Explociné: Féministe ! / La guerrière

Explociné: Féministe ! / La guerrière

Je prendrai ce qui me revient par le feu et le sang”. Le moins qu’on puisse dire c’est que, Daenerys, elle envoie des Chocapics ! Khaleesi, Mother of Dragons, la princesse Targaryen mais aussi Cersei, Arya et Sansa ont marqué une génération. La série Game of throne regorge, en effet, de figures féminines fortes et combattantes. Une figure de la guerrière moins visible que son pendant masculin et surtout standardisée la majeure partie du temps.

L’espionne 

La femme, c’est bien connu, est une créature sexuelle. Elle envoûte les hommes et leur soutire informations, richesse et pouvoir quand ce n’est pas carrément leur âme. Elle peut toutefois passer parfois totalement inaperçue aux yeux de ces mêmes hommes confortés dans leur statut de dominant patriarcal. 

L’arme parfaite, donc, pour une mission d’infiltration ou une vengeance diabolique. C’est l’éternel combat manichéen de la mère et de la putain. La femme après avoir été réduite à sa seule beauté n’a plus que celle-ci pour arme. A l’image de la Marquise de Merteuil, elle doit ruser et planifier. 

Le cinéma n’est pas en reste de ces femmes fatales ultra sexy et ambitieuses souvent reléguées au second rôle. L’exemple le plus criant en est, bien évidemment, la dynastie des James Bond girls, jolies, lisses et bien souvent peu utiles.

Le tomboy 

Gwendoline Christie in Game of Throne (HBO, 2011-2019)

Un second standard vient immédiatement à l’esprit lorsque l’on parle de “guerrière”. A l’inverse de cette tendance de la succube, la guerrière de terrain est souvent montrée comme très masculine, un peu vulgaire et volontairement peu attirante. Une femme qui se salit les mains perd donc sa féminité sitôt son épée dégainée. Elle perd également et surtout sa désirabilité tel que Brienne de Torth ou encore Arya.

Angelina Jolie in Tomb Raider (Simon West, 2001)

Une tendance qui tend néanmoins à se dissiper petit à petit avec les figures plus complexes de Lara Croft, Katniss Everdeen, Sarah Connor ou encore Ellen Ripley.

La guerrière ninja 

Popularisée en Occident via les films de kung fu et, plus récemment, le personnage de Miho (Sin city) ou Black Mamba (Kill Bill), la ninja est devenue une facette incontournable de la guerrière. 

Jamie Chung in Sin City: J’ai tué pour elle (Frank Miller et Robert Rodriguez, 2014)

Pour la petite histoire, la figure de la femme dans le cinéma de combat asiatique prend racine en Chine et principalement dans la tradition du Wuxia. Celui-ci est communément traduit par Chevalier errant et désigne un genre littéraire et plus largement fictionnel. Ses intrigues prennent place principalement dans la Chine ancienne et mettent en scène… chevaliers errants (what a surprise !). Il est à différencier du film de kung-fu par son aspect souvent historique et ses intrigues qui font la part belle à la vengeance et la spiritualité. 

A ses débuts au cinéma, un certain nombre de femmes combattantes y étaient présentées. Certaines revêtent même des habits d’hommes sur le terrain. Les femmes furent cependant peu à peu invisibilisées jusqu’à récemment. 

Le cinéma occidental et surtout américain avec, en tête de cortège, Quentin Tarantino, s’est entre temps emparé de cette femme ninja. Elle devient alors une créature hyper sexuelle, un peu folle et surtout une arme acérée. 

Une image que vont peu à peu reprendre les cinématographies asiatiques. Le superbement culte Hidden tiger and Crouching dragons (Ang lee) est d’ailleurs un témoin crucial de ce revival féminin. 

La femme combattante a bien des facettes. Parfois extrêmement masculine et peu désirable et d’autres fois ivre de pouvoir et de désir, elle est très rapidement cataloguée, standardisée et surtout sexualisée. Le tournant des années 2000 et surtout 2010 voit cependant la renaissance de figures plus complexes sur nos écrans.

Explociné : Féministe ! / La femme à la caméra

Explociné : Féministe ! / La femme à la caméra

Si le cinéma reflète souvent les crises et luttes sociétales, ces derniers temps c’est l’organisation même de l’industrie qui est soumise à de très forts remous. Tout le monde se rappelle bien évidemment la retentissante cérémonie des Césars 2020. Une soirée définitivement marquante à tous les points de vue encore impensable il n’y a pas si longtemps. Entre-temps, l’affaire Weinstein met le feu aux poudres en 2018 et donne une voix à l’un des plus grands mouvements féministes de notre époque. Une révolution qui permet surtout de revoir l’identité de tout un art et dépassera, comme souvent à Hollywood, la frontière des projecteurs….

Behind the curtain

Le cinéma et surtout la fabrique de rêves californienne, nous a abreuvé pendant des décennies de figures de femmes fragiles, manipulatrices et sexy à outrance. Rita Hayworth, Marilyn Monroe et tant d’autres n’ont bien souvent eu comme seul argument marketing que leur plastique. 

L’illustration la plus criante en est le destin de Hedy Lamarr (1914-2000). L’actrice, quelque peu oubliée au fil des ans, est principalement associée à sa grande beauté et son titre d’une des premières femmes à tourner une scène entièrement nue. Elle est pourtant l’une des plus grandes inventrices de son époque. L’un de ces procédés fut même proposé à l’armée américaine au cours de la WW2 mais ne sera pas retenu…avant d’être redécouvert quelques décennies plus tard et devenir l’origine de l’invention de la technologie wifi. Cette partie d’elle, totalement extraordinaire, est surtout totalement invisibilisée à l’époque et encore aujourd’hui. Sa fin, surtout, par son côté tragique contient en elle seule le destin de la femme de cinéma qu’elle soit hollywoodienne ou non. Hedy Lamarr passa, en effet, les dernières années de sa vie recluse chez elle, défigurée qu’elle était par une chirurgie plastique ratée. Celle qui ne voulait pas voir sa seule richesse, sa beauté, se flétrir finit par précipiter sa propre perte.

Une vision de la femme-potiche qui se développera dès les premiers temps du cinéma et perdure jusqu’à une époque très récente (tant soit dit qu’une telle époque est révolue bien évidemment). Une vision qui tend petit à petit à se fissurer avec l’apparition à l’écran de Brienne de Torth (Game of Thrones, HBO, 2011-2019) ou Nikita (Nikita, Luc Besson, 1990). Hors des plateaux de tournages, les actrices se libèrent également peu à peu de cette domination de la jolie plante verte avec Angelina Jolie (et sa passion des couteaux), Lena Dunham ou encore Emma Watson et son engagement politique.

Pour la petite histoire 

Le cinéma est pourtant dès ses balbutiements, peuplé de figures de femmes qui l’ont élevé et parfois même propulsé.  

La désormais célèbre Alice Guy (1873-1968), par exemple, fut une véritable pionnière de cet art encore expérimental. Elle fut, en effet, l’une des premières à en voir le potentiel narratif. Secrétaire chez Léon Gaumont, elle crée en 1910 aux USA sa société de productions Solax film, considérée comme l’une des plus importantes maisons de production de cette époque. On lui attribue également la maternité de l’un des premiers films narratifs: La Fée aux Choux (1896).

Agnes Varda, également, qu’on ne présente plus marqua au fer rouge une époque de changements artistiques et sociaux radicaux. C’est avec son premier long métrage La pointe courte, que la photographe et plasticienne participe, en effet, aux prémices d’un (petit hein) mouvement que l’on appellera la Nouvelle Vague.

Des figures comme celles-ci, entreprenantes, courageuses et créatives, l’histoire du cinéma en regorge. Elles furent cependant largement invisibilisées au fil des ans et la mention de leurs noms réservée aux amphithéâtres de cinéma et des revues spécialisées. La première femme à recevoir un Oscar, pourtant, fut la scénariste Frances Marion en 1930 au cours de la 3e édition de la cérémonie pour The Big House. Peu de femmes suivront dont Hattie McDaniel en 1940 pour son second rôle dans Autant en emporte le vent. Première femme de couleur à recevoir la statuette, elle sera pourtant interdite de s’asseoir avec les autres membres de l’assistance et devra suivre la cérémonie à l’écart, les lieux étant réservés aux Blancs.

Scarlett O’Hara et Hattie McDaniel in Autant en emporte le vent (Victor Fleming, 1939)

Du côté de la Croisette, une seule femme a décroché la palme d’or. Jane Campion en 1993 avait, en effet, reçu cet honneur…ex-aequo avec Chen Kaige pour Adieu ma concubine. 

Derrière la caméra 

L’affaire Weinstein en 2018 a bouleversé les coulisses du glamouresque cinéma. Les révélations ont alors délié les langues de nombres de professionnelles et pas seulement au sein de la sacro-sainte Hollywood. Le cinéma, en sa qualité d’usine à rêve et de modèles, reflète ou est, parfois, à l’origine de mouvements sociaux notables. Les mouvements Me too et Time’s up en sont  le parfait exemple en ce qu’il a permis de (re)mettre un véritable coup de projecteur sur les inégalités de traitement de la gente féminine. En France, le hastag “Balance ton porc” et la naissance du collectif 50/50 participe de cette petite révolution. Le festival de Cannes 2018, notamment, fut marqué par une montée des marches exclusivement féminine où figurait notamment Agnès Varda, Claudia Cardinale, Salma Hayek, Kirsten Stewart et Marion Cotillard. 

Le cinéma, par son succès en tant que médium, possède un formidable pouvoir sur les représentations sociales. A l’écran mais aussi sur le tapis rouge, la vie publique des professionnels de l’industrie pelliculaire est scrutée et participe de la monstration (et parfois) de la création et la déconstruction de systèmes sociaux. Dans une industrie où le paraître est LA denrée, le voile est levé petit à petit. Si la question de la parité est aujourd’hui au centre du débat, les films de femmes sont encore très loin d’être sortis de l’underground.

#Explociné : Amours maudits / Classes sociales mon amour

#Explociné : Amours maudits / Classes sociales mon amour

Il y a certaines règles lorsque l’on fait un film. Des règles techniques, administratives mais surtout sociales. Pendant de nombreuses années, les majors d’Hollywood furent soumises au code Hays. Certains pays pratiquent encore la censure. Ces règles, si elles peuvent être régies par des lois, sont en grande partie induites par le spectateur lui-même. Ce que l’on peut ou pas montrer à l’écran, ce qui est obscène ou non, dépend principalement du débat social. Le cinéma a cela de particulier qu’il permet tout à la fois de témoigner d’une époque tout comme de la dénoncer. 

Les couleurs de l’amour 

Kirk Douglas et Elizabeth Threatt in La captive aux yeux clairs, Howard Hawks, 1952 (adapté du roman de A.B.Guthrie)

L’amour entre différentes ethnies a très souvent été dépeint à l’écran. Son traitement n’a cependant cessé d’évoluer de même que les mentalités colonialistes, racistes voire carrément esclavagistes. Il n’y a qu’à voir le récent débat soulevé par Autant en emporte le vent (Cukor) ou une série de dessins animés de la firme Disney. La société évolue. Le regard du cinéma aussi.

Les premiers films notables qui traitent de ce genre de romance mettent en scène principalement un colon blanc et une indigène ou vice versa.

Clark Gable et Yvonne de Carlo in L’esclave libre, Raoul Walsh, 1957

C’est ensuite au tour des histoires entre un blanc et une jeune femme noire. Toute proportion gardée, bien évidemment. Si aujourd’hui, les différences inter-raciales sont clairement montrées à l’écran, notons qu’il a fallu en passer des étapes avant d’en arriver là. En 1957, Raoul Walsh raconte dans L’esclave libre (de son titre original, Band of Angels) , l’histoire d’une jeune femme élevée par son père découvre à la mort de celui-ci que sa mère était noire. Elle devient alors esclave et est vendue au plus offrant. Clark Gable en tête d’affiche permet d’apporter au film un cachet certain pour le grand public. La jeune fille en question, Amantha Starr, cependant, est interprétée par Yvonne de Carlo… c’est à dire une actrice blanche ! Un petit pas pour la représentation afro-américaine à l’écran mais un grand pas pour la société encore très manichéenne de l’époque.

Moins régulièrement à l’écran, on a pu suivre également une romance entre occidental et asiatique. Bref, vous l’aurez compris, c’est pratiquement l’histoire géopolitique du monde que l’on peut retracer par l’observation du traitement des différentes ethnies à l’écran.

La France n’est pas en reste avec les couples mixtes franco-arabe et surtout catholico-musulman. 

Les films les plus marquants et surtout clairement militants portent sur les pairs blancs et noirs. Si il y a toujours eu une dénonciation de ce racisme à l’écran (toute proportion gardée suivant les époques), ces dernières années ont vu un grand nombre de long métrage grand public mettant en scène ces couples mixtes. 

Classes sociales et romantisme 

Une autre catégorie de discrimination largement étudiée au cinéma est bien entendue celle de la classe sociale. Si il s’agit souvent de la combinaison d’un homme riche et d’une femme pauvre, ils permettent tout de même le questionnement social. A défaut d’être féministe, ces films mettent ainsi en scène le mélange des classes sociales encore plus cloisonné à l’époque de Cukor et de son adaptation de My Fair Lady.

Rex Harrison et Audrey Hepburn in My Fair Lady, George Cukor, 1964

En une centaine d’années d’existence, le cinématographe s’est imposé comme LE divertissement de masse. Les usages ont grandement changé, certes, mais on ne peut nier que les plateformes Netflix et consorts ont permis aux images animées de développer encore plus leur impact.Ces images, par leur nombre et leur popularité, ont un impact qui ne fait que se renforcer sur le spectateur et le débat social. Le cinéma est une usine à rêves mais il est aussi et surtout le reflet de la société de son époque. Il n’a jamais été si simple de voir un film. La communauté cinéphile n’a d’ailleurs jamais été aussi active grâce au développement des médias et des discussions en ligne. 

My fair lady, George Cukor, 1964

Les hauts des hurlevents, Andrea Arnold, 2012

Coup de foudre à Bollywood, Gurinder Chadha, 2004 

Hiroshima mon amour, Alain Resnais, 1959

Joue la comme Beckham, Gurinder Chadha, 2002

#Explociné : Amours maudits/ Her, chronique romantique de la technologie

#Explociné : Amours maudits/ Her, chronique romantique de la technologie

Phénomène de l’année 2014, HER explore les relations humains-machine avec une superbe précision. Dans une ambiance colorée et presque rassurante, Spike Jonze installe la réflexion dans un futur à peine anticipé. 

“Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly est inconsolable suite à une rupture difficile. Il fait alors l’acquisition d’un programme informatique ultramoderne, capable de s’adapter à la personnalité de son utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de “Samantha”, féminine, intelligente et drôle…”

Voilà pour le contexte. Un énième film de SF ronflant ? Oh que non ! HER explore notre rapport à la technologie au sein d’un monde où le virtuel fait partie intégrante des communications. 

Pour l’amour du progrès 

Depuis les débuts de la science-fiction au cinéma (mais aussi dès les premiers romans d’anticipation), l’humanité s’est interrogée sur le potentiel intellectuel et émotionnel de la machine. Il en ressort, bien sûr, principalement une peur de se faire détrôner par un être supérieur. Le Metropolis de Fritz Lang en fait un bon exemple. Le discours a cependant évolué avec, notamment, les débuts de la robotique et les premiers androïdes et IA. Si on ajoute à cela le développement des réseaux digitaux, la machine ne fait plus peur mais interroge toujours autant. Elle est devenue une part essentielle de la société humaine et se perfectionne de plus en plus. 

Au cours de la fin des années 1990 et surtout des 2000’s va naître le questionnement grand public sur la sensibilité émotionnelle de ces êtres qui ressemble de plus en plus à leurs créateurs. Blade Runner et la soif de liberté des répliquants ou encore le bouleversant IA en sont les exemples les plus frappants. HER, quant à lui, apporte une dimension nouvelle à la réflexion en ce qu’il s’agit d’une histoire d’amour réciproque et surtout dont l’un des protagonistes n’a pas de corps physique. Peut-on tomber amoureux d’une machine ? Et cela, en sachant qu’il ne s’agit que d’une machine ou d’un programme ? Un tel amour peut-il être réciproque ? Une possibilité nous indique Spike Jonze dans un monde où le contact humain est une denrée rare et monnayable à merci. 

Les sentiments en question 

Le film installe surtout une réflexion de fond autour de la nature même de l’amour. Comment se crée-t-il finalement ? Qu’est ce que l’amour finalement lorsque l’on peut tomber amoureux d’une création virtuelle ? 

Ce questionnement est renforcé par le duo Joaquin Phoenix et Scarlett Johansson. La présence de cette dernière, en effet, est simplement induite par sa voix. L’actrice n’est donc pas à l’écran mais elle incarne bien le personnage. Elle est là et l’action et son partenaire interagissent avec elle.  

Her est un reflet à peine grossi de nos sociétés occidentales. Les couples formés via les réseaux sociaux sont devenus banals. En 2018, Akihiko Kondo épouse la popstar holographique Hatsune Miku. A une époque où les relations se digitalisent de plus en plus, comment définir le sensible, l’attachement et surtout l’amour ? Quelle valeur leur donner ? 

Ex machina, Alex Garland (2014)


AI, Intelligence artificielle, Steven Spielberg (2001)


Blade runner, Ridley Scott (1982)


Ghost in the shell, Mamoru Oshii (1995)

#Explociné : Amours maudits/ Des montagnes, du cinéma et des amours queers

#Explociné : Amours maudits/ Des montagnes, du cinéma et des amours queers

Des histoires d’amour au cinéma, il y en a des tas. Le genre de la rom-com (comédie romantique pour les non initiés) a d’ailleurs plus que jamais le vent en poupe. Netflix et autres Amazon Prime ont permis en effet de faciliter l’accès à ses films feel good qui font frissonner de plaisir dans les chaumières. Une observation est à faire toutefois : combien de ces romances parlent de couples gays, lesbiens ou, plus largement, queer ? 

Si les nouvelles productions font de plus en plus d’effort quand à la représentation des communautés (notamment grâce à de nombreux scandales), l’amour queer au cinéma n’en est encore qu’à ses balbutiements. Retour sur un phénomène (malheureusement) trop récent… 

Le tournant Brokeback Mountain 

Le long métrage Brokeback Mountain du réalisateur Ang Lee symbolise un véritable …tournant (vous ne l’aviez pas vu venir hein) dans la monstration des communautés LGBTQI+ au cinéma. Il s’agit de l’adaptation de la nouvelle du même nom de Annie Proulx, nouvelle qui, d’ailleurs, remporte le Pulitzer 1998. Le film est immédiatement à sa sortie un succès mondial, fut extrêmement récompensé avec l’Oscar du meilleur réalisateur pour Ang Lee, le Lion d’or ou le BAFTA du meilleur acteur dans un second rôle pour Jake Gyllenhaal. Sa renommée est également dûe malheureusement à la polémique et aux nombreuses réactions qu’il suscita. 

Pour une fois, on ne montre pas l’individu homosexuel comme une victime du sida et/ou de l’alcool, de la drogue, effeminé à outrance et surtout victime de sa vie dissolue. Il s’agit là d’une véritable histoire d’amour ! Les deux protagonistes sont même deux cow boys américains, symbole de la virilité s’il en est. Le film figure donc une vraie révolution.

Deux ans plus tard, Harvey Milk de Gus van Sant permet à Sean Penn de remporter l’Oscar du meilleur acteur. Il dira meme “c’est le premier film hollywoodien grand public dans lequel le personnage est gay sans s’excuser de l’être” 

Pour la petite histoire 

Avant la fin des années 70 et surtout les 80s, l’amour homosexuel, si il a pu être suggéré, n’est certainement pas montré à l’écran. Les USA dominent le marché à partir de l’entre deux guerres ce qui a pour résultat d’uniformiser le regard porté à l’écran. Le puritanisme nord américain et surtout le code Hays y règne en maître. Ce dernier établi à la fin des années 1930 par le sénateur et président de Motion Pictures Producers and Distributors Association a pour objectif de réguler la production hollywoodienne. Il est surtout à l’initiative d’une immense entreprise de censure qui implique toute représentation d’amour physique tel qu’un simple baiser. Si l’amour hétérosexuel est deviné, son pendant homosexuel, lui, est alors extrêmement mal vu. L’acteur Rock Hudson avoua des années après le fameux Golden Age, son attirance pour les hommes. Un penchant qu’il tenait secret de peur de se faire rayer d’Hollywood. Quant à montrer une telle attirance à l’écran, c’est même impossible. 

Tom Hanks et Denzel Washington in Philadelphia, John Demme, 1003

C’est au cours de la fin des années 1970 et surtout 80 que vont apparaître progressivement des personnages homosexuels et, petit à petit, des histoires autour de cette communauté. Le summer of love des années 1967-70 est passé par là et le vent libertaire des 70s ont permis de libérer la parole des individualités. L’épidémie du sida (appelé aussi à l’époque “le cancer gay”) pousse sur les feux des projecteurs une communauté encore secrete. Les 80s sont alors une période de démocratisation et d’un début de normalisation des personnes LGBTQI+. Le cinéma prend alors surtout une fonction revendicatrice. 

L’homosexualité et les amours queer à l’écran 

Ces dernières décennies le discours se libère de plus en plus. L’homosexuel n’est plus cantonné aux rôles du meilleur ami gay fan de Lady Gaga et de Sex and the city. Des comédies romantiques pour ados pointent même le bout de leur nez via les plateformes de style Netflix, signe d’une normalisation grandissante. L’individu gay n’est également plsu le seul à être transposé à l’écran. On a pu voir également, moins souvent il est vrai, des personnes lesbiennes, transgenres… 

Toutes les cinématographies ne sont toutefois pas avancées au même point. En cela, le cinéma joue réellement le rôle de miroir d’un climat social et politique d’une communauté. Citons notamment la récente polémique autour du kényan Rafiki (Wanuri Kahiu, 2018). Celui-ci, en effet, fut nommé au prestigieux festival de Cannes, dans la catégorie Un certain regard. Il a toutefois été interdit par la Kenya Film Censorship Board. “Ces cinq dernières années, on a senti progresser un climat anti LGBTQ+ en Afrique de l’Est” déclare la réalisatrice.

Comme l’a si bien dit Jake Gyllenhaal aux BAFTA 2016 : “He (Ang Lee) kept it simple and quiet with respect for the characters and their corner of the world. He knew that to tell a big story you have to keep it small” (FR: “(Ang Lee) a laissé le film simple et discret avec du respect pour les personnages et leur coin du monde. Il savait que pour raconter une grande histoire, il faut penser petit”.). Le secret de Brokeback Mountain a donné un grand mawashi geri dans la face du cinéma (et pas que). Il a permis d’ouvrir le dialogue social à l’écran mais aussi dans la vie réelle. Aujourd’hui, si les personnages queer tendent à se normaliser dans le monde occidental, très peu de productions grand public les poussent réellement et sincèrement sur le devant de la scène.

Moonlight, Barry Jenkins, 2016 


Le secret de Brokeback mountain, Ang Lee, 2005


Shelter, Jonah Markowitz, 2007


Love, Simon, Greg Berlanti, 2018