormais cultissime, primée 14 fois sur 16 nominations (dont Oscar du meilleur film). Le réalisateur britannique fut d’ailleurs recommandé par Steven “Dieu” Spielberg, lequel a apporté un peu de son regard avisé sur le tournage. C’est dire ! Kevin Spacey dans le rôle principal et un scénario par Alan Ball (True Blood, Six Feet Under…), bref, un générique tout en Beauty pour une histoire pas si rose (vous l’avez ?).

Apparences & Perfection

Quel meilleur cadre pour un jeu de cache cache d’intrigues scandaleuses que la famille ? 

Celle ci figurent en effet le lieu parfait pour toute étude sociale en ce qu’elle constitue un microcosme divers et varié. Il n’y a qu’à voir le nombre d’oeuvres à but “d’exploration sociologique” qui utilisent ce cadre : Millenium (2009, Niels Arden Oplev) dont vous devez absolument lire le roman de base, Le Prénom (2012, Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte), Rocco et ses frères (1960, Luchino Visconti), Hannah et ses soeurs (1986, Woody Allen)…pour n’en citer qu’un échantillon. 

C’est cependant du rêve américain à la Desperate Housewives qu’il est question ici et, par extension, du fantasme de la parfaite famille moderne. La pression est forte. On veut y coller coûte que coûte…même si cela revient à sombrer dans une prison dorée. Devant les amis, devant les membres même de sa famille, on s’y accroche. Il faut sourire, montrer qu’on a du succès, que l’on rentre dans le moule quoi. Ceci à tel point que l’individu derrière le masque de sourire s’efface doucement. Notre sympathique Lester dit lui même s’être “réveillé” suite à sa première rencontre avec la belle Angela Hayes. “Notre mariage n’est qu’une devanture. Une publicité pour faire croire que tout va bien alors qu’on est loin d’être standard”, crie t il à sa femme workaholic psychotique. Cette femme qui est d’ailleurs l’incarnation même de cette pression sociale tant elle l’a interiorisé. Elle finit par perdre le contrôle de ce personnage qu’elle s’est construit. La scène de sa crise de nerf pour une maison invendue en est l’illustration même.

Il se met alors à tout envoyer valser et (re)commence à vivre sa meilleure vie sans plus se soucier des règles de conduite d’un quarantenaire de banlieue. Le père de son nouvel ami, Ricky Fitts, en comparaison tient plus de la cocotte minute. Son fils, réfractaire à la morale paternelle stricte, militaire et franchement homophobe, devient alors le parfait punching ball pour laisser aller ses frustrations.

Le lien du couple Jane/Ricky, adolescents rebelles et artistes à fleur de peau avec ceux de leurs parents est, d’ailleurs, plus que flagrant de contrastes. L’inexpérience est, ici, l’allié en ce que le masque, plus fin, n’est pas encore tout à fait défini. 

Extrait American Beauty (Sam Mendes, 1999)

Beauté & brutalité 

Notre Lester ne sera malheureusement apaisé que dans la mort. Libéré de toutes ces intrigues qui faisaient sa vie, il se souvient des longues soirées à regarder le vent jouer avec les branches des arbres. Il trouve alors cela tellement beau qu’il en est envahi d’un immense sentiment de gratitude. Il est reconnaissant d’avoir simplement été autorisé à passer dans un monde si beau et d’avoir pu le contempler ne serait ce qu’un moment.

Le monologue de Richy face à sa plus belle prise, également, rejoint ce message et va même plus loin encore. Il y a tellement de beauté dans le monde, dit il, que ça en est presque insupportable. 

Tout est Beauté. Celle ci dépendrait du regard cependant. Il faut alors apprendre à regarder sans filtre.  

La Beauté se fait donc ici femme fatale baudelairienne. Elle obsède. On tente d’y résister. Elle déchire et brutalise. Celle ci est alors représentée, non pas comme un “rêve de pierre” comme chez le poète, mais sous les traits d’une jeune fille aux fleurs. Elle réveille Lester et lui rappelle ce qui lui manque tant. Un wake up call qui ne sera pas au goût de son entourage qui, lui, n’est pas prêt à faire tomber le masque et les faux semblants. 

Le rôle de la caméra est alors central de le processus de destruction du masque. Le jeune Richy ne cesse de filmer ce qui l’entoure. Il documente ce monde qu’il trouve violemment beau. Les gens, les plantes, les phénomènes naturels… tout est matière à révéler sa beauté. La caméra devient alors outil de vérité là où le regard est baisé par le psychologique. Le cinéma mais surtout l’Art (avec un grand A) est, de ce fait, nécessaire. 

American Beauty c’est donc, plus qu’une crise de la quarantaine aux faux airs thriller ish. C’est une critique du fantasme de la vie parfaite dans les banlieues américaine mais surtout de la société moderne. Un vie où la pression sociétal est tel que l’on doit ériger des masques comme des murs entre le monde et soi. L’Art sous les traits de la caméra devient le médiateur et l’artiste le fou gênant à l’image de Richie guidant Lester.