# SpoilerActu : 76e Mostra de Venise

# SpoilerActu : 76e Mostra de Venise

Du 28 août au 7 septembre dernier se tenait la 76e édition du festival de cinéma, La Mostra à Venise (Italie). Créée en 1932, le festival se déroule annuellement au sein de l’historique Palais du cinéma de la cité des Doges. Elle a, de plus, été intégrée depuis quelques années à la Biennale d’art de Venise en qualité de section cinéma. 

Pour cette 76e édition, c’est l’actrice Alessandra Mastronardi (To Rome with Love) qui se prête au jeu de la maîtresse de cérémonie et la réalisatrice Lucrecia Martel (La ciénaga, La Sainte fille) qui prend la direction du jury succédant à Guillermo del Toro. Retour …

Le palmarès 

. En compétition officielle

Lion d’or : Joker, Todd Philipps (Etats Unis) 

Lion d’argent : About endlessness, Roy Andersson (Suède) 

Coupe Volpi Meilleure actrice : Ariane Ascaride pour Gloria Mundi (France)

Coupe Volpi du Meilleur acteur: Luca Marinelli pour Martin Eden (Italie) 

Lion d’Argent du scénario : Yonfan pour N°7, Cherry Lane (Hong Kong) 

Prix Marcello Mastroianni du Meilleur espoir : Toby Wallace pour Babyteeth (Australie) 

Grand Prix du Jury : J’accuse, Roman Polanski (France) 

Prix spécial du Jury : La Mafia non è piu quella di una volta, Franco Maresco (Italie) 

. Orizzonti (Horizons) 

Meilleur film : Atlantis, Valentyn Vasyanovych (Ukraine) 

Meilleur réalisateur : Théo Court pour Blanco en blanco (Chili) 

Meilleure actrice : Marta Nieto pour Madre (Espagne) 

Meilleur acteur : Sami Bouajila pour Un fils (Algérie) 

Meilleur scénario : Jessica Palud, Philippe Lioret, Diastème pour Revenir (France) 

Meilleur court-métrage : Darling, Saim Sadiq (Pakistan) 

Prix spécial du jury: Verdict, Raymund Ribay Gutierrez (Philippines) 

. Prix Luigi De Laurentiis (Prix de la meilleure première oeuvre) 

Meilleur premier film Prix Luigi de Laurentiis : You will die at 20, Amjad Abu Alala (Soudan) 

. Venice VR  

Meilleur film VR : The Key, Céline Tricard (France) 

Meilleur scénario pour film linéaire : Daughters of Chibok, Joel Kachi Benson (Nigeria) 

Meilleure expérience immersive : A Linha, Ricardo Laganaro (Brésil) 

. Venezia Classici 

Meilleure restauration : Extase, Gustav Machaty (Tchécoslovaquie) 

Meilleur documentaire sur le cinéma : Babenco – Tell me when I die, Barbara Paz (Brésil) 

. Autres catégories 

Prix Campari Passion for film : Luca Bigazzi 

Prix Jaeger -Lecoultre Glory to the filmmaker : Costa-Gavras

Lion d’or pour leur carrière : Julie Andrews & Pedro Almodovar 

Les surprises (bonnes et… mauvaises) 

. Le Joker de Todd Philipps rafle le Lion d’or à grands coups d’applaudissements et d’éloges. Le film raconte, en effet, la naissance du méchant iconique de DC avec en lead role rien de moins que Joaquin Phoenix (Gladiator, Her…). Réputé comme psychologiquement dérangé et dérangeant et ayant, de plus, une illustre parenté d’interprètes (Heath Ledger, Jack Nicholson notamment) le projet est très attendu. Le film a, d’ailleurs, été classé “R Rated” aux USA pour “violence importante et sanglante, comportement perturbant, vulgarité et brèves images sexuelles”. Il sera donc interdit aux moins de 12 ans en France et 17 ans outre Atlantique. Malgré cela, il est encensé partout où il passe et les pronostics pour son démarrages. sont plus qu’ optimistes. Un succès commercial et critique qui semble dépasser le simple comics illustré (vous l’avez ?). Beaucoup s’y sont cassés les dents (cc Jared Leto) mais Joaquin Phoenix semble avoir rallumé la flamme. Affaire à suivre le 9 octobre en salle. 

. Le nouveau film de James Gray, Ad Astra fit également sensation à la cité des Doges. Celui ci raconte, en effet, l’aventure de l’astronaute Roy MacBride aux confins du système solaire sur les traces de son père et d’un mystère qui pourrait bien menacer l’Humanité. Un space opéra façon Interstellar avec à l’affiche Brad Pitt, Tommy Lee Jones, Liv Tyler ou encore Ruth Negga. Une pluie d’étoiles, donc, à découvrir le 18 septembre. 

. Pour sa troisième édition, la section Réalité Virtuelle de la Mostra a encore une fois révélé de très belles oeuvres. Il est noter, d’ailleurs, que c’est la française Céline Tricard qui remporte le prix de Meilleur film VR avec son The Key. Une belle preuve de l’intérêt porté par la France aux technologies immersives et de son souhait de se positionner en temps que tête de file. 

https://www.labiennale.org/en/cinema/2019/venice-virtual-reality

Hors champ 
L’annonce de la sélection de Roman Polanski créa la polémique (rappelons le, le réalisateur fut jugé pour un viol sur mineure qui se serait déroulé fin 70’s). Son ex victime a tenu toutefois à lui adresser ses félicitations pour son prix italien. Elle explique, en effet, être fatiguée de l’acharnement médiatique et juridique dont ils sont tous les deux les frais. Suite à la déferlante du mouvement MeToo et la révélation d’autres victimes, le réalisateur de Rosmary’s Baby a été radié de l’Académie des Oscars. Décision qu’il a décidé de contester devant la justice.

#Terraforming (3) : ExploCiné/Seul sur Mars

#Terraforming (3) : ExploCiné/Seul sur Mars

L’homme peut il survivre sur une autre planète ? Notre niveau scientifique et technologique actuel nous le permet il ? 

C’est la question que se pose Andy Weir lorsqu’il publie en 2011 son premier roman The Martian. Celui-ci, qui parut tout d’abord en version électronique (via Amazon) puis sous format papier en 2014, est très vite devenu un véritable best seller. A tel point que la même année, Weir vend les droits aux productions Scott Free Productions. Son adaptation sur grand écran sort alors en 2015 sous la direction de (Monseigneur) Ridley Scott avec en lead role Matt Damon. 

S’il passe relativement inaperçu face à un autre survival movie, le retentissant The Revenant (aka le sacre de Dicaprio), il figure une pierre solide à l’édifice de ce genre qui peut se révéler glissant. 

Côté scénario: Lors d’une expédition sur Mars, l’astronaute Mark Watney est laissé pour mort par ses coéquipiers, une tempête les ayant obligés à décoller en urgence. Mais Mark a survécu et est désormais seul sur une planète hostile. Il va devoir faire appel à son intelligence et son ingéniosité pour tenter de survivre et trouver un moyen de contacter la Terre à 225 millions de kilomètres. 

Comment s’en est donc sorti Ridley Scott avec son escapade martienne ?

Un ADN racé

Seul sur Mars c’est avant tout un maître à la caméra, j’ai nommé Ridley Scott ! Le réalisateur d’Alien (1979) et Blade runner (1982) n’est pas un complet étranger des épopées SF. Son style aux visuels superbes est ici quelque peu difficile à déceler cependant. Les représentations de la planète rouge sont magnifiques sans nul doute mais elles semblent bien secondaires faces aux péripéties bien rôdées de Mark Watney. Car oui! Si Scott nous a habitué à une maîtrise fluide de l’action, sur Mars tout se passe presque trop bien pour notre Robinson spatial comme pour le scénario.

Cependant, et malgré un manque de fantaisie certain, la machine fonctionne bien. La performance de Matt Damon y figure d’ailleurs un ingrédient de choix. Celui-ci fut d’ailleurs récompensé en 2016 par le Golden Globes du meilleur acteur dans un film musical ou une comédie. Le second survival de l’affiche 2015, The Revenant sera d’ailleurs également récompensé par la même cérémonie avec le Golden Globes du meilleur acteur dans un film dramatique pour Leonardo Dicaprio. Les deux films semblent alors comme figurer les deux versants du miroir. L’un est très psychologique, sombre voire mystique tandis que le second est beaucoup plus optimiste mais surtout beaucoup plus pédagogique !  

Ridley, fidèle à lui même, réussit tout de même le pari de nous tenir en haleine tout au long du film (et ce malgré quelques moments d’égarement). La scène du sauvetage si elle est somme toute assez classique, nous laisse le coeur battant ! 

Et la science dans tout ça ? 

Andy Weir, lorsqu’il s’attèle à la rédaction de The Martian, fait appel à des scientifiques spécialisés pour l’aider dans la construction scientifique de son récit. Quelques libertés sont prises afin d’asseoir le dramatique de la narration effectivement mais une grande partie des explications sont avérées. Non la puissance de la tempête qui causera la perte de Mark n’est pas vraisemblable. On peut cependant bien fabriquer de l’eau et faire pousser des plantes sur Mars ! Thomas Pesquet le fait déjà sur l’ISS d’ailleurs. 

Seul sur Mars gère donc avec brio une dimension qui n’admet pas l’erreur: la vulgarisation scientifique. Ridley Scott (et Andy Weir) réussit à distiller des explications véritablement scientifiques sans nous ennuyer une seconde ! Il nous intéresse même ! 

Il s’agit alors, certes, d’un film de science fiction dans le sens où il s’agit bien d’une projection, nous ne sommes pas encore allés sur Mars ni n’avons expérimenté d’aussi long moment en dehors de notre confortable (mais sympathique) orbite terrestre, mais c’est bien de science que nous parle Mark. 

Mars est la planète la plus connue du système solaire après la Terre. Nous avons donc déjà beaucoup d’indices sur sa composition et sa géographie grâce aux multiples satellites et Rovers envoyés là bas. Nous avons donc déjà une bonne connaissance du trajet et des conditions de survie sur la planète rouge. Ce qui nourrit d’ailleurs les rêves de nombres de scénaristes mais aussi de scientifiques et d’entrepreneurs comme le patron de Space X, Elon Musk. 

La pomme (de terre) de la discorde 

 “Lorsque l’on a fait pousser quelque chose sur une terre vierge, on a colonisé cette terre”,  déclare Mark Watney/Matt Damon au milieu de ces plantations de patates, citant l’université de Chicago. L’affirmation a de quoi faire réagir. Elle semble, en effet, comme un reflet de notre attitude présente face à la conquête spatiale mais aussi de celle que nous avons avec notre propre planète. 

Plus tard, cependant, il ajoute que chaque pays qui participe de près ou de loin à l’exploration spatiale aurait ratifié le traité indiquant qu’aucun n’est autorisé à revendiquer un territoire spatial. Ces derniers se trouvent alors en eaux internationales. Les revendications de politique interne à l’Humanité sont donc exclues de la discussion (et c’est tant mieux). Mais qu’en est il à l’échelle de l’espèce humaine ? Mark peut il se revendiquer ainsi “premier colon martien” ? 

Ridley s’intéresse également à une face de l’exploration spatiale que l’on voit (malheureusement) assez peu : la psychologie de ou des explorateurs. Mark doit, en effet, survivre seul sur une planète étrangère, sans ressources, sans moyen de communication et avec très peu de vivres. Il commence alors tout de suite ses calculs de rations et réfléchit à une stratégie agricole. Là où beaucoup se serait donné la mort de désespoir, Mark ne faiblit pas et entre tout de suite en action. Un instinct de survie incroyable qui est d’ailleurs l’un des critères de sélection au cours du recrutement spatial. Chaque astronaute doit, en effet, comme un militaire, rester calme face à la difficulté et prendre les décisions qui s’impose pour la survie de sa mission, celle de son équipe et surtout la sienne propre. 

Ridley Scott avec Seul sur Mars ne signe donc pas sa Chapelle Sixtine. Un scénario somme toute assez classique et convenu ne nous permet pas d’être transcendé comme par un Blade Runner. Il explore cependant avec brio la dimension scientifique de l’exploration martienne voire même spatiale. Le personnage attachant de Mark Watney fait alors figure de professeur de physique/biologie dans un conte scientifique qui nous donne envie d’en savoir plus. 

https://www.youtube.com/watch?v=M0RGVSxq6E8&t=2589s
#SpoilersActu: ONCE UPON A TIME IN HOLLYWOOD

#SpoilersActu: ONCE UPON A TIME IN HOLLYWOOD

Enfin ! Ce mercredi 14 août sortait sur nos écrans le 9e film de Quentin Tarantino : Once Upon a Time in Hollywood

Fan inconditionnel ou intrigué par le fantastique déploiement de communication, c’est l’un des événements les plus attendus de l’année. Les raisons de cette émotion presque religieuse depuis son avant première à Cannes est non seulement dûe à son pedigree tarantinesque mais aussi (et surtout) à un casting certifié platine composé presque exclusivement de grands noms tel que Margot Robbie, Al Pacino ou encore la fille d’Uma Thurman: Maya Thurman – Hawke. C’est aussi et surtout les retrouvailles à l’écran (et en lead role s’il vous plaît) des monstres sacrés : Leonardo Dicaprio et Brad Pitt ! Rien que cela. Il n’en fallait pas moins qu’une armée de stars pour nous plonger au coeur du royaume aux 1000 projecteurs ! 

Petit point scénario : En 1969, Rick Dalton et le cascadeur Cliff Booth, sa doublure de longue date, poursuivent leurs carrières au sein d’une industrie qu’ils ne reconnaissent plus.

Oeuvre cosmique ? Ramassis de guest star sans intérêt ? Que vaut le dernier long métrage du réalisateur de Pulp Fiction et Inglorious Basterds

Arrêt sur image

OUATIH c’est avant tout un cadre spatio-temporel du tonnerre ! Hollywood dans son Golden Age ou comment mettre en place un véritable appât pour cinéphile de tout poil (et plume ne soyons pas raciste). On le sait, cinéphile, Quentin l’est jusqu’au plus petit travelling. Il distille sa nostalgie version 35mm à coups de références plus ou moins visibles pour le commun des mortels. Ses films sont d’ailleurs souvent construits en hommage à ces oeuvres qui ont marqué le 7e art. 

Once Upon a Time … in Hollywood nous plonge donc dans un scénario méta au coeur des studios et des tensions de l’industrie pelliculaire elle même. On y découvre des acteurs aux dents longues mais à l’ego fragile, les joies du copinage business et autres villas insouciantes. Les films tournés sur le plateau face caméra eux mêmes (les films dans le film, vous suivez ?) traitent du manichéen western cher au coeur de l’Amérique et s’y retrouve également la bagarre US/ Rome pour le plus cool des lonesome cow boy. L’immersion est également grandement aidée par l’un des piliers de cet époque: la musique. Quentin nous régale alors comme à son habitude d’une BO de folie composée des plus grands titres des années hippies. 

Tarantino cristallise alors plus qu’une époque, une industrie, un mythe et son Olympe au plus fort de son influence.  

De l’autre côté du miroir

C’est toutefois un arrêt sur image du style clair obscur que nous livre Quentin. Hollywood est certes un royaume mais comme tout royaume, la réalité n’est pas que châteaux, paillettes et champagne. Le faste d’Hollywood se ressent aussi par ses excès et son côté sombre. L’alcoolisme, la drogue et les (très jeunes) filles faciles, l’immunité judiciaire sous entendue et les caprices sont autant d’éléments qui placent Hollywood comme hors du monde réel.  Le titre même “Once upon a time” (n.b: Il était une fois pour les non anglophones) plante le décor. Ce long métrage est ainsi tant un hommage qu’une critique du mythe hollywoodien. 

Sharon Tate (Margot Robbie) a beau être riche, belle et mariée à Roman Polanski, elle n’est pas reconnue par les guichetiers du cinéma où elle souhaite voir sa propre apparition à l’écran. Rick Dalton (Leonardo Dicaprio) est, certes, une star reconnue mais est incertain, instable, alcoolique et fragile. Tout n’est pas si rose au pays de l’American Dream. 

Cette tension entre le mythe et la réalité est également illustrée par le grand intérêt pour les ragots et autres faits divers hollywoodiens. Des drames s’y passent comme partout mais ils suscitent de par la célébrité de leur protagonistes une obsession pour le commun des mortels qui tient de l’épisode de GoT. Ces drames deviennent alors des synopsis ultra violents qui passionnent le public en salle sous de légers relents morbides comme un roman d’horreur ou un polar. Ce n’est d’ailleurs pas une coïncidence si Quentin choisit de faire coïncider la date de sortie de son 9e film avec les 50 ans des meurtres de la Manson family. 

Le business du Diable 

 “Nous avons tous grandi en regardant la télé. Allons tuer ceux qui nous ont appris à tuer ! Ils sont là comme des porcs dans leurs villas !” s’écrit une des jeunes disciples de Charlie devant Cielo Drive. Le 9 août 1969, en effet, (au moment de l’action de OUATIH donc) Susan Atkins et d’autres disciples de Charles Manson s’introduisent au 10050 Cielo Drive, la résidence de Roman Polanski et tuent tous ceux qui s’y trouvent dont Sharon Tate, actrice et épouse enceinte du réalisateur de Rosmary’s Baby.  Le lendemain ce seront les époux LaBianca. L’émotion est palpable face à ce crime d’une violence extrême. Sharon Tate aurait reçu pas moins de 16 coups de couteaux ! 

On avance rapidement que Charles Manson souhaitait se venger d’un producteur de musique célèbre qui lui aurait refusé l’entrée du royaume des projecteurs mais celui ci aurait déménagé avant les faits sans que Manson n’en soit informé. Cette vengeance n’a cependant pas totalement échoué puisque ce sont tout de même des stars de l’époque qui en ont fait les frais. Plus qu’un fait personnel, celle ci devient un symbole. Susan, Tex, Charlie et leur famille figurent alors le “Diable venu faire le travail du Diable” et fissurent à jamais l’idéal hollywoodien. 

Cinquante ans plus tard, il ne s’agit plus d’un simple fait divers. Manson est resté un symbole fort dans la (pop) culture américaine mais aussi mondiale. Son image ou simplement son nom sont très souvent utilisés comme symbole d’horreur et du mal incarné. 

Il est vrai que Cielo Drive arrive à la fin des années 60’s, période d’insouciance, de libérations en tous genres et de l’amour universel. Cet événement figure alors un véritable basculement de la culture hippie en quelque chose de beaucoup plus sombre. 

Les tueurs en séries et leurs méfaits vont par la suite faire l’objet d’une grande médiatisation voire d’une certaine fascination par le grand public. Il va alors s’ensuivre une vague de crimes odieux parmi les plus célèbres comme, par exemple ceux d’Edmund Kemper. Le FBI commence même à s’intéresser à ses tueurs d’un genre “nouveau” et crée le premier département d’étude du comportement comme retracé dans la très (très très très) bonne série Mindhunter

Quentin Tarantino dresse donc avec ce Once upon a time in Hollywood, malgré (ou grâce à) l’exubérance qu’on lui connaît un tableau du mythe hollywoodien plus ancré dans la réalité qu’il n’y paraît. C’est un regard critique sur le faste d’Hollywood et ses pendants que l’on peut y analyser à la manière d’un Lalaland (Damien Chazelle, 2017) ou d’un A star is born version Cukor avec le trashy en plus. C’est ainsi une sorte de mise en garde jouissive et colorée contre la lumière des projecteurs qui érigent en “icône mythologique” des personnages tel que Manson.  

Hollywood, Hollywood… 

Fabuleuse Hollywood… 

Babylone de Celluloïd, 

Glorieuse, splendide…

Cité fiévreuse, 

Frivole et consciencieuse…

Audacieuse et ambitieuse, 

Et vicieuse, et impérieuse. 

Ville aux drames innombrables, 

Tragique et pitoyable…

Bobards, bazar, génie, 

Incroyable pot-pourri…

Tape-à-l’oeil, formidable,

Absurde et admirable; 

Mesquine, radine, Invraisemblablement sublime…

HOLLYWOOD !! 

Don Blanding 

(Hollywood Babylone, Kenneth Anger, 1959) 

#ONTHEROAD (5) : ExploCine/ Sur la route (2012)

#ONTHEROAD (5) : ExploCine/ Sur la route (2012)

“Les fous, les marginaux, les rebelles, les anticonformistes, les dissidents… tous ceux qui voient les choses différemment, qui ne respectent pas les règles. Vous pouvez les admirer ou les désapprouver, les glorifier ou les dénigrer. Mais vous ne pouvez pas les ignorer. Car ils changent les choses. Ils inventent, ils imaginent, ils explorent. Ils créent, ils inspirent. Ils font avancer l’humanité. Là où certains ne voient que folie, nous voyons du génie. Car seuls ceux qui sont assez fous pour penser qu’ils peuvent changer le monde y parviennent”. 

Vous aurez reconnu la plume de l’icône américaine Jack Kerouac. Son oeuvre cultissime Sur la Route, éditée en 1957, fut érigée au fil du temps en une véritable Bible pour jeune barbu réfractaire. Elle est surtout l’une des premières à conceptualiser ce mode de vie qui prône la liberté par dessus tout. 

Si une adaptation filmique fut en discussion pendant de nombreuses années. C’est finalement Walter Salles qui présente au Festival de Cannes de 2012 ce road trip existentiel. 

Petit point scénario : Au lendemain de la mort de son père, Sal Paradise, apprenti écrivain new yorkais, rencontre Dean Moriarty, jeune ex-taulard au charme ravageur, marié à la très libre et très séduisante Marylou. Entre Sal et Dean, l’entente est immédiate et fusionnelle. Décidés à ne pas se laisser enfermer dans une vie trop étriquée, les deux amis rompent leurs attaches et prennent la route avec Marylou. Assoiffés de liberté, les trois jeunes gens partent à la rencontre du monde, des autres et d’eux-mêmes. 

De la page à l’écran, il y a de nombreux pas et travellings. Alors, Walter Salles a-t-il réussi à nous emmener sur la route ? 

. La Beat generation 

Sur la Route fait figure depuis sa parution de classique au même titre que Les portes de la perception d’Aldous Huxley (1954). Classique dont l’on vous recommande la lecture d’ailleurs.  

Les nouveaux hipsters américains”, comme les nomment Kerouac, ou “Beat” apparaissent, en effet, à la fin des 50’s et révolutionnent notre approche existentielle. L’auteur les définit ainsi dans une interview comme ceux qui ont dépassé le stade des plaisirs charnels et qui s’intéressent maintenant à Dieu et aux Visions sacrées. 

Sur la Route raconte alors à la première personne les aventures de Sal Paradise sur les routes d’Amérique. On y croise des lieux, des personnages hauts en couleur et des situations rocambolesques voire fantasmagoriques. Attention toutefois, en 2007, Viking Press publie The Original Scroll, le manuscrit originel et non sectionné. Des épisodes ainsi que le nom de certains personnages diffèrent alors de l’édition originale. A lecteur averti. On retrouve ainsi le fameux Neal Cassady ou Dean Moriarty dans le roman originel, Allan Ginsberg (Carlo Marx) et William Burroughs (Old Bull Lee). 

Le mouvement Beat ne se revendique cependant pas en tant que genre littéraire. Les écrivains du cercle de Kerouac et ceux qui s’en réclame par la suite, s’ils partagent un goût pour la prose spontanée et le surréalisme ont tous des façons d’écrire qui ne se ressemblent pas. 

C’est ainsi cette spontanéité et ce goût du fantasme qui caractérise Sur la Route et ses descendants. L’idée du mouvement est ici centrale. In a nutshell : “Tout faire à fond ou pas du tout. De toute façon, on n’en sortira pas vivant”. 

. Le sens du courant 

Au temps de la surconsommation, il ne s’agit alors plus de trouver un bon parti, un bon travail et suivre le flot. L’urgence est ailleurs. A contre courant. 

La route est alors un voyage tant physique qu’intérieur. Ce que l’on recherche c’est quel sens donner à sa vie. Ce que l’on raconte ainsi ce sont des jeunes perdus, écorchés par la vie qui ne se reconnaissent pas dans le système que l’on veut leur imposer. Ils opposent alors à ce fameux système mortifère un véritable ouragan d’énergie et d’inspiration artistique. L’important est de vivre l’instant et uniquement celui ci. Une philosophie qui se veut alors déchaînée et libre de toute emprise du passé et (presque) de l’avenir. Tout tenter, tout voir et danser comme flamme au vent et ainsi contrer la mort, l’oubli et surtout l’ennui. 

Cette urgence et cette énergie caractéristiques, on ne les retrouve malheureusement pas dans le film de Walter Salles. Aurait il eu tant peur de l’oeuvre et de sa célébrité qu’il en aurait oublié le sens premier ? 

. De la plume à l’écran 

Beaucoup de cinéastes s’était intéressés à l’oeuvre de Kerouac avant 2012…et s’y était cassé les dents. Francis Ford Coppola, par exemple, en avait acheté les droits mais ne tournera jamais le film. Il n’est pas chose aisée, en effet, de se frotter à une oeuvre d’une ampleur. On le sait. 

Walter Salles comme directeur avait pourtant de quoi constituer une belle promesse. On lui doit notamment la réalisation du biopic autour de Ernesto “Che” Guevara en 2004 avec Diario de motocicleta (Carnets de voyage en français). Le long métrage Sur la Route est cependant décevant. On y retrouve l’idée de mouvement. Mais il s’agit surtout ici de passer d’une scène à une autre sans vraiment de fil conducteur et surtout surtout surtout sans cette énergie qui est (rappelons le) au coeur de la philosophie Beatnik ! Tous les détails sont ainsi très convenus, classiques. On suit le scénario sans un travelling de travers et c’est tout. Le timecode finit presque par transpirer l’ennui auquel souhaite tant échapper Sal, Dean et leurs amis.  Les choix scénaristiques se concentre ainsi sur la relation Dean/ Sal et en oublie presque la route et sa quête de sens. La performance de Kirsten Stewart en une Marylou délurée lucide est à saluer cependant. On en oublierai presque la faussement dépressive Bella de la franchise Twilight

Si l’adaptation de la Bible Beat par Walter Salles n’a pas de quoi faire pleurer dans les chaumières, il n’en reste pas moins un bon récit. Le réalisateur met en scène ici plus un carnet de voyage et perd quelque peu l’essence de vie qui a fait l’oeuvre. C’est toutefois une bonne entrée en matière pour qui n’a pas lu le livre et/ou souhaite s’évader en découvrant cet univers. Une scène surtout retient notre attention. Celle ci prend place au coeur d’une soirée de Nouvel An. Marylou et Dean dansent en une sorte de transe. On ne sait d’ailleurs plus si ils dansent ou s’ils brûlent sur place.

#ONTHEROAD (2): ExploCiné/Death Proof

#ONTHEROAD (2): ExploCiné/Death Proof

Robert Rodriguez et Quentin Tarantino sont mondialement reconnus pour leur patte respective souvent copiée, jamais égalée. Les deux réalisateurs, en effet, partagent un goût certain pour les couleurs qui flashent, les combats sanglants et une nostalgie cinéphilique. Amis dans la vie, ils sortent en 2007 leur double programme: Grindhouse. Celui-ci est composé des long métrages, Death Proof (ou Boulevard de la Mort pour les francophones) et Planet Terror. Ces deux là, bien que pièce d’un ensemble plus large, sont construits de sorte qu’ils se visionnent aussi bien ensemble (et c’est ce que l’on vous recommande) qu’ indépendamment l’un de l’autre.

Death Proof est donc non seulement une pièce du puzzle mais aussi la vision personnelle du Grindhouse par Tarantino. Il s’agit donc bien du 6e film de Quentin et en cela est une oeuvre à part entière. 

Petit point scénario avant toute chose: C’est à la tombée du jour que Jungle Julia, la DJ la plus sexy d’Austin, peut enfin se détendre avec ses meilleures copines, Shanna et Arlene. Ce trio infernal, qui vit la nuit, attire les regards dans tous les bars et dancings du Texas. Mais l’attention dont ces trois jeunes femmes sont l’objet n’est pas forcément innocente. 

. Grindhouse…  quoi ? 

Le Grindhouse c’est plus qu’un genre, c’est un univers visuel complet avec ses (quelques) codes et une façon de raconter des histoires sans commune mesure. 

Death Proof fait donc partie du diptyque Grindhouse avec le survolté Planet Terror de Robert Rodriguez. Sang, sexe, drogue et gros calibres sont au rendez vous. Ce qui caractérise surtout le Grindhouse c’est cette manière de ne surtout pas se prendre au sérieux. L’étalage impressionnant de seins, pus et autres joyeusetés défile alors à l’écran avec une auto dérision non voilée. On remarquera également (en même temps, il est très difficile de rater ça), l’amour presque obsessionnel des CGI et autres cascades grandioses. Tout ceci se mêle dans une esthétique aux accents vintages 50’s et rend un tout surréaliste et incroyablement visuel. Le Grindhouse possède également ses sujets de prédilection à savoir notamment horreur, thriller et slasher le tout parsemés de relents western. 

Si ce double programme pose les bases du Grindhouse moderne, le phénomène ne date cependant pas d’hier. Le point de départ, en effet, est le “film d’exploitation” des années 50/60’s. Ceux ci sont un tel déchaînement de violence qu’ils ne peuvent être diffusés au sein des réseaux habituels. Le faible budget de leur production également ne les aident pas à se créer une place sur le devant de l’affiche. Ils sont alors distribués dans des théâtres sur la scène desquels se produisait les spectacles de bump’n’grind. C’est d’ailleurs de ceux ci que viendra le nom des ces salles d’un genre nouveau: les Grindhouses. Ces films ont ainsi inspiré toute une génération de cinéastes.

. La patte de Tarantino 

Death Proof, si il s’insère dans l’univers Grindhouse ainsi que dans le dyptique éponyme de 2007 reste avant tout une oeuvre estampillée Tarantino. Il contient en effet tous les ingrédients de la recette tarantinesque, de même que Planet Terror et Robert, fan de comics, Rodriguez. Chaque plan est minutieusement travaillé et on ressent fortement l’influence des films de l’âge d’or. 

De nombreuses références sont d’ailleurs disséminées à l’écran par Quentin comme à son habitude. Les voitures notamment font l’objet d’une attention toute particulière et renvoient à de grands moments de cinéma mais également aux précédentes oeuvres du réalisateur. On peut apercevoir ainsi un autocollant “Pussy Wagon” sur le pare choc de la voiture sur laquelle Lee s’adosse en attendant que ses amies finissent les courses.  La plaque de Mike, également, qui au début du film affiche JJZ 109 reprend celle de Steeve MCQueen dans Bullitt (Peter Yates, 1969).

. Le Grand Frisson 

La voiture possède une place à part dans l’univers de Tarantino mais également du Grindhouse. Elle est vu presque comme un élément à part entière du casting voire une extension des personnages qui en sont propriétaires. L’amour de la vitesse est d’ailleurs une caractéristique répandue parmi les personnages Grindhouse. 

La route permet aussi d’insérer les personnages et l’action dans la mythologie du héros à la manière du mercenaire des westerns d’antan. 

La route est ainsi la voie de la liberté laquelle permet un déchaînement cathartique et la recherche du Grand Frisson. Elle est d’ailleurs à la base du scénario de Death Proof puisque le point de départ de ce dernier est (justement) un départ en road trip entre amies.

. Bagnole, bain de sang et féminisme 

 Une telle explosion de violence, trips et boyaux est bien sûr cathartique. Il permet surtout la dénonciation. Les traits des personnages et les situations sont, en effet, étirés au maximum afin d’en démontrer le ridicule. Ce que Death Proof met en ainsi en lumière, c’est la libération des femmes et le spectre de l’homme qui reste tout de même au dessus d’elles. 

Les jeunes filles, si elles sont (très) sexualisées, restent toutefois maîtresses de leur corps et de leurs envies. Elles aiment aussi les grosses bagnoles et n’hésitent pas à jouer de leurs charmes pour amadouer la gente masculine.

Death Proof est ainsi représentatif de l’esprit Grindhouse tant dans son univers narratif que dans sa construction visuelle. Il trouve également complètement sa juste place au sein de la filmographie de Quentin Tarantino. Une bande originale cultissime achève de faire de ce film un indispensable. Si le double programme fut un échec commercial, son impact continue de se faire sentir sur la route de la cinéphilie.

Pour ceux qui souhaitent aller plus loin dans la découverte de cet univers explosif: