Des hommes armés jusqu’aux dents débarquent dans le village par la mer et font un vrai massacre de quiconque se trouve sur leur chemin. Ils sont grands, musclés et leurs yeux d’un bleu profond étincelle d’une rage sanglante tout droit venue de l’enfer.
Voilà, à peu de choses près, la description de toute apparition viking-esque à l’écran. La légende populaire en a fait une véritable bête capable de toutes les calamités, le cinéma, quant à lui, ne déroge pas à cette image belliqueuse. S’il est, encore aujourd’hui, un personnage fort apprécié des sagas historiques, il est désormais une figure incontournable et une inspiration pour le domaine de la fantasy.
Illustration de couverture : Le guerrier silencieux – Valhalla Rising, Nicolas Winding Refn (2009)
Une histoire de culture
Les raids venus du nord terrorisaient les populations d’Europe du Sud. Poussés par une volonté conquérante, les différentes tribus viking ont en effet envahis à plusieurs reprises le territoire de ce qui deviendra la France et surtout l’Angleterre. Ces hommes polythéistes voire animiste sur les bords vénéraient la culture de la guerre. Un peu à l’image de Sparte, un homme prouvait sa valeur par son courage sur le champ de bataille. Mourir au combat était ainsi l’un des plus grands honneurs car le guerrier prenait alors place au Valhalla et partageait un festin à la table d’Odin lui-même.
Une motivation qui faisait des combattants viking parmi les plus redoutés du Moyen Age. Ces païens n’hésitaient pas également à détruire les lieux de cultes catholiques ou à trucider prêtres et moines. Une horreur pour les pays envahis où la chrétienté s’est implantée depuis des siècles. Les commentateurs de l’époque, horrifiés, décrivent alors de véritables démons animés par le chaos infernal.
Une image qui aura vite fait de se développer au sein de la population par les écrits mais aussi par les histoires incroyables contées au détour d’une taverne. Le viking, bien des siècles plus tard, sera alors empreint d’une aura mystique et presque extraordinaire.
Le cinéma en qualité d’art, et surtout de média, de masse participe de la diffusion de cette créature infernale. Si les films historiques en font un guerrier certes redoutable mais bien réel et mortel, le développement de la fantasy renforcera la figure d’une bête à demi-humaine. Le succès de la légende du guerrier ours, le Berserk, se mêle à l’aura belliqueuse du viking et ajoute à cette figure terrifiante.
Quoi de mieux pour raconter des batailles héroïques et renforcer l’éclat du héros qu’un combat contre un tel guerrier ? Peu à peu, la figure de ce “monstre nordique” est devenue symbole de combattant respecté et déterminé et est aujourd’hui, lui-même l’un des héros favoris des sagas mytho-cinématographiques.
Astérix, Dragons et les comics
L’animation et les comics n’est pas en reste quant à son utilisation. Par son côté extrêmement manichéen, il fait un parfait protagoniste pour les films grands publics. Il figure alors un ennemi tout trouvé.
Asterix & les Vikings, Jesper Moller et Stefan Fjeldmark, 2006
Sa dimension héroïque en font bien évidemment une figure incontournable de toute quête et sagas.
Thor, Kenneth Branagh, 2011
Plus récemment, il sera utilisé dans afin d’illustrer de, plus subtiles, paraboles autour du droit à la différence.
DRAGONS
Dragon (How to train your dragon), Chris Sanders et Dean DeBlois, 2010
Le viking au cinéma, c’est donc d’abord un guerrier sanglant et terrifiant. Il est un outil narratif certain quant à l’inspiration de grandes batailles ou de héros puissants. Sa figure est néanmoins plus complexe qu’elle n’y paraît. Les histoires portées à l’écran changent assez récemment de paradigme et explorent ce combattant pas si bestial.
Le film de monstre, longtemps cantonné à la place de sous genre des films d’horreur et d’aventure, a désormais acquis ses lettres de noblesse. Si la figure de la monstruosité est si universelle c’est qu’elle est multiple et protéiforme. Il s’agit ici d’explorer nos peurs et de les interpeller sous tous les angles possibles : individuelles et biologique mais aussi culturelle et sociologique.
Les valeurs et l’appréciation du monde, en effet, changent suivant les cultures. Celles ci définit alors en partie nos coutumes, nos croyances mais aussi nos craintes. Les choix quant à la représentation du monstre, ce qu’il représente ainsi que sa relation avec le reste du monde peuvent ainsi varier de manière significative à mesure que l’on se déplace de méridien en parallèle. Chaque cinématographie reprend alors à sa sauce le film de monstre et en fait l’un des ambassadeurs les plus frappants de sa culture.
Japon : Godzilla, Ishiro Honda (1954)
Le tout premier opus de Godzilla fera date. Très gros succès commercial avec notamment 9 millions de spectateurs uniquement au Japon, il démocratisera le genre désormais incontournable du kaiju eiga (litt. “films de monstres”). Celui ci lié principalement au cinéma japonais désigne les films d’ “attaque de monstres géants”. Si il existait avant Godzilla, il n’est aucun doute sur l’impact de la créature sur la célébrité du genre.
Cette dernière, d’ailleurs, est d’origine atomique by the way. Détail ? Oh que non ! Le pays à cette époque se remet difficilement de la WW2 et surtout du traumatisme que lui ont causé les deux bombes nucléaires lancées sur Hiroshima (6 août 1945) et Nagasaki (9 août 1945) . Godzilla c’est la bombe atomique, c’est le traumatisme qui piétine le territoire japonais.
Le lien avec le réveil d’une telle créature par l’entremise de l’activité humaine n’est pas sans traduire également le lien fort que nourrissent le pays du soleil levant et la nature. De tradition animiste et shintoïste, le Japon observe un très grand respect pour la nature et ses forces indomptables. Cette sensibilité écologiste se retrouve dans un très grand nombre de films japonais et notamment de manière plus directe et militante dans le très (très) beau Princesse Mononoké du maître Hayao Miyazaki (2000).
USA : Elephant man, David Lynch (1980)
L’une des premières apparitions de Mr. David Lynch sur nos écrans cristallise ce qui fera “sa patte”. Un regard incisif et sans fard, un goût pour le switch temporel et dimensionnel fréquent, des sujets d’études non édulcorés et de la fumée, beaucoup de fumée. Inspiré de la vie de Joseph Merrick, il est une ode à la différence et à l’ouverture d’esgourdes.
Joseph Merrick, en effet, fut une réelle célébrité du temps des freak show et autres zoos humains. Sa particularité physique l’éloigne alors du genre humain pour en faire un hybride, une chose, un monstre. Il n’est ni tout à fait différent mais ni tout à fait pareil. A l’époque du développement des sciences et de la méchanique, des grandes explorations et des voyages d’agréments du gotha, la notion de l’altérité intrigue.
Les Etats-Unis, notamment, ont un rapport assez complexe avec la monstruosité. Le pays, rappelons le, s’est construit sur des vagues de migrations successives. Les européens découvre d’abord les amérindiens qu’ils voient comme des sauvages. C’est ensuite au tour des esclaves mais aussi des millions d’italiens, asiatiques ou encore russes partis chercher la bonne fortune au pays de l’Oncle Sam. La société se cristallise en pôles culturels et autrui devient étrange. Au sein même de ces pôles se retrouve des individus dont les particularités physiques voire carrément la morphologie brise les conventions de l’apparence humaine. Ce rapport à l’étrange et, surtout, à la violence de cette époque, se retrouve par ailleurs dans le culte Freaks, la monstrueuse parade (Tod Browning, 1932). Le Elephant man de D. Lynch s’en veut par ailleurs un hommage à ce dernier.
Espagne : L’Esprit de la ruche, Victor Erice (1973)
Une petite fille à l’univers intérieur énormément riche. Une réalité plutôt morose. Un contexte socio-politique pas au beau fixe. Si cela ne vous rappelle rien, j’ajouterai le dernier ingrédient à la potion : une relation de fascination pour une créature entre l’imaginaire et la réalité. Mais oui, nous avons là les éléments du Labyrinthe de Pan (Guillermo del Toro, 2006). Rien d’étonnant à cela lorsque l’on considère que Victor Erice fut avec ce film l’une des inspirations de Guillermo. L’Esprit de la Ruche incarne, en effet, l’un des chefs de file d’une esthétique ibérique souvent nommée “réalisme poétique”. A savoir que l’action prend place dans la réalité mais que celle ci est magnifiée par l’imagination et le regard.
L’Esprit de la ruche, tout comme le Labyrinthe de pan, participe ainsi d’une approche du monde et du monstre plus poétique et surtout dénonciatrice. Les deux films pointent ainsi le franquisme et l’Espagne post-guerre civile ainsi que la question de la différence et le droit au rêve.
Le monstre est ici une créature aussi attendrissante qu’inquiétante. Une dualité que l’on retrouve, par ailleurs chez l’américain Tim Burton.
Inde : Nagin, Rajkumar Kohli (1976)
L’Inde est le pays de l’extrême, du clinquant… à l’image de ces studios de cinéma : Bollywood. C’est tout un symbole qui rayonne à travers ces quelques syllabes. Les studios sont désormais aussi mythiques que le Taj Mahal et exportent la culture indienne jusqu’au bout de monde.
Terre de légende et de mix culturel, c’est la mythologie hindoue, bouddhiste ou encore musulmane qui se mélangent et cohabitent. Une source inépuisable de monstres, dieux et créatures en tous genres à mixer ou à servir directement.
Ah ! L’enfance ! Il s’agit là d’une belle période d’insouciance, de jeux, de découvertes mais aussi… de peurs et de monstres sous le lit.
L’âge tendre, comme dirait l’autre, c’est le début d’une toute nouvelle aventure. Il faut tout apprendre de ce monde si vaste et mystérieux. Le développement de l’imaginaire individuel enveloppe alors toutes ces choses que l’on ne comprend pas. L’inconnu fait peur à tout âge. L’enfant à cela de particulier qu’il ne peut reposer ses interactions avec l’extérieur sur un empirisme (lequel reste encore minime). Il n’a pas encore intégré les codes sociaux et scientifiques qui régissent son environnement. Tout est en proie à une imagination bouillonnante.
La narration permet alors de mettre des mots sur ces concepts et émotions parfois difficiles à appréhender. Les contes de fées et désormais les dessins animés et autres films enfance deviennent ainsi les garants d’une parabole pédagogique. Laquelle n’est pas sans utilité également pour les plus grands.
Faire face à ses peurs en personne
L’enfant est une toile vierge. Il observe. Il mime ses parents. Il pose tout un tas de questions auxquelles ont parfois bien de mal à répondre les grandes personnes qui l’entoure. L’enfant fait face à une quantité impressionnante de stimulis sensoriels et émotionnels chaque jour.
Il ne s’explique pas non plus toutes ces émotions qui lui arrivent tel un torrent incontrôlé. Pourquoi je dois partager mes jouets ? Pourquoi je ne peux pas avoir ça ou ça ? Pourquoi maman ne s’occupe pas de moi tout le temps ? Pourquoi je dois aller à la crèche ?
Le film va alors prendre le relais. Il va alors mettre en scène ses concepts et ressentis les plus abstraits. Il va surtout à l’enfant, dont l’imagination déborde d’explications magiques, de pouvoir s’identifier aux héros de l’histoire et d’envisager ses angoisses sous un nouveau jour.
“Pour qu’une histoire accroche vraiment l’attention de l’enfant, il faut qu’elle le divertisse et qu’elle éveille sa curiosité. Mais pour enrichir sa vie, il faut en outre qu’elle stimule son intelligence et à voir clair dans ses émotions; qu’elle soit accordée à ses angoisses et à ses aspirations; qu’elle lui fasse prendre conscience de ses difficultés, tout en lui suggérant des solutions aux problèmes qui le trouble”, explique Bruno Bettelheim in Psychanalyse des contes de fées.
1. Frankenweenie, Tim Burton, 2012/ 2. SOS Fantômes, Ivan Reitman, 1984
Le monstre devient donc l’allégorie de ces angoisses. Il personnifie ainsi ces angoisses qui taraude l’enfant à chacune des étapes de son développement. Le héros triomphant le rassure alors quant à la possibilité de victoire. La peur de l’abandon, des catastrophes naturelles voire des angoisses sociales sont alors traitées sous l’aspect de créatures monstrueuses voire simplement de péripéties qui rassurent alors l’enfant. Un procédé qui n’est pas sans rappeler le formidable pouvoir pédagogique du cinéma en général…
Accepter la différence
La figure du monstre c’est aussi la possibilité de mettre l’enfant face à ce(ux) qui est différent de lui. La créature prend alors ses traits originel d’ “être extrême et difforme” en opposition à ce qu’il considère comme la norme, sa propre individualité. Les péripéties montrent alors à ce citoyen en devenir que ce qui est différent n’est pas forcément mauvais.
Le cas de Monstres & Cie (Pete Docter, 2002) est ainsi particulièrement intéressant en ce qu’il retourne habilement la situation. Cette fois, c’est toute une ville de monstres qui est terrorisée par… une toute petite fille. Le film montre ainsi que finalement tout est une question de point de vue et que l’autre ne doit pas être traité sur la base de la peur qu’il inspire au premier abord.
Extrait Monstres & Cie (Pete Doctor, 2002)
1. Monstre et Cie, Pete Docter, 2002/ 2. L’étrange Noël de Mr Jack, Tim Burton,1994
L’enfant n’est pas le seul pour qui la mise en parabole et surtout la personnification de la peur peut être cathartique voire thérapeutique. L’adulte aussi peut avoir besoin dans son parcours de revenir à l’explication simple de la narration. Les étapes importantes de la vie ne s’arrêtent pas une fois passé l’âge des couches. L’éducation est l’affaire de toute une vie qu’il s’agisse de jeunes parents, d’un étudiant perdu face à son avenir flou, du jeune actif face à son premier emploi voire même réminiscences de temps plus insouciants et tant d’autres étapes cruciales.
Le Monstre c’est celui qui n’est pas normal. C’est celui qui ne colle pas aux normes, qui est différent.
Une belle définition qui lie d’un fil quelque peu malsain ce concept à celui d’autrui. Célébrité au temps des freak shows, le monstre est reconnaissable bien souvent par un physique particulier. Il peut être, cependant, totalement normée d’extérieur mais est si extrême, incroyable ou violente par son être ou ses actions qu’on ne peut le qualifier d’humain à part entière.
La naissance de la psychanalyse et particulièrement des travaux sur les pulsions vont toutefois quelque peu changer la donne. L’individu est désormais la proie des mêmes pulsions que ces congénères et peut souffrir comme n’importe qui du déséquilibre de celle ci. Ce déséquilibre mène alors à des comportements violents voire carrément extrêmes ou bestiaux.
Une vision plus complexe du monstre se dessine alors que, dans les journaux, les foules se passionnent pour les faits divers et ce que l’on nommera plus tard, les “psycho killers”.
Une vision qui n’a pas échappé aux artistes et surtout au cinéma.
Le monstre est parmi nous !
Au XIXe siècle, le public frissonne de curiosité morbide. Le développement des journaux à sensations fait des meurtres les plus crapuleux de véritables séries à rebondissement. Certains criminels vont même jusqu’à jouer de cette visibilité que leur apporte la presse. L’un des plus célèbres exemples de ces « trompe la presse » reste Jack l’éventreur, lequel est devenu une légende ainsi qu’un exceptionnel brouet créatif pour les conteurs de toute sorte.
Ce que ces journaux (les britanniques Penny Dreadful en tête) vont créer c’est un tout nouveau type de monstre : le tueur psychopathe. Celle ci va immédiatement rencontrer un succès formidable. Succès qui ne s’est pour l’instant encore jamais démenti.
Au temps de l’industrie et de la mécanique, la population ne croit plus aux monstres fantastiques. Il lui faut une autre marotte qui la fasse frissonner au plus profond de la nuit. Un monstre humain ou plutôt qui ressemble à un humain, agit comme tel, jusqu’au point de se fondre dans la masse voilà une histoire à faire trembler dans les chaumières.
Ce monstre d’un nouveau genre connaîtra également une nouvelle heure de gloire dans les années 70’s après les meurtres de la Manson family du summer of love. Les années 90/2000, quant à elles, verront une recrudescence de cette figure mais cette fois ci le psycho killer aura dans son arsenal de nouvelles technologies et sa figure se mélangera avec celle du hacker (pire cauchemar de la société du cloud).
Le cinéma loin d’être déstabilisé par ce nouveau type de monstruosité met tous ses outils (bruits de porte qui grince, ombres…) et sa créativité en marche pour traduire la bestialité derrière un sourire ou encore la montée en pression de la victime.
1/ Le silence des agneaux, Jonathan Demme (1991), 2/ Le Parfum, Tom Tykwer (2006)
La psychose est encore plus forte au coeur de l’enquête, lorsque le coupable court sans filet et sans visage autre que celui de la bête. Il pourrait alors être n’importe qui. Tout le monde devient suspect. On imagine des scénarios tous plus fous les uns que les autres. On soupçonne notre entourage. Le monstre n’a plus de forme propre. Il est partout. Il devient la terreur qui ronge les personnages jusqu’à parfois les faire sombrer dans la folie.
Devant l’engouement, les films d’enquête vont se multiplier chacun rivalisant de cliffhanger des plus saisissants.
Sur le divan de chez Freud et consorts
L’arrivée de ce “nouveau” monstre au XIXe siècle est accompagné par la naissance d’une toute nouvelle discipline: la psychanalyse.
Nos rêves, nos pensées et surtout nos pulsions peuvent ainsi être analysées. On se découvre alors soumis à notre inconscient et à nos désirs, plus bestials finalement qu’on aurait pu le penser (ou que l’on aurait voulu se l’avouer).
Le monstre, finalement, est en nous.
Par son côté extrême, le monstre personnifie ainsi nos peurs et pulsions (destruction, mort, sexe et autres joyeusetés). Il devient un être concept dont l’on raffole regarder les histoires mais que l’on déteste et que l’on repousse. Le monstre doit être fantastique pour être cathartique.
Certains voient ainsi dans l’exemple des monstres qui tombent amoureux de belles jeunes femmes La belle et la bête et ses pendants King Kong en tête, l’allégorie même des passions et notamment d’une libido bestiale.
La Belle et la Bête, Jean Cocteau (1946)
Le monstre figure alors une sorte de mélange de pulsions/ répulsions des plus cathartiques et surtout ludico-ludiques.
Le monstre finalement est une figure plus complexe qu’il n’y paraît. Le cinéma ne s’y est pas trompé. Dans une lecture plus sociologique, ajoutons que le monstre cristallise les peurs d’une société autour d’un lieu, d’une époque ou d’un événement. Citons : L’incroyable homme des neiges et la peur de la haute montagne, la Créature de Frankenstein et la peur des dérives de la sciences au XIXe, l’alien et le vide galactique…
Couverture : L’Etrange créature du lac noir, Jack Arnold, 1954
Déjà bien présent dans la littérature, le monstre a trouvé dans le cinéma son média de prédilection. N’oublions pas que le cinématographe fut d’abord une attraction de foire. A ce titre, il divertit mais surtout surprend et fait peur. Le genre de l’épouvante est ainsi né relativement en même temps que son médium. On vient alors au cinématographe comme on va au train fantôme ou au cabaret voir les magiciens. Une fois passée la surprise de l’Arrivée d’un train en gare de la Ciotat en 1896, on prend également conscience du pouvoir narratif de la caméra.
Les pionniers
The Lost World, Harry O. Hoyt, 1925
Le King Kong (1933) de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack fait date dans l’univers des monstres. Très gros succès au box office, il met les films de monstre sur le devant de la scène et notamment les scénarios d’attaques de monstres géants. Il ne s’agit cependant pas du premier film monstrueux et s’inspire notamment du Monde perdu de Harry O. Hoyt, produit par la RKO, et dans lequel Willy O’Brien aux effets spéciaux et marionnettes perfectionnera sa technique avant de travailler sur le set de … King Kong. Soit dit en passant, Steven Spielberg, lui-même, s’inspirera du même film au moment d’explorer pour la première fois son Jurassic Park (1993).
affiche du Manoir du Diable
L’un des pionniers du genre restent cependant notre Georges Méliès national lequel a posé les bases du film de monstre avec son Le manoir du Diable (1896). Il s’agit d’ailleurs, excusez du peu, le premier film de vampire.
Le cinéma, c’est un fourmillement d’outils narratifs pour faire peur et traduire une ambiance frissonnante . Les multiples combinaisons existantes entre la monstration et la suggestion en font un terrain de jeu fabuleux pour troubadour gothique: bruit de porte qui grince, jeux d’ombres …
Ces outils narratifs font mouche notamment avec l’impressionnisme allemand lequel nous livrera quelques uns des plus beaux chefs d’oeuvre du cinéma.
Universal monsters : le film de monstre prend ses lettres de noblesse
Créé en 1912, la Universal Pictures est aujourd’hui l’un des plus anciens studios encore en activité avec, devant lui, Gaumont (fondé en 1895), Pathé (1896) et Nordisk Films (1906). Elle fait d’ailleurs partie des grandes majors américaines qui ont (et le font toujours) dominé le monde du cinéma au début du XXe. Des films cultissimes que l’on ne présente plus ont ainsi vu le jour sous la houlette de ces nouvelles “usines à rêves” rivalisant de paillettes et de têtes d’affiches prestigieuses. Dans un souci de différenciation au coeur du krach boursier de 1929, les studios Universal et Carl Lemme Jr, le nouveau maître à bord, vont se tourner vers un pan narratif encore assez peu vu à Hollywood : les monstres.
Dracula, Tod Browning & Carl Freund (1932)
Frankenstein, James Whale (1932)
La Momie, Karl Freund (1932)
C’est ainsi que vont naître du même coup : un grand nombre de code liés au film de monstres et au cinéma gothique ainsi qu’un rendu visuel de ces derniers qui leur collera à la peau encore aujourd’hui. Produite entre 1923 et 1960, cette série de films remportera un succès qui ne se dément pas grâce à des monstres issus de la culture littéraire et populaire. Citons ainsi : Dracula (1932) et l’inoubliable Bela Lugosi, Frankenstein (1932) et le make up de Boris Karloff qui définira notre vision classique du monstre, La Momie (1932), L’étrange créature du lac noir (1954) ou encore Tarantula ! (1955). La série fera les beaux jours des studios jusqu’à en faire une usine à monstre qui épuisera presque le filon avec des suites de suite de suite (La Maison de Frankenstein, le fils de Dracula,la fille de Dracula pour ne citer qu’eux ) ou encore de crossover (Frankenstein rencontre le loup garou par exemple). Le monstre devient marrant, sympathique et entre pleinement dans la pop culture.
Âge d’or avec la Hammer 1960-70
Si il est un studio que l’on ne peut dissocier de la vision moderne du monstre c’est bien la britannique Hammer Film Production !
La firme fondée en 1934, plutôt discrète et peu productive face à ses énormes concurrents américains. Elle va toutefois se démarquer dès la deuxième moitié des 1950’s. Elle secourra ainsi un genre qui commence sérieusement à patiner et marquera toute une époque avec sa “patte” si caractéristique. Le studio qui s’est spécialisé dans le film d’épouvante marquera donc notamment par l’une des premières utilisation du technicolor pour un film de ce genre, son esthétique gothique et un brin (mais juste un brin) erotico-subversif. Tout un symbole ! La firme s’appuie également sur des réalisateurs de talent et des acteurs devenu cultes : Christopher Lee et Peter Cushing en tête.
Christopher Lee dans la série des Dracula, Terence Fisher
Docteur Jekyll and Sister Hyde, Roy Ward Baker (1971)
Le conservatisme britannique des années 1980 et le désir du box office pour des histoires plus ancrée dans le réel à l’image de L’Exorciste (1973) auront cependant raison des studios cultes.
De nouveaux monstres
Au cours des années 1990/2000 et surtout au tournant 2010, apparait un nouveau type de monstre. La mondialisation des modes de vie et la bulle internet font de l’altérité une question moins inquiétante que l’inconscient humain, la monstruosité de son côté sombre et la zombification des masses. Le monstre se fond ainsi avec l’humain. Le monstre devient Jack Torrance dans Shining (Kubrick, 1980) ou Hannibal Lecter dans Le Silence des Agneaux (Jonathan Demme, 1991)
Une nouvelle catégorie de monstre voient également son heure de gloire comme un miroir aux peurs de l’époque : l’Alien et la peur du vide intersidéral, le cyborg et l’intelligence artificielle ou encore, bien entendu, le zombie et l’effet culture de masse.
Alien, le huitième passager, Ridley Scott (1979)
Bienvenue à Zombieland, Ruben Fleisher (2009)
Et aujourd’hui ?
Edward aux mains d’argent, Tim Burton (1990)
Le film de monstre peut désormais se catégoriser en 2 grandes approches ceux qui garde un je ne sais quoi de romanesque qui intègre le monstre au coeur de l’action (et pas simplement comme élément perturbateur) et ceux pour qui la peur doit être au centre du processus. Avec cette dernière, les films doivent rivaliser de tricks narratifs, de plot twist et d’image soigneusement étudiées. Cette vision écarte ainsi le monstre d’une quelconque empathie. Le monstre est clairement nuisible voire détestable. Le film répond en premier lieu, ici, au besoin primaire de ressentir la peur et son frisson.
Les poètes, quant à eux, Guillermo del Toro et Tim Burton en tête, s’attachent plutôt à rendre le monstre doué de sensibilité qui, si elle n’est pas humaine, existe bel et bien. Empreinte de la nostalgie d’un cinéma monstrueux classique, il lui oppose une sorte de tendresse envers ces monstres pas si différents finalement.
Ce n’est pas une news incroyable que de dire que l’école et principalement le lycée est l’un des décors les plus usités dans la cinématographie japonaise. Les animés et dramas, principalement, participe de la diffusion de l’image de l’écolière japonaise revêtue de son uniforme réglementaire. Le long métrage, cependant, et surtout en prise de vue réelle n’est toutefois pas aussi enthousiaste vis à vis des jupes patineuses courtes et des longues chaussettes. On en retrouve tout de même des occurrences et notamment dans le domaine de l’animation. Films et séries partagent ainsi certaines caractéristiques de traitement “à la patte japonaise”. Le goût pour les aventures spirituelles presque magiques voire totalement surnaturelles et décalées (coucou Assassination Classroom) est, par exemple, un bon ambassadeur de cette “patte japonaise”. L’exemple le plus criant en est cependant ce contraste maîtrisé entre une violence parfois psychologique parfois clairement physique et l’esthétique soignée du pays des Geishas et de Hokusai.
Le Japon face à son histoire
L’école et surtout les interactions enfants/parents, enfants/adultes ou encore enfants/ professeur permettent de questionner le monde. Le regard jeune et (plus ou moins) innocent pointe ainsi les non dits et un système dans lequel il doit faire sa place.
L’un des thèmes qui ressort le plus de ces interactions reste l’histoire du Japon et son intégration au monde moderne. Il se retrouve ainsi de nombreux scénarios qui mettent en relief le gap grandissant entre la ville et la campagne. Les studios Ghibli en tête, les croyances animistes et le respect des traditions qui ont fait la culture japonaise sont bien souvent violemment opposées à l’appétit du monde connecté du Japon de l’endroit. Un débat toujours lié à l’actualité japonaise et à l’intégration du monde global.
Le seconde thématique à noter est les conséquences voire le traumatisme de la WW2. Vécu comme une humiliation au pays des samouraïs, la guerre fut lourde de pertes. L’occupation américaine et le tourisme de masse ne faisant qu’accentuer ainsi la crise identitaire d’un Japon entre ultra-modernité et traditions séculaires.
Bushido, émotion et collectif
L’école permet ainsi de questionner le monde comme le ferait le regard d’un enfant. Le thème du chemin initiatique n’est donc pas bien loin mais d’une façon bien spécifique. Là où au USA, c’est l’expression de soi et de sa différence qui prime, le Japon apporte ainsi une toute autre vision de l’individu et de la collectivité.
Au pays du bushido, cette initiation de jeunesse prend un tournant plus mystique. Il s’agit ici de prendre conscience de sa place dans la société et de savoir composer avec ses émotions et surtout se battre pour ce que l’on souhaite. Le pouvoir de la volonté, la gestion des émotions et le respect de la vie, voilà qui nous rappelle vaguement quelque chose.
Le jeune prend ainsi peu à peu conscience de lui même, s’affirme puis trouve sa place dans une société qui porte haut les concepts de respect, discrétion et de force tranquille.
Le cinéma à l’école japonaise c’est donc un petit concentré de Japon. La culture japonaise respectueuse et très impliquée dans sa relation à la nature et aux autres se voit ainsi mise en scène au travers des aventures de jeunes gens. Celle ci, cependant, s’oppose de plus en plus, aux films plus violents, surnaturels et de science fiction (qui ont fait son succès ne se le cachons pas) et qui dénote de l’avancée de la mondialisation au pays du contraste.
Battle Royal, Kinji Fukasaku, 2001
La Chorale, Akio Nishizawa, 2006
https://www.youtube.com/watch?v=QfYx-tOz-6A
Je peux entendre l’océan (Oceans Waves), Tomomi Mochizuki, 1993