“Ce qui ne te tue pas, te rends plus fort”. Un proverbe qui convient parfaitement à cette chronique.
Un point tout d’abord: oui, les super héros mènent une double vie. Donc si on pousse un peu, à chaque transformation, ils “renaissent” en une autre entité. Mais ce serait dire que l’humain derrière le héros n’est plus le temps de faire retomber le masque. Comment expliquer alors que la faiblesse de Spiderman est Marie Jane crush de Peter Parker…
La plupart du temps, Superman et autres alien mis à part, le superhéros est un être humain à qui il arrive quelque chose d’extraordinaire. Une mutation, une réincarnation ou tout autre accident de laboratoire permettent ainsi de tuer ce “moi” Si les détails changent, le schéma est souvent le même : un humain meurt dans des circonstances louches et plutôt spéciales pour devenir une nouvelle version de lui même, un super humain (lequel parfois n’a plus vraiment grand chose à voir avec son incarnation précédente mise à part une enveloppe physique) puis par ses aventures : un héros.
Le terme “super” annonce déjà la couleur. Bien souvent mal dans leurs peaux et presque invisibles, les protagonistes deviennent alors mieux que leur vie d’avant même lorsque le masque tombe. Une sorte de meurtre initiatique pourrait on dire. La transformation inattendue (pour les protagonistes du moins) de ces humains somme toute plus normal que normal voire presque paria appelle ainsi notre soif de magie et de surnaturel tout en pointant le potentiel qui dort en chacun de nous. Un discours qui a de quoi séduire tous les Kick ass et autres Scott Pilgrim de cet univers.
Les 5 passages au mode super héros les plus badass :
. Selina Kyle, Michelle Pfeiffer in Batman Returns (Tim Burton, 1992)
. Deadpool, Ryan Reynolds (Tim Miller, 2016)
. Les quatres fantastiques, Jessica Alba, Chris Evans, Ioan Gruffudd et Michael Chiklis (Josh Trank, 2005)
Le Festival de Cannes, temps fort parmi les temps fort du printemps si il en est, est reporté cette année en raison de la crise sanitaire mondiale. Qu’à cela ne tienne, son délégué général, Thierry Frémaux a d’ores et déjà annoncé une sélection en juin (laquelle sera estampillée du label « Cannes 2020 ») ainsi que des opérations hors les murs et diverses partenariats avec les festivals partenaires.
En attendant de voir comment l’industrie du grand écran se réorganise malgré la crise, on a eu envie de se replonger dans ces films palmés qui ont fait l’histoire du Festival. Voici donc notre petite sélection (non exhaustive):
. La Vie d’Adèle: chapitres 1 & 2, Abdellatif Kechiche (palme d’or 2013)
. La Dolce Vita, Federico Fellini (palme d’or 1960)
. Apocalypse Now, Francis Ford Coppola (palme d’or 1979)
. Amour, Michael Haneke (palme d’or 2012)
. Le Guépard, Luchino Visconti (palme d’or 1963)
. Taxi Driver, Martin Scorsese (palme d’or 1976)
Vétéran de la Guerre du Vietnam, Travis Bickle est chauffeur de taxi dans la ville de New York. Ses rencontres dans le monde de la nuit, la violence quotidienne qu’il croise lui font peu à peu perdre la tête.
. Orfeu Negro, Marcel Camus (palme d’or 1959)
. Kagemusha, l’ombre du guerrier, Akira Kurosawa (palme d’or 1980)
Fun fact : Francis Ford Coppola et Georges Lucas sont tout deux producteurs exécutifs.
. Barton Fink, Ethan & Joel Coen (palme d’or 1991)
Fun fact: Barton Fink rafla presque tous les prix du festival cette année là et c’est à partir de cette date que son administration prit des mesures pour empêcher que cela se reproduise.
Couverture: Minority Report, Steven Spielberg (2002)
Une machine à apparence humaine et qui servirait nos intérêts est une idée aujourd’hui bien répandue. Tâches ingrates, impossibles à l’homme mais aussi espionnage ou prostitution, la liste de ses usages ne semble pas avoir de limite. Au delà du domaine pratique, c’est le rêve de “se rendre maître et possesseur de la Nature” qui se traduit là. La machine c’est un outil fabuleux et encore plus si elle possède l’apparence et les qualités humaines poussées dans leur extrême. C’est bien là que le bât blesse. La machine, plus forte, plus intelligente et plus belle est alors “sur” humaine. Tant qu’elle reste simple exécutante, tout va bien (pour son programmateur du moins). L’avancée des recherches en IA interroge cependant notre capacité à contrôler ce monde que nous avons créée. Le cinéma, miroir des époques et de nos peurs, n’est pas en reste quant à réfléchir autour de la question depuis bien longtemps.
Une ressemblance trompeuse
L’apparence de l’androïde est la première des problématiques. Elle nous ressemble à s’y méprendre. Très vite, on se laisse abuser. C’est d’ailleurs son intérêt premier dans une mission d’espionnage. On ne peut s’empêcher toutefois de ressentir une sorte de malaise, une sensation d’étrange. L’être en face de nous nous ressemble mais elle possède un “je ne sais quoi” qui la rend lointaine voire inaccessible. Elle nous ressemble donc mais elle n’est pas comme nous et c’est ce qui la rend si instinctivement dangereuse.
Programmée par un autre être humain, elle devient arme à l’image d’un Terminator. Elle est aussi sensible aux virus et aux failles de conception ou de défense de son système.
Plus la ressemblance est poussée et son système développé et plus c’est inquiétant. Lorsqu’elle atteint une très forte autonomie, c’est une toute autre menace. Cet individu est il réel ? Où est ce un programme voire un bug ?
Le cinéma par ses choix de cadrages, costumes … peut ainsi renforcer cette impression de malaise ou au contraire nous pousser dans une direction ou une autre (ne pas différencier les androïdes des humains ou les séparer totalement). La caméra interrogeant alors cette inquiétante étrangeté de l’androïde.
Xénophobie, racisme et autres joyeusetés de l’Autre
L’androïde est problématique quant à son apparence d’inquiétante étrangeté. C’est aussi notre rapport à l’autre et au différent qui est en action ici. Réflexe somme toute instinctif que nous aurions hérité de l’âge de pierre : l’Autre fait peur. On se méfie de celui que l’on ne connaît pas et dont les intentions ne nous semble pas claires. Plus important encore, on se méfie de ce que l’on ne comprend pas. Comment réagir en cas d’attaque ? Comment contrôler si ce n’est cet autre, au moins la situation ?
A l’écran, l’androïde est donc ségrégé, utilisé voire supprimé lorsqu’il devient trop intelligent, trop autonome ou trop … humain. Que penser de la chasse au réplicant de Blade Runner ? De l’évasion d’Ex Machina ? Les exemples ne manquent pas ainsi que les parallèles avec toute autre situation hors écran.
L’androïde c’est donc une question plus que d’actualité. L’émission de Jimmy Fallon, par exemple, présente les avancées en terme de robots dans le “Tonight Robotics” tous les ans depuis 2017 prouve d’avancées remarquables. Jimmy cependant ne peut s’empêcher de sursauter lorsque le robot Sophia lui tend la main. La machine dotée d’une IA toujours plus performante est plus que jamais au coeur des débats tant scientifiques que sociologiques. C’est surtout l’occasion pour le cinéma de science fiction de faire ce qu’il fait le mieux: imaginer, émettre des hypothèses et questionner. Celui ci permet alors d’interroger notre rapport à une technique toujours plus connectée, présente et performante. Il interroge également notre rapport à l’autre et ce, dans une situation, où pour une fois, l’Humanité ne semble pas en position de force.
L’androïde est un emblème de la science fiction. Un succès qui fut fulgurant dès ses débuts et le place, depuis les années 1990’s principalement, à égale position (voire devant) l’extraterrestre en terme d’occurrence. La peur ne vient plus d’ailleurs mais bien de nos laboratoires. Le développement de la robotique, des réseaux et surtout de l’intelligence artificielle rendent réelles les questions (et surtout les tensions) qui se rapportent à ces machines qui parlent. Parfois désincarnée, comme le vicieux HAL 9000 (2001, l’Odyssée de l’espace, Stanley Kubrick, 1968), la machine peut revêtir un corps et se fondre dans la masse humaine.
L’automate
L’automate est un dispositif reproduisant un ensemble d’actions en autonomie. Au début du siècle dernier, on se passionne pour ses nouvelles machines qui semblent presque magiques. L’idée d’une telle machine à forme humaine fait rapidement son petit bout de chemin chez les inventeurs mais aussi (bien évidemment) chez les auteurs.
Les “puces à l’air” (C3PO, Star Wars V, l’Empire Contre Attaque, 1980), l’automate est rarement très effrayant. Son apparence l’affirme dans son rôle de machine mono-tâche qu’il suffit de débrancher. Il remplit donc plutôt des missions subalternes comme garde du corps ou majordome. Fidèle, il n’abandonne jamais son “grand constructeur” et l’accompagne dans ses aventures.
La première apparition d’un tel robot est attribuée à Méliès dans son court métrage, Coppelia, la poupée animée (1900). Ce film est cependant aujourd’hui disparu. On retrouve l’automate dans The Master Mystery (Harry Grossman et Burton L. King, 1920) ou, plus récemment la saga Star Wars avec le courtois C3PO et Hugo Cabret (Martin Scorsese, 2011).
Le choix de faire jouer les robots par de véritables humains en chair et en os présente plusieurs avantages. C’est une solution moins coûteuse en moyens techniques et financiers. C’est également le moyen de lui faire revêtir une “inquiétante étrangeté”. La machine colle parfaitement au physique humain dans ses moindres expressions. On s’y tromperait.
La machine se fait alors espionne et révèle le danger qu’elle représente pour l’humanité.
1. Metropolis, Fritz Lang (1927), 2. Blade Runner, Ridley Scott (1982)
L’hybride
Montrer à l’écran une créature qui mélange caractéristiques humaines et technologiques peut s’avérer plus coûteuse en terme d’effets spéciaux. Elle est toutefois largement utilisée ces dernières décennies. L’avancée des techniques de créations numériques permet, en effet, une esthétique plus uniforme et surtout une plus grande liberté. Ce type d’apparition révèle également l’angoisse grandissante face à des machines de plus en plus perfectionnées. Proche du cyborg, elle est physiquement et “psychiquement” créée par l’homme et se fond avec lui. Ceci révèle le côté duel d’une telle technologie : si proche et pourtant si différente.
1. Terminator (1984,2019) 2. AI, Steven Spielberg (2001)
Celui qui peut changer de forme
L’animation (et les CGI) est toutefois la technique qui laisse le plus de liberté quant à la création d’une telle créature. Les dessins animés et surtout les mangas présentent ainsi des machines capables de devenir invisibles, de changer de visage ou encore de transformer certaines parties de leur corps. La machine est alors plus qu’humaine. Elle est plurielle et protéiforme. Elle est partout et peut se glisser dans les moindres recoins connectés.
Ghost in the shell, Mamoru Oshii (1995)
Chacune des formes que revêt l’androïde traduit donc une approche différente. De l’automate au répliquant, il cristallise les questionnements de l’humanité face à une technologie qui tend à la dépasser quant à se rendre “maître et possesseur de la Nature”.
L’homme mécanique est l’outil ultime. Une grande logique, une force titanesque et surtout une absence d’émotions en font, en effet, le serviteur idéal. Connu d’abord sous le terme générique “automate”, l’androïde est un robot “qui ressemble à l’homme”. “Andros” signifie, en effet, “homme” en grec et le suffixe “oïde”, “forme”. “Andréïde” est alors le terme unisexe et “Gynoïde” désigne plutôt un automate féminin. De là, dérive l’appellation plus générique de “droïde”, largement utilisée dans la SF.
Ces robots à forme humaine c’est donc l’incarnation du fantasme d’un humain amélioré. Ceux ci, contrairement aux cyborgs qui eux sont un mélange d’organique et de mécanique, sont entièrement technologique. Plus que de l’eugénisme, l’androïde c’est l’idée de se faire démiurge, dieu tout puissant, capable de créer la vie et de la reprendre.
L’androïde c’est aussi cependant la peur de l’humain face à la machine. C’est la cristallisation des inquiétudes de l’homme face à ses faiblesses confronté à une machine si évoluée qu’elle peut le surpasser. L’androïde est double: arme et ennemi, esclave et créature supérieure.
Ces êtres tout de métal conçu c’est donc l’analyse froide. Un androïde c’est une base de données organisée et non biaisée qui prend des décisions logiques basées sur la connaissance et un certain empirisme. Une telle chose n’est pas faite pour vivre mais pour bien pour exister et servir. Il arrive cependant qu’on lui offre des capacités qui tendent à se rapprocher de l’émotion. Cinéma, littérature mais aussi de récentes recherches ne manquent pas de creuser et retourner le sujet. Il s’agit, bien souvent, d’émotions peu “dangereuses” telle que l’attachement à un maître et la loyauté envers celui ci. On ne peut que citer ici le superbe Artificial Intelligence de Steven Spielberg (attention âmes facilement émues, vous en aurez pour votre pixel). Ceci peut amener parfois lesdit “maîtres” à en oublier même le caractère mécanique de l’androïde. Il arrive parfois également que le perfectionnement (ou une erreur de code) amène ces machines à développer une réflexion individuelle et surtout un instinct de survie digne des meilleurs moments du genre humain. L’intelligence logique et analytique de la machine rencontre l’intelligence émotionnelle réservée à l’organique. C’est là que démarre les débats de comptoirs. Qu’est ce qui fait le concept appelé si égoïstement “humanité” (en comparaison avec le “monstrueux”) ?
Toutes ces réflexions et noeuds à la tête amènent surtout un questionnement plus large : qu’est ce qui fait la vie finalement ?
Petite selection (non exhaustive) des classiques de la question. A (re)voir absolument !
Terminator, réalisateurs multiples, 1984 – 2019
AI: Artificial Intelligence, Steven Spielberg, 2001