Si le cinéma reflète souvent les crises et luttes sociétales, ces derniers temps c’est l’organisation même de l’industrie qui est soumise à de très forts remous. Tout le monde se rappelle bien évidemment la retentissante cérémonie des Césars 2020. Une soirée définitivement marquante à tous les points de vue encore impensable il n’y a pas si longtemps. Entre-temps, l’affaire Weinstein met le feu aux poudres en 2018 et donne une voix à l’un des plus grands mouvements féministes de notre époque. Une révolution qui permet surtout de revoir l’identité de tout un art et dépassera, comme souvent à Hollywood, la frontière des projecteurs….
Behind the curtain
Le cinéma et surtout la fabrique de rêves californienne, nous a abreuvé pendant des décennies de figures de femmes fragiles, manipulatrices et sexy à outrance. Rita Hayworth, Marilyn Monroe et tant d’autres n’ont bien souvent eu comme seul argument marketing que leur plastique.
L’illustration la plus criante en est le destin de Hedy Lamarr (1914-2000). L’actrice, quelque peu oubliée au fil des ans, est principalement associée à sa grande beauté et son titre d’une des premières femmes à tourner une scène entièrement nue. Elle est pourtant l’une des plus grandes inventrices de son époque. L’un de ces procédés fut même proposé à l’armée américaine au cours de la WW2 mais ne sera pas retenu…avant d’être redécouvert quelques décennies plus tard et devenir l’origine de l’invention de la technologie wifi. Cette partie d’elle, totalement extraordinaire, est surtout totalement invisibilisée à l’époque et encore aujourd’hui. Sa fin, surtout, par son côté tragique contient en elle seule le destin de la femme de cinéma qu’elle soit hollywoodienne ou non. Hedy Lamarr passa, en effet, les dernières années de sa vie recluse chez elle, défigurée qu’elle était par une chirurgie plastique ratée. Celle qui ne voulait pas voir sa seule richesse, sa beauté, se flétrir finit par précipiter sa propre perte.
Une vision de la femme-potiche qui se développera dès les premiers temps du cinéma et perdure jusqu’à une époque très récente (tant soit dit qu’une telle époque est révolue bien évidemment). Une vision qui tend petit à petit à se fissurer avec l’apparition à l’écran de Brienne de Torth (Game of Thrones, HBO, 2011-2019) ou Nikita (Nikita, Luc Besson, 1990). Hors des plateaux de tournages, les actrices se libèrent également peu à peu de cette domination de la jolie plante verte avec Angelina Jolie (et sa passion des couteaux), Lena Dunham ou encore Emma Watson et son engagement politique.
Pour la petite histoire
Le cinéma est pourtant dès ses balbutiements, peuplé de figures de femmes qui l’ont élevé et parfois même propulsé.
La désormais célèbre Alice Guy (1873-1968), par exemple, fut une véritable pionnière de cet art encore expérimental. Elle fut, en effet, l’une des premières à en voir le potentiel narratif. Secrétaire chez Léon Gaumont, elle crée en 1910 aux USA sa société de productions Solax film, considérée comme l’une des plus importantes maisons de production de cette époque. On lui attribue également la maternité de l’un des premiers films narratifs: La Fée aux Choux (1896).
Agnes Varda, également, qu’on ne présente plus marqua au fer rouge une époque de changements artistiques et sociaux radicaux. C’est avec son premier long métrage La pointe courte, que la photographe et plasticienne participe, en effet, aux prémices d’un (petit hein) mouvement que l’on appellera la Nouvelle Vague.
Des figures comme celles-ci, entreprenantes, courageuses et créatives, l’histoire du cinéma en regorge. Elles furent cependant largement invisibilisées au fil des ans et la mention de leurs noms réservée aux amphithéâtres de cinéma et des revues spécialisées. La première femme à recevoir un Oscar, pourtant, fut la scénariste Frances Marion en 1930 au cours de la 3e édition de la cérémonie pour The Big House. Peu de femmes suivront dont Hattie McDaniel en 1940 pour son second rôle dans Autant en emporte le vent. Première femme de couleur à recevoir la statuette, elle sera pourtant interdite de s’asseoir avec les autres membres de l’assistance et devra suivre la cérémonie à l’écart, les lieux étant réservés aux Blancs.
Du côté de la Croisette, une seule femme a décroché la palme d’or. Jane Campion en 1993 avait, en effet, reçu cet honneur…ex-aequo avec Chen Kaige pour Adieu ma concubine.
Derrière la caméra
L’affaire Weinstein en 2018 a bouleversé les coulisses du glamouresque cinéma. Les révélations ont alors délié les langues de nombres de professionnelles et pas seulement au sein de la sacro-sainte Hollywood. Le cinéma, en sa qualité d’usine à rêve et de modèles, reflète ou est, parfois, à l’origine de mouvements sociaux notables. Les mouvements Me too et Time’s up en sont le parfait exemple en ce qu’il a permis de (re)mettre un véritable coup de projecteur sur les inégalités de traitement de la gente féminine. En France, le hastag “Balance ton porc” et la naissance du collectif 50/50 participe de cette petite révolution. Le festival de Cannes 2018, notamment, fut marqué par une montée des marches exclusivement féminine où figurait notamment Agnès Varda, Claudia Cardinale, Salma Hayek, Kirsten Stewart et Marion Cotillard.
Le cinéma, par son succès en tant que médium, possède un formidable pouvoir sur les représentations sociales. A l’écran mais aussi sur le tapis rouge, la vie publique des professionnels de l’industrie pelliculaire est scrutée et participe de la monstration (et parfois) de la création et la déconstruction de systèmes sociaux. Dans une industrie où le paraître est LA denrée, le voile est levé petit à petit. Si la question de la parité est aujourd’hui au centre du débat, les films de femmes sont encore très loin d’être sortis de l’underground.
Il y a certaines règles lorsque l’on fait un film. Des règles techniques, administratives mais surtout sociales. Pendant de nombreuses années, les majors d’Hollywood furent soumises au code Hays. Certains pays pratiquent encore la censure. Ces règles, si elles peuvent être régies par des lois, sont en grande partie induites par le spectateur lui-même. Ce que l’on peut ou pas montrer à l’écran, ce qui est obscène ou non, dépend principalement du débat social. Le cinéma a cela de particulier qu’il permet tout à la fois de témoigner d’une époque tout comme de la dénoncer.
Les couleurs de l’amour
L’amour entre différentes ethnies a très souvent été dépeint à l’écran. Son traitement n’a cependant cessé d’évoluer de même que les mentalités colonialistes, racistes voire carrément esclavagistes. Il n’y a qu’à voir le récent débat soulevé par Autant en emporte le vent (Cukor) ou une série de dessins animés de la firme Disney. La société évolue. Le regard du cinéma aussi.
Les premiers films notables qui traitent de ce genre de romance mettent en scène principalement un colon blanc et une indigène ou vice versa.
C’est ensuite au tour des histoires entre un blanc et une jeune femme noire. Toute proportion gardée, bien évidemment. Si aujourd’hui, les différences inter-raciales sont clairement montrées à l’écran, notons qu’il a fallu en passer des étapes avant d’en arriver là. En 1957, Raoul Walsh raconte dans L’esclave libre (de son titre original, Band of Angels) , l’histoire d’une jeune femme élevée par son père découvre à la mort de celui-ci que sa mère était noire. Elle devient alors esclave et est vendue au plus offrant. Clark Gable en tête d’affiche permet d’apporter au film un cachet certain pour le grand public. La jeune fille en question, Amantha Starr, cependant, est interprétée par Yvonne de Carlo… c’est à dire une actrice blanche ! Un petit pas pour la représentation afro-américaine à l’écran mais un grand pas pour la société encore très manichéenne de l’époque.
Moins régulièrement à l’écran, on a pu suivre également une romance entre occidental et asiatique. Bref, vous l’aurez compris, c’est pratiquement l’histoire géopolitique du monde que l’on peut retracer par l’observation du traitement des différentes ethnies à l’écran.
La France n’est pas en reste avec les couples mixtes franco-arabe et surtout catholico-musulman.
Les films les plus marquants et surtout clairement militants portent sur les pairs blancs et noirs. Si il y a toujours eu une dénonciation de ce racisme à l’écran (toute proportion gardée suivant les époques), ces dernières années ont vu un grand nombre de long métrage grand public mettant en scène ces couples mixtes.
Classes sociales et romantisme
Une autre catégorie de discrimination largement étudiée au cinéma est bien entendue celle de la classe sociale. Si il s’agit souvent de la combinaison d’un homme riche et d’une femme pauvre, ils permettent tout de même le questionnement social. A défaut d’être féministe, ces films mettent ainsi en scène le mélange des classes sociales encore plus cloisonné à l’époque de Cukor et de son adaptation de My Fair Lady.
En une centaine d’années d’existence, le cinématographe s’est imposé comme LE divertissement de masse. Les usages ont grandement changé, certes, mais on ne peut nier que les plateformes Netflix et consorts ont permis aux images animées de développer encore plus leur impact.Ces images, par leur nombre et leur popularité, ont un impact qui ne fait que se renforcer sur le spectateur et le débat social. Le cinéma est une usine à rêves mais il est aussi et surtout le reflet de la société de son époque. Il n’a jamais été si simple de voir un film. La communauté cinéphile n’a d’ailleurs jamais été aussi active grâce au développement des médias et des discussions en ligne.
Phénomène de l’année 2014, HER explore les relations humains-machine avec une superbe précision. Dans une ambiance colorée et presque rassurante, Spike Jonze installe la réflexion dans un futur à peine anticipé.
“Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly est inconsolable suite à une rupture difficile. Il fait alors l’acquisition d’un programme informatique ultramoderne, capable de s’adapter à la personnalité de son utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de “Samantha”, féminine, intelligente et drôle…”
Voilà pour le contexte. Un énième film de SF ronflant ? Oh que non ! HER explore notre rapport à la technologie au sein d’un monde où le virtuel fait partie intégrante des communications.
Pour l’amour du progrès
Depuis les débuts de la science-fiction au cinéma (mais aussi dès les premiers romans d’anticipation), l’humanité s’est interrogée sur le potentiel intellectuel et émotionnel de la machine. Il en ressort, bien sûr, principalement une peur de se faire détrôner par un être supérieur. Le Metropolis de Fritz Lang en fait un bon exemple. Le discours a cependant évolué avec, notamment, les débuts de la robotique et les premiers androïdes et IA. Si on ajoute à cela le développement des réseaux digitaux, la machine ne fait plus peur mais interroge toujours autant. Elle est devenue une part essentielle de la société humaine et se perfectionne de plus en plus.
Au cours de la fin des années 1990 et surtout des 2000’s va naître le questionnement grand public sur la sensibilité émotionnelle de ces êtres qui ressemble de plus en plus à leurs créateurs. Blade Runner et la soif de liberté des répliquants ou encore le bouleversant IA en sont les exemples les plus frappants. HER, quant à lui, apporte une dimension nouvelle à la réflexion en ce qu’il s’agit d’une histoire d’amour réciproque et surtout dont l’un des protagonistes n’a pas de corps physique. Peut-on tomber amoureux d’une machine ? Et cela, en sachant qu’il ne s’agit que d’une machine ou d’un programme ? Un tel amour peut-il être réciproque ? Une possibilité nous indique Spike Jonze dans un monde où le contact humain est une denrée rare et monnayable à merci.
Les sentiments en question
Le film installe surtout une réflexion de fond autour de la nature même de l’amour. Comment se crée-t-il finalement ? Qu’est ce que l’amour finalement lorsque l’on peut tomber amoureux d’une création virtuelle ?
Ce questionnement est renforcé par le duo Joaquin Phoenix et Scarlett Johansson. La présence de cette dernière, en effet, est simplement induite par sa voix. L’actrice n’est donc pas à l’écran mais elle incarne bien le personnage. Elle est là et l’action et son partenaire interagissent avec elle.
Her est un reflet à peine grossi de nos sociétés occidentales. Les couples formés via les réseaux sociaux sont devenus banals. En 2018, Akihiko Kondo épouse la popstar holographique Hatsune Miku. A une époque où les relations se digitalisent de plus en plus, comment définir le sensible, l’attachement et surtout l’amour ? Quelle valeur leur donner ?
Ex machina, Alex Garland (2014)
AI, Intelligence artificielle, Steven Spielberg (2001)
“La Valkyrie qui m’accompagne hurle et fait éclater sa joie, sa haine. Elle a soif de sang, soif de tuer”, Dwight McCarthy aka Clive Owens in Sin City (Frank Miller, 2005).
La femme viking a fait couler beaucoup d’encre, autant que son homologue masculin. Celle-ci est souvent représentée comme une guerrière puissante et sans peur à l’image de Laguerta de la désormais culte série Viking. Une vraie Valkyrie en somme qui, à l’image de ces divinités mineures, symbolise la femme indomptable et légèrement (mais alors là très légèrement) sexualisée. Tout comme son homologue également, souffre cependant de la vision romantique et largement répandue agrémentée de fantasmes érotico-paternalistes (coucou Xena) et de raccourcis historiques.
Foyer, société, parité
La femme viking, historiquement, bénéficie d’une position bien enviable par rapport au reste du monde médévial. Elles sont traitées avec un certain respect, ont accès à la plupart des biens et nourriture tout comme les hommes. Elles participent également à l’élevage et aux travaux agricoles, ces derniers jugés bien souvent masculins car nécessitant une grande force musculaire. Ces femmes, selon les archéologues, étaient donc grande, forte et en bonne santé comparées au reste de l’Europe de l’époque. Elles bénéficient également d’une meilleure situation. C’est elles, en effet, qui vont garder le foyer et les exploitations lorsque les hommes sont au combat. Un rôle important et qui va leur donner une position appréciable au sein de leur société. Si tous les spécialistes ne sont pas d’accord sur le fait qu’elles auraient été en personne sur le champ de bataille, il n’en demeure pas moins qu’elles savent défendre leurs terres et leur famille en cas de besoin.
Une vision de la femme qui, malgré l’avance paritaire qu’elle représente, n’est que peu représentée à l’écran. Le cinéma lui préfère, tout comme pour les hommes viking, un personnage de combattante sanguinaire et fière.
Le personnage de Lagertha de la série Viking nous apporte (enfin) un vent de fraîcheur quant à cette question. Un bon début…
La problématique Valkyrie
La Valkyrie est une divinité mineure du panthéon scandinave. C’est elle qui accompagne Odin dans sa chevauchée sauvage en quête des guerriers morts au combat les plus méritants. Elle les amène ainsi au Valhalla où elle les couvre de bienfaits. Paradoxalement, c’est également une fabuleuse guerrière animée d’une rage, dit-on, sans commune mesure.
Cette image aux tendances belliqueuses va très rapidement s’étendre à toutes les femmes viking. Elles deviennent alors via les arts, la peinture et la littérature notamment, de véritables allégories de la femme forte. Laquelle sera récupérée par les luttes féministes comme celle de la Sorcière également en pleine révolution. La puissance fortement sexuée de ces combattantes devient alors le symbole d’un sexe qui est loin d’être faible.
Les habitudes ont cependant la peau dure et surtout lorsqu’il s’agit de stéréotypes. La valkyries et à plus large spectre, la guerrière est encore extrêmement érotisée à la moindre de ces apparitions. Elle semblent de plus cantonnée à la seule tâche du combat et des jeux de l’amour et laisse les décisions stratégiques à ses supérieurs masculins.
La femme viking, si elle apporte une autre vision de la femme, n’en reste pas moins à l’écran, pour le moment du moins, une femme objet. Loin du stéréotype de la mère de famille ou de la fragile petite chose, elle continue à être très sexualisée. De nouvelles figures semblent cependant faire surface et apportent un vent de fraîcheur à la vision de la guerrière. La révolution est en marche ?
Avant d’être l’effroyable envahisseur, le viking est avant tout l’un des plus grands aventuriers de son temps. Si la théorie selon laquelle il aurait découvert l’Amérique avant Christophe Colomb ne fait pas l’unanimité, il n’en est pas moins un véritable explorateur.
Couverture : Les Vikings, Richard Fleisher (1958)
L’appel du large
Une image est indissociable de toute exploration viking, le drakkar. Ce bateau à la proue souvent décorée de créatures mythologiques, principalement des dragons, et dont il tire son nom effrayait les populations par sa seule vision. Il est à noter cependant que le terme “drakkar” est inexact et assez récent. Il est, en effet, apparu en 1840 dans le tome 1 de l’Archéologie navale d’Augustin Jal. Celui-ci utilise alors le terme de “drakar”, pluriel du suédois moderne “drake” qui signifie “dragons” (terme lui-même issu de l’ancien scandinave “dreki/drekar”). Le terme s’installe très rapidement dans le langage moderne et désigne désormais dans l’imaginaire collectif les fameuses embarcations nordiques. A noter, une fois encore, que ce type de bateau n’est pas le seul usité par les vikings.
L’image de l’immense vaisseau à la proue surmontée d’une créature tout droit sortie de l’enfer est aujourd’hui universellement (re)connue et façonne par les arts une vision fantasmée et romantique du guerrier viking.
La mer est très présente dans la culture viking. Outre son utilité certaine quant à la nourriture et autres transport de marchandises, elle symbolise l’inconnu et tant de possibles. Un symbole auquel ne résiste pas le viking qui mue par son désir d’aventure, de conquête et de richesse s’élancera sur les flots. Une vision de l’aventurier qui séduira les artistes et leur public tant dans la littérature et la peinture qu’au cinéma.
Extrait: Les Drakkars, Jack Cardiff (1964)
Conquête et commerce équitable
Nombre de légendes courent autour des raids viking. Leur invasion des territoires anglais notamment, a fait couler beaucoup d’encre et de pellicule. La culture de la guerre et l’importance des faits d’armes à leurs yeux font des vikings de redoutables adversaires. On conte et raconte énormément de mythes autour de ces guerriers presque inhumains à l’image du guerrier ours, le Berserk. Tous leurs voyages ne se terminaient cependant pas tous dans le sang et les larmes. Ils furent, également, de simples commerçants. Ils favorisent ainsi les échanges culturels tant sur le plan idéologique et linguistique que dans l’échange de denrées (périssables ou non).
Extraits : Les Vikings, Richard Fleischer, 1958
Si le viking marqua son époque par ses raids spectaculaires, il fut également un très grand aventurier. Une image quelque peu fantasmée par le cinéma qui ne montre guère un autre visage que celui du guerrier invincible, tatoué et sans pitié. Exception est faite, toutefois, quant à sa soif de découverte même si celle ci est souvent liée à l’écran par des motifs belliqueux ou avides.
L’un des visages les plus fameux du peuple viking est celui de la spiritualité. Les dieux Odin, Thor, Loki et tous les autres régissent ainsi la vie et la destinée des différentes peuplades de l’Europe du nord réunies sous le terme commun de Viking. Si ces croyances furent quelques peu (mais seulement un peu) dénoncées comme participant de l’œuvre du démon par la chrétienté, elles surfent aujourd’hui dans le haut de la hype. La montée en puissance d’une vision romantique du paganisme depuis le XIXe siècle principalement permet, en effet, à la “religion” viking d’acquérir une toute nouvelle audience de curieux. Tout comme la sorcière, le viking devient alors le gardien des anciens cultes, victime de la soif de pouvoir des chrétiens. Le côté plutôt badass de ces héros et un intérêt du public pour l’occulte qui ne fait qu’augmenter en font une mine d’or pour tout cinéastes, scénaristes en mal de péripéties.
Couverture: Le seigneur des anneaux: Le retour du roi, Peter Jackson (2003)
Une cosmogonie riche
A l’époque des raids les populations du nord, ainsi que la plupart de ses contemporains, est plutôt porté sur le polythéisme. La chrétienté, monothéiste, n’en est qu’aux débuts de sa conquête du monde occidental et l’islam n’est pas encore la puissante religion qu’elle sera quelques siècles plus tard. Seul le judaïsme est présent mais, déjà, la diaspora et les persécutions ne lui permettent pas de s’imposer.
C’est le règne des cultes polythéistes et spirituels. Chez les vikings, celui-ci s’exprime via un complexe réseau de dieux et de créatures d’une très grande richesse. Tout ce petit monde repose sur les branches d’Yggdrasil ou l’Arbre monde. Celui comprend ainsi les neuf royaumes à savoir : Asgard (royaume des Ases), Vanaheim (celui des Vanes), Alfheim (royaume des elfes clairs), Midgard (royaume du milieu, celui des hommes), Jotunheim (domaine des géants), Svartalfheim (royaume des elfes sombres), Niflheim (domaine des Brumes et des Nibelungen), Muspellheim (royaume du feu) et Helheim (domaine des morts). Pour les plus curieux, l’Edda poétique est un must quant à l’étude des bases de cette mythologie scandinave. Il s’agit d’un recueil de poèmes en vieux norrois rassemblés en islandais au XIIIe siècle, le Codex Regius et fut attribué Saemundr Sigfusson.
Les comics Marvel, s’ils conservent la séparation de l’univers en plusieurs mondes, symbolisent le passage de l’un à l’autre de ces dimensions par un pont « arc en ciel » résultat d’une énergie dimensionnelle : le Bifrost.
Un réseau complexe de dieux et de légendes qui inspirera moults quêtes que ce soit pour relater les aventures des dieux eux-mêmes ou d’humains au destin éclairé. La fantasy, surtout, est friande de ces mythes et s’en inspire parfois largement comme un certain J.R.R Tolkien et son Seigneur des Anneaux dont l’intrigue ressemble à s’y méprendre à la légende de l’Anneau maudit d’Albéric. Il est à noter d’ailleurs que J.R.R Tolkien fut professeur de vieil anglais et étudia les langues germaniques ainsi que les légendes s’y rapportant. Il bouleversera l’étude du fameux poème Beowulf. La Terre du Milieu regorge ainsi d’un très grand nombre de références à cette mythologie germanique mais aussi scandinave.
1. Le seigneur des anneaux: le retour du roi, P.Jackson (2003)/ 2. Alberich’s pursuit of the Nibelungen Ring, Hans Makart
Les signes, la nature et les hommes
Cette mythologie s’accompagne d’un ensemble de croyances autour de la nature. Celle-ci est, en effet, est remplie de messages divins que seuls quelques initiés peuvent comprendre. La figure du chaman, largement répandue pré-colonisation chrétienne prend ici principalement la forme du devin. Celui-ci interprète les signes envoyés par les dieux et les esprits afin d’agir au mieux selon leurs désirs.
Les runes, principalement et parmi d’autres outils, lui permettent de soumettre directement ses questions aux esprits. Une théorie contestée par certains historiens spécialisés, notamment du fait du peu de preuves archéologiques. Elle fut néanmoins largement reprise par les arts et surtout le cinéma qui en a fait un alphabet magique à l’instar des hiéroglyphes qui apparaissent sur le corps d’Amaneth dans le remake de La Momie en 2017.
Il existe un certain nombre d’alphabets runiques parmi les langues germaniques (frisons, anglo-saxons, scandinaves..) et celtiques. Les plus célèbres restent néanmoins celles dites du Futhark nordique ancien (24 runes) et récent (16 runes) .
La mythologie viking fascine aujourd’hui plus que jamais. La vision romantique du paganisme en a fait une vraie star de l’écran et constitue encore aujourd’hui une source d’inspiration d’une imposante richesse.